Comment se trouver lorsqu’on est entre deux bords de la Méditerranée, entre deux cultures aux antipodes ? Comme Danyl, franco-algérien, de nombreux enfants issus de l’immigration se posent la question. À 25 ans, le rappeur, au sourire communicatif, fait de sa double culture un moteur, un champ artistique qu’il ne se lasse pas d’explorer.
Celui qu’on présente, malgré lui, comme le “petit prince du raï” se veut modeste, en refusant de parler de succès, et bienveillant envers ceux qui ont tendance à le réduire à cette étiquette.
Travailleur acharné, Danyl donne de la voix à la culture maghrébine, dont il souligne toute la beauté, dans sa série d’EP “Khedma” (travail en arabe). Tout au long de ces trois EP, Danyl puise dans ses souvenirs d’enfance pour se réapproprier une culture, longtemps stigmatisée. C’est dans les tréfonds de la nostalgie que le rappeur s’exprime le mieux.
Mais réduire Danyl à l’Algérie et à une quête identitaire serait quelque peu trompeur. Ce jeune compositeur est plein de surprises et emprunte plusieurs casquettes, tant celle d’interprète que de beatmakeur. Le jeune rappeur ne cesse d’innover à l’image de sa récente collaboration avec Stony Stone sur le titre “Ti Amo“, hymne à l’été.
Le parisien qu’il est, s’amuse également à narrer sa vie de jeune homme de 25 ans, tourmenté par les peines de cœurs, et animé par la hargne de s’en sortir, pour prouver au jeune enfant qu’il était, qu’enfin, il a réussi.
Vous avez choisi de faire le shooting et l’interview à la Gaîté Lyrique. Est-ce qu’il y a une symbolique autour de ce lieu pour toi ?
Il y a même deux symboliques : la date que j’ai fait ici en solo, en mars dernier, et le Arte Concert, Dans Le Club à l’heure algérienne, qui était une dinguerie. C’est un peu ma salle de concert, celle que j’ai faite récemment, celle où j’ai fait mon plus gros concert, où j’ai ramené tout le monde. Donc ouais, elle me tient à cœur et en plus le lieu est stylé.
T’as commencé à faire des prods très jeune, dès tes 13 ans, mais comment l’écriture est arrivée dans ta vie ?
J’ai un peu le profil du geek, derrière son PC. J’ai commencé à écrire vers 15 ans, mais je n’ai pas commencé tout de suite à chanter. J’écrivais dans mon coin, j’osais pas forcément montrer à mes potes. Je disais que c’était mon cousin qui posait. Ça prend du temps et je suis passé par tous les paliers comme quand tu t’habitues à l’eau. J’ai d’abord fait les pieds tranquille, les prods, puis j’ai commencé à chanter dessus et après, j’ai commencé à m’assumer, à montrer mon visage, mais ça a pris du temps. L’écriture s’est venu en classe, comme la plupart des rappeurs. J’étais dans mon coin et j’écrivais un peu, mais rien de fou. Et c’est quand j’ai commencé à poser, que je me suis dit bon là, je vais me concentrer sur l’écriture.
Tu t’es fait connaître via Twitch, en composant en live des morceaux, mais aussi sur TikTok, en faisant des reprises originales. Qu’est-ce que ces plateformes t’ont apporté dans la vie ?
TikTok et Twitch c’est un peu deux plateformes opposées. Twitch, tu t’occupes que des gens qui te connaissent et qui t’aiment, ce sont souvent les mêmes personnes et c’est dur d’aller chercher de nouvelles personnes. C’est un sac de 300 personnes et ce sont toujours les mêmes personnes qui sont là alors que TikTok c’est l’inverse. C’est que de nouvelles personnes, qui restent 30 secondes sur ton TikTok, et après elles disparaissent. Donc c’est deux façons différentes d’aborder la musique. Twitch c’est vraiment pour sauvegarder des gens qui sont là, créer un lien. Je commence à connaître les gens, à force de revoir les blases. TikTok c’est juste aller chercher un public, un peu comme au marché où t’alpagues les gens.
Est-ce que tu penses que ton succès aurait été le même sans ces plateformes ?
Je ne sais pas si on peut dire succès parce que je suis au tout début du truc. Ce sont mes armes d’aujourd’hui. À une autre époque, les gens utilisaient la radio, la télé pour se faire connaître. Moi, j’ai ça comme armes. Je me suis dit que les réseaux sont accessibles à tout le monde, il suffit d’un téléphone et d’un réseau, donc j’y suis allé en me disant que j’allais tester des choses.
Pendant longtemps, tu as fait des prods pour d’autres artistes, est-ce que tu as connu une certaine frustration à composer pour les autres ?
Peut-être, mais ça c’était plus des egos de quand j’étais plus jeune. En mode : “ah vas-y il a posé comme ça sur ma prod, moi, j’aurais posé comme ça et tout”. Mais aujourd’hui plus du tout. Aujourd’hui ça me fait limite du bien de bosser pour d’autres personnes, ça me fait du bien de m’oublier. Parce que quand tu es artiste, il est tout le temps question de toi. Les interviews, c’est pour parler de moi, la scène c’est moi. Dans mes chansons, je parle de moi. C’est très égocentré donc ça fait du bien de travailler sur d’autres projets et de s’oublier un peu. De se mettre au service d’autres artistes et d’autres histoires.
Tu as sold out la Maroquinerie en ayant seulement deux sons à ta discographie, puis la Gaîté Lyrique avec cinq sons. Tu as 3 EP à ton actif, soit un peu près une dizaine de sons, et pourtant tu as 80 000 auditeurs sur Spotify. Est-ce que tu t’expliques cet engouement et ce succès ou bien, tu te laisses davantage porter par ça ?
Je me laisse porter en vrai. Je l’explique par Twitch et par les réseaux aussi. Les gens qui sont venus au concert de la Maroquinerie, ce sont des gens qui restaient six heures devant les lives, à regarder un mec chanter, écrire ou rigoler. Donc après faire le pas de payer 20 balles pour aller voir ce mec en concert, il est plus facile à faire que si c’était pour un mec que tu ne connais pas. La Maroquinerie, je sais que je l’ai rempli grâce à Twitch. Et pour le succès, je ne considère pas ça comme du succès, je fais mon truc, mon petit chemin.
À quel moment tu vas potentiellement parler de succès alors ?
Succès pour moi c’est quand tu as tout brûlé, quand tu as fait un Bercy, quand tu es diamant. Les gens te connaissent, identifient tes sons ou au moins un son. Moi, je fais mon truc de mon côté tranquillement et je pense que ce sont plus les gens qui parleront de succès à un moment. Je ne parlerai jamais de succès de mon côté, je pense.
Même en ayant rempli un Bercy ?
(Rires) Allez pour un Bercy, si, peut-être. Je pourrais flex un petit peu.
Tes trois EP s’appellent Khedma, travail en français, est-ce que tu te considères comme un travailleur acharné ?
En vrai oui, d’un côté et non de l’autre aussi. Je suis un travailleur acharné, mais je fais ce que j’aime, ce n’est pas non plus de la sueur. Je ne suis pas à l’usine ou à la mine, je fais de la musique et j’ai voulu faire ça toute ma vie, je ne me plains pas de taffer. C’est du taf, mais ce n’est pas non plus ce truc de “je dois aller au boulot”. C’est un travail de passion et c’est pour ça que je préfère Khedma parce que c’est plus le charbon, d’aller chercher des trucs. On l’utilisait tellement dans les lives Twitch, dès qu’on était déconcentrés, je disais “On retourne au Khedma”. Au final, c’est devenu le nom des sessions Twitch puis de l’EP, qui est plus un EP en trois parties que trois EP.
On te surnomme souvent le petit prince ou le nouveau prince du raï ou du néo-raï, quel est ton sentiment sur cette appellation ?
Alors moi déjà, je ne l’ai jamais dit, que ce soit néo-raï, nouveau raï ou prince du raï. Mais après, les gens qui ont tendance à utiliser ce qualificatif, ce sont des gens qui ne connaissent pas forcément cette culture. Je pense qu’ils ont vu un truc un peu sauvage, un peu exotique et ils ont essayé de mettre des mots qu’ils comprennent pour le cadrer. J’ai vu ça avec un peu de bienveillance, je me suis dit qu’ils essayaient d’appréhender le truc, ils disent néo-raï s’ils veulent. Moi, juste, je n’appellerais pas ça comme ça.
Et est-ce que ça t’arrives de te sentir enfermé par cette appellation ?
Non parce qu’en vrai ce sont souvent des médias qui ne sont pas au courant de cette scène. Donc, je ne me sens pas enfermé parce que si demain, je veux faire de la country, je fais de la country.
Comment tu définis le raï ?
Le raï pour moi ce sont les sentiments, c’est la musique qui va au-delà des sentiers battus, qui va un peu froisser la morale, qui est dans la débauche parfois. Ça parle d’alcool, de drogues. Surtout dans une société maghrébine qui est très conservatrice, qui ne laisse pas dépasser les choses. C’est une musique de liberté pour moi, c’est beaucoup de sentiments et d’émotions. Et c’est chanté par des gens qui, de base, ont une posture de mec solide parce que ce sont des hommes maghrébins et ce ne sont pas des gens qui vont pleurer. Et y a tout un truc de déconstruction à faire autour de l’éducation rebeu des hommes. Je trouve ça encore plus cool que ce soit des gens, évoluant dans cette société, qui soient autant vulnérables dans leur musique. C’est une musique qui est plein de paradoxes, qui me parle beaucoup. Et j’emprunte des choses au raï comme je vais emprunter des choses ailleurs, je pioche dans toutes les musiques que j’écoute.
Dans tes inspirations, celles qui reviennent souvent, c’est Cheb Hasni, Cheb Mami, Khaled ou encore Drake. Et justement, tu décris ton style au croisement entre le rap et le raï, donc quelles sont tes inspirations rap ?
Dis-toi que moi, j’ai écouté du rap comme c’est interdit d’en écouter. Le moindre mec qui venait de pop dans le 19ᵉ, qui avait fait un freestyle à 10 000 vues, je le connaissais. J’ai tout écouté et surtout beaucoup de rap français. J’étais à fond dans la scène émergente SoundCloud américaine avec XXXTENTACION, Juice WRLD, etc, mais en vrai, je suis surtout un consommateur de rap français. J’aime trop et je trouve qu’on est les plus forts
Il y avait qui dans tes écouteurs aujourd’hui par exemple ?
La Mano 1.9. Lui c’est trop, c’est une star. Hamza aussi que j’apprécie énormément. Je l’aime depuis qu’il a commencé le son. Hamza, il avait un groupe qui s’appelait Kilogrammes Gang et j’étais déjà là. J’étais même à son premier concert où on était cent personnes. Il est trop fort et je suis son premier auditeur, je tiens à le souligner. Je connaissais même, à l’époque, sa première mixtape, qu’il a supprimé depuis, Recto Verso.
Tu le dis en interview : « La différence avec d’autres chanteurs, c’est que, quand je parle de l’Algérie, je le fais du point de vue d’un français ». Est-ce que tu cherches à parler à ce public en particulier, les premières, deuxièmes générations d’immigrés ?
Je ne sais pas si je leur parle, mais je sais que c’est un peu ce que je suis. La musique m’a beaucoup aidée à renouer avec mes origines, à me comprendre, à me cerner. De pas me dire, je suis algérien ou je suis français. Je suis les deux en même temps et les deux entièrement. Et je pense que forcément, il y a des gens à qui ça parle. Je m’en suis rendu compte après les concerts où il y a des gens qui me disent “merci la musique m’a aidé à me situer”. Et on n’a pas énormément de modèles pour les jeunes maghrébins en France aujourd’hui. Et quand je dis que je parle d’un point de vue d’un Français, c’est parce qu’on me compare à Tif et Zamdane et c’est ma différence avec eux. Un peu comme Rim’K quand il fait “Tonton du bled” où il parle en tant qu’immigré.
Ça fait écho à ce que tu dis sur Mazel : « en France j’suis qu’un arabe de plus et au bled j’suis un zmigri ». Est-ce que tu puises ta richesse dans cet entre-deux justement ?
Totalement. De base, c’était un peu une faille parce que c’est dur de se construire entre deux trucs. T’es au bled, mais tu n’es pas vraiment rebeu et ici, tu n’es pas vraiment français. Ça m’a pris un certain temps de me cerner. J’ai l’impression qu’il y a plein de jeunes de cette génération qui ont chacun leurs techniques pour se réconcilier avec leurs origines, que ce soit par la peinture, par l’art, par le cinéma. Et moi, c’était la musique, ça a été le fait d’explorer les musiques de chez moi, les musiques de mes parents. Et même quand j’étais plus jeune, ce n’était pas à la mode d’écouter du raï, je vannais mon père par rapport à ça, je lui disais qu’il me soûlait avec sa musique d’arabe. Je me suis rendu compte de ça dans une interview récemment, que j’avais fait un travail de réconciliation avec mes origines et que c’est passé par l’art.
En dehors de la musique, est-ce que tu as d’autres inspirations culturelles, maghrébines ou arabes ?
J’ai beaucoup d’inspirations musicales sur le sujet. Et elles m’ont permis de retourner vers cette culture. Mais en dehors de la musique, c’est vrai que je n’en ai pas énormément parce que la musique c’est toute ma vie. Je suis passionné au point de presque délaisser d’autres trucs comme le cinéma. Il y a plein de trucs où j’ai des lacunes parce que je passe trop de temps à faire de la musique.
Pourquoi l’amour c’est pour les autres et pas pour toi ?
(Rires). Ah, je ne sais pas, ce sont les chanteurs de raï ça, ce n’est pas moi (rires). Non, en vrai, j’aime bien, quand je parle d’amour, en parler de façon un peu négatif. Parce que justement, je suis d’une culture qui ne permet pas ça. Je suis d’une culture qui ne permet pas trop de se livrer – plus qui ne permettait pas parce que j’ai l’impression qu’on est en train d’évoluer sur ça. Mais y a quand même ce truc où jamais, je vais parler à ma mère d’une déception amoureuse ou d’un chagrin d’amour. Même le mot amour, on ne va pas en parler. J’aime bien parler d’amour au moment où je suis le plus mal par rapport à ça, le plus désespéré. Ou qu’un pote l’a été, peu importe, des fois, je parle de moi, des fois, je parle de mes potes. J’aime bien le côté un peu fragile du truc, fragile assumée.
Du coup c’est un contre-pied à cette culture maghrébine que d’assumer cette vulnérabilité ?
Ouais, mais au final c’est pas moi qui l’aie inventé ce truc, ce sont les chanteurs de raï qui le faisaient déjà. Comme un Hasni ou n’importe quel chanteur de raï, ils sont tout le temps mal dans leurs chansons. Et quand ils parlent d’amour, ils sont largués, ils sont au comptoir en train de pleurer et de commander un énième whisky. Je trouve ça cool et couillu d’en parler comme ça.
J’ai l’impression que, dans Galbi, tu nous livres cette vulnérabilité. Est-ce que composer, écrire, c’est une manière pour toi d’accepter cette vulnérabilité ? Et au-delà de la musique, est-ce que t’arrives à le faire dans ta vie de tous les jours ?
Ouais la musique c’est clairement une manière d’accepter cette vulnérabilité parce que je ne le fais pas dans la vie de tous les jours. J’ai plus de mal à le faire quotidiennement parce que tu connais, les hommes quoi (rires).
Il y a un thème qui revient souvent, notamment dans Mazel et Nouveaux Riches, c’est le fait de sortir de la misère avec une notion d’ascension. Quel type d’ascension, tu vises, une ascension sociale ou plus financière ?
Les deux, je pense parce que tout va ensemble. Quand tu grandis financièrement, tu vas grandir socialement, tu ne vas plus être respecté de la même manière. Même quand tu grandis dans le statut, tu as forcément l’argent qui vient avec. Donc c’est une ascension globale. J’aime bien parler de mon quotidien, je parle de moi parce que si je parle d’autre chose que de moi, je ne vais pas savoir quoi dire, je ne vais pas être précis dans ce que je dis. Je parle de moi aujourd’hui et aujourd’hui, on est plein d’ambitions. On veut avancer, on veut réaliser des choses, on veut montrer à nos darons qu’on va réussir. Au final, je finis par pas mal parler d’ascension. Mais j’en parlais plus avant quand j’étais vraiment en mode, “j’ai tout à prouver”, quand personne me connaissait et qu’il fallait que j’avance. Maintenant, j’en parle un peu moins parce que c’est un peu plus bizarre. Je n’ai pas envie de tout le temps parler et d’être en mode “je vais sortir de la misère”. En vrai hamdouillah ça va mieux aujourd’hui, je vis de ma musique.
Est-ce que t’as le sentiment d’avoir moins à prouver aujourd’hui ?
Ouais peut-être, mais j’ai encore beaucoup, beaucoup à prouver. J’aurais toujours beaucoup à prouver, je pense, même si un jour, je remplis un Bercy, ou si je fais une salle de fou, je serais toujours en mode “je dois faire ça maintenant”. Et je ne sais pas vraiment à qui je veux prouver, sûrement à moi-même, peut-être au petit moi qui n’y croyais pas. Parce que j’ai jamais considéré la musique comme un métier plus jeune. J’ai fait de la musique toute ma vie, des prods très jeune, mais je n’ai jamais considéré ça comme un travail, comme le fait qu’un jour, je pourrais faire ça de ma vie. Ce n’était même pas dans mon logiciel tellement on m’a répété que ce n’était juste pas possible. Je ne l’ai pas envisagé jusqu’au moment de faire mes premières scènes. C’est là que j’ai réalisé que je pouvais en faire un métier et que j’ai tout lâché pour ça.
La Rouma ou Bledi mon amour sont un peu des chansons de nostalgie, notamment du bled et des vacances au bled. Est-ce que la nostalgie est ton sentiment préféré ?
Je crois. C’est incroyable la nostalgie, j’aime trop ça me remettre dans mes souvenirs. Quand j’écris Bledi mon amour, je l’ai écrit il y a deux ans tout juste avant de retourner en Algérie et je me plongeais dans mes souvenirs. J’ai mis deux mois à l’écrire parce que je faisais que lister tout les trucs qui me rappelaient le bled. La note Bledi mon amour, elle était infinie. Et ça me fait plaisir que tu cites le Maroc parce que j’ai fait exprès de pas citer l’Algérie dans le son. Même si moi, je parle de l’Algérie parce que c’est mon pays d’origine, je ne voulais pas que ce soit un son que pour les algériens. Je voulais que ça parle même à un sénégalais et que ça lui rappelle le bled.
Une de tes chansons s’appelle Pigalle et la scénographie de tes concerts est inspirée de ce quartier avec les devantures de kebab. Tu as grandi entre Créteil et Paris 13. Du coup quelle place occupe Paris dans ta vie ?
Paris c’est énorme dans ma vie, j’ai passé énormément de temps de ma vie à Paris, à traîner. Les devantures ça me représente de fou parce que ce sont les devantures que je vois la nuit entre chaque épicerie. On a acheté ça dans des épiceries, ce sont des vraies devantures. Paris c’est trop important pour moi, c’est central, c’est une ville où j’ai fait ma vie, où j’ai rencontré mes gars. C’est une ville où on se mélange beaucoup donc t’apprend beaucoup des autres. Tu ne peux pas être fermé sur le monde quand t’habites ici. J’avoue, je devrais davantage en parler, ça peut être un nouvel axe (rires) Mais c’est vrai que comme j’habite à Paris, je l’idéalise beaucoup moins. Je n’ai pas la nostalgie de Paris, j’ai plus la rouma de la ville. Elle me rend zinzin cette ville.
Dans tes textes actuels, ceux que t’écris en ce moment, est-ce que Paris t’inspires davantage ?
Je pense que j’ai fait un peu comme dans les films. Là, je suis plus en mode les origines. Je vais davantage puiser dans l’enfance, dans la genèse, dans mes souvenirs d’avant plutôt que dans l’analyse de l’actuel. Je le fais un peu dans Mazel, mais j’analyse plus le quotidien que l’environnement. L’environnement quand tu es dedans, tu l’oublies un peu. J’oublie que je suis à Paris, je m’en rends même pas compte. Donc, je vais plus parler de mes souvenirs d’enfance que du décor. Je pense plus à ce que je fais qu’où je suis.
Tu viens d’annoncer ta première tournée dans toute la France. Quel est ton état d’esprit ?
Incroyable, j’ai hâte. C’est comme TikTok et Twitch, y a encore deux séparations dans mon cerveau. Il y a les festivals, où il faut aller chercher les gens. Je vais me vendre, je suis au cabaret. Il faut que j’aille chercher le mec qui est au 11 000ᵉ rang derrière, qui ne me connaît pas, et qui est peut-être raciste. Et quand je suis en date avec les gens qui m’aiment et avec mon public, là, je suis plus en célébration. Il y a un moment de partage où on reçoit de l’amour. Les festivals, j’y vais davantage avec la hargne, avec la niack de tout baiser.
Ton rêve c’est toujours de remplir Bercy ?
Toujours.
Ce sera quoi le rêve d’après ?
Il faut que j’en trouve un autre après (rires) J’en trouverais un, mais au moins, j’ai ça comme ligne d’arrivée dans ma tête actuellement et j’espère que j’en aurais toujours une parce que c’est le truc qui te maintiens en vie les objectifs. Le chemin est cool, mais il faut toujours que je visualise une ligne d’arrivée quelque part. Ça m’aide à avancer, à marcher.
Tu souhaites te voir où dans dix ans ?
Ah ouais difficile la question (rires). Dans une semaine, je peux te répondre, dans dix ans, je ne sais pas (rires). Mais j’espère que je serai toujours aussi heureux dans la musique, toujours aussi épanoui. En vrai c’est pas où je serai, mais comment je serai moi-même plutôt. J’espère que je serais bien, toujours à kiffer ce que je fais. Que j’aurais jamais perdu ce côté passion et que ce ne soit pas devenu un travail, que ce ne soit pas devenu un bureau.
Interview : Meryem Benyahia
Photographie : Alex Mouchet