Bilal Coulibaly a vu sa vie basculer un 22 juin 2023. Du jour au lendemain, il est sélectionné à la huitième place de la draft NBA par les Washington Wizards. 

Un an plus tard, le jeune basketteur, originaire des Hauts-de-Seine, s’est adapté d’une main de maître à la vie NBA dont il a tant rêvé petit. Après une saison de rookie convaincante, écourtée par une blessure au poignet qui l’a éloigné des terrains plusieurs mois, Bilal Coulibaly vit cet été sa première sélection en équipe de France et ses premiers Jeux olympiques. 

Comme un symbole, lui qui a fêté ses 20 ans le jour de la cérémonie d’ouverture des JO, vivra ce samedi sa première finale olympique avec l’équipe de France contre la Team USA. La première étape d’un futur prometteur, dans lequel il ne compte pas décevoir.

Ces Jeux à Paris sont spéciaux pour toi, car tu as fêté tes 20 ans le jour de la cérémonie d’ouverture. Tu as commencé une nouvelle décennie le jour où tu as concouru pour tes premiers JO. Cela a une symbolique particulière pour toi ?  

C’était un beau cadeau d’anniversaire. J’y pensais avant de savoir si j’allais être sélectionné pour les Jeux. C’est vraiment incroyable de commencer une nouvelle décennie de cette manière-là, aux JO chez moi, à Paris. C’est un beau symbole.  

Que représentent les Jeux olympiques pour toi ?

Les Jeux olympiques, c’est un évènement grandiose que je regardais petit. Je regardais tout : l’athlétisme, le judo, la natation. Me dire aujourd’hui que des petits me regardent comme moi, je le faisais plus jeune, c’est très beau. 

Est-ce que j’ai la pression quand on m’appelle « le futur du basket français » ? Oui et non. C’est une pression sans vraiment en être une, c’est un boost.  

Bilal Coulibaly

Et justement, quel est ton plus beau souvenir des Jeux en tant que spectateur ? 

Quand j’étais plus jeune, je regardais beaucoup l’athlétisme. Alors je dirais peut-être que ce sont les JO de 2016 à Rio, quand Usain Bolt a gagné ses trois titres olympiques. C’est mon souvenir préféré parce qu’il y avait la rivalité avec les Américains. J’étais pour Usain Bolt et je me rappelle que je n’aimais pas Justin Gatlin, je ne sais pas pourquoi (rire). 

Pendant la saison, tu pensais souvent aux JO ou tu étais totalement focus sur ta première année en NBA ? 

J’ai fait les choses au fur et à mesure, chaque chose en son temps. Le fait que je me sois blessé m’a bien évidemment fait penser aux JO un peu plus tôt. J’y pensais pendant la saison, on ne va pas se mentir, ma priorité était les JO, car c’était la chose la plus imminente. J’y pensais sans cesse et je n’avais qu’une hâte, c’était de pouvoir revenir physiquement à 100 %.

Quel bilan tires-tu de ta saison de rookie, saluée par beaucoup de spécialistes ? 

Je trouve que j’ai fait une saison correcte. Je ne suis pas forcément satisfait, mais ce n’était pas mauvais, donc correct est le bon mot. Je me suis blessé au poignet, mais cela ne m’a pas empêché d’être sélectionné pour faire les Jeux, car j’ai adapté ma rééducation pour faire en sorte de revenir le plus rapidement possible. J’ai été All-Star donc bien évidemment, c’est une récompense individuelle qui est satisfaisante. Mais collectivement, ça a été un peu compliqué.

Dans une interview pour RMC, tu as donné à ta saison la note de 5/10. Tu n’es pas un peu trop dur avec toi-même ? 

Peut-être, mais je pense qu’il faut être dur avec soi-même. C’est comme ça qu’on arrive à accomplir de grandes choses, en visant toujours plus haut. Donc c’est vrai, je suis sûrement un peu dur avec moi-même, mais j’ai toujours fonctionné comme ça et à chaque fois tout s’est bien passé. Donc je vais continuer à faire ça. (rire)  

Tu ressens de la pression quand les médias t’appellent « le futur du basketball français » ?

Est-ce que j’ai la pression quand on m’appelle « le futur du basket français » ? Oui et non. Parce que ça me donne envie de bien faire et de satisfaire tout le monde. Je ne veux pas décevoir les jeunes qui me suivent aussi. C’est une pression sans vraiment en être une, c’est un boost.  

Tu es très jeune, mais tu as déjà une image forte auprès des plus petits. Quel regard portes-tu sur ce que tu as accompli ces deux dernières années ? 

Mon évolution s’est faite étape par étape. Quand j’étais en Espoirs, je recevais déjà des messages de jeunes. Ils me disaient qu’ils aimaient ma manière de jouer, qu’ils venaient me voir à mes matchs. Ça me faisait plaisir. Quand je suis passé en pro, j’ai eu de plus en plus de messages, de sollicitations. Ma famille commençait à me voir sur les réseaux et à se dire que je suis bon en fait (rire). 

Et quand je suis arrivé en NBA, ça a vraiment explosé. J’ai reçu énormément de messages d’encouragement de jeunes, de bienveillance. En revenant à Nanterre après la saison NBA, les fans étaient très contents de me voir et j’étais heureux. Parce que quand j’étais jeune, j’aurais aimé avoir des joueurs NBA ou même des professionnels qui viennent me voir, pour leur poser des questions, échanger avec eux. C’était un bon moment pour eux et pour moi aussi.

Tu parles de ta visite à Nanterre, j’y étais aussi et j’ai vu des enfants crier ton nom. Tu es déjà un exemple à suivre pour beaucoup de jeunes venant de banlieue et/ou étant racisés. Est-ce que tu réalises ce que tu incarnes ? Et si oui, tu trouves que c’est trop ? 

Non, je ne trouve pas que ça soit trop. *Soyons honnête, je suis un joueur NBA, les petits me regardent à la télé. Moi aussi, si j’avais leur âge et que je voyais un jeune français jouer en NBA, je le verrais comme un modèle. Je n’ai que 20 ans, j’essaye de ne pas y penser, car pour moi, il est encore trop tôt pour me voir comme un exemple à suivre. Mais je sais qu’ils s’inspirent un peu de moi.

Tu as une personnalité très chill. Comment t’es-tu adapté à cette nouvelle vie qui a changé du jour au lendemain ? 

Je pense que j’ai bien été éduqué. Mes parents ont tout fait pour que je garde les pieds sur terre et que je n’ai pas de mauvaises fréquentations. Du coup, l’adaptation a été plutôt simple. Ma famille était avec moi aussi, je n’étais pas tout seul. Et le fait qu’ils soient là, pour m’accompagner, je pense que ça m’a beaucoup aidé. 

Tu parles d’accompagnement, est-ce que des vétérans français jouant en NBA ont pris contact avec toi pour te donner des conseils ? 

Oui, Rudy Gobert et Nicolas Batum sont les joueurs avec qui j’ai le plus échangé après les matchs en NBA. On a beaucoup discuté, ils m’ont donné des conseils sur le basket, la vie de tous les jours et comment réussir en NBA. 

Avec Jordan [Poole] on n’a pas juste une relation de coéquipier, on est des vrais amis.

Bilal Coulibaly

Qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi dans ton adaptation à la ligue américaine ? 

Je dirais la vitesse du jeu, parce qu’ils jouent plus vite là-bas et le terrain est plus grand. Quand je suis arrivé, c’était plus compliqué de tirer à trois points. Ce sont des choses auxquelles j’ai dû m’adapter pendant l’été, mais les entraîneurs m’ont bien aidé.

Et au quotidien, qu’est-ce qui a été le plus dur et le plus facile dans ta nouvelle vie américaine ?

Franchement le plus facile a été de m’installer là-bas parce que ma famille, mes coéquipiers et l’organisation m’ont vraiment très bien aidé. Le plus compliqué, je dirais que c’était l’adaptation à la nourriture (rire). Je suis passé de la France, un des pays dans le monde avec la meilleure nourriture, aux États-Unis où il y a beaucoup de choses artificielles. 

Qu’as-tu ressenti en affrontant des joueurs que tu regardais quand tu étais plus jeune ?  

Je me suis dit que c’est beau ! Quand tu arrives aux échauffements, tu ne peux pas t’empêcher de regarder un peu ce qu’ils font. C’est magique de voir LeBron James ou Kevin Durant. Bon après sur le terrain, c’est la compétition, mais je ne peux même pas mettre de mot là-dessus, c’est très très beau. 

Il y a quelque chose qui m’a marqué, c’est ta relation avec tes coéquipiers et notamment avec Jordan Poole. C’est le joueur dont tu es le plus proche ? 

Ouais, parce qu’on est à côté dans les vestiaires. Du coup, on se parle tous les jours, dans l’avion quand on n’est pas assis ensemble, il vient parfois à côté de moi et on discute. Il est venu à Paris pendant ses vacances, on a mangé ensemble, on est allé voir des matchs. Avec Jordan on n’a pas juste une relation de coéquipier, on est des vrais amis.

Je veux gagner avec l’équipe de France. On veut gagner ces JO à Paris.

Bilal Coulibaly

Ces dernières années, la cote d’appréciation des basketteurs français en NBA est en boom. On l’a vu encore avec Zaccharie Risacher et Alexandre Sarr sélectionnés en numéro 1 et 2 de la draft NBA. Qu’est-ce que tu penses de cette évolution ? 

Je dirais que la culture basket grandit en France grâce à nous, les joueurs sélectionnés. On arrive à être de plus en plus haut dans les pics de draft, à faire des bonnes saisons et je pense que ça inspire les jeunes. Ils se disent que si nous, on a réussi, ils peuvent aussi essayer de performer. Si tout le monde pense comme cela, il y en aura forcément de plus en plus qui réussiront, comme on l’a vu cette année, et ça sera de mieux en mieux au fur des années.  

J’aimerais qu’on parle de ton ancien club, les Metropolitans 92. Il va disparaître la saison prochaine, seulement deux ans après le passage de Victor et toi. Qu’est-ce que tu as ressenti en apprenant la nouvelle ? 

J’étais un peu déçu d’apprendre que les Mets 92 allaient disparaître. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé en interne, mais on a passé une très belle saison avec le club [les Mets ont été sacrés Vice-Champion de France avec Victor Wembanyama et Bilal Coulibaly en 2023]. Ça m’a fait mal au cœur. C’est un peu une partie de mon histoire qui s’arrête, ça m’a fait un peu de peine. 

Mais bon, s’ils n’ont pas pu continuer, c’est qu’ils avaient des problèmes qu’ils ne pouvaient pas résoudre. Je ne vais pas juger, je ne suis pas à l’intérieur, je ne sais pas ce qu’il s’est passé.

Que veux-tu accomplir personnellement ? 

Je veux gagner avec l’équipe de France. On veut gagner ces JO à Paris. De plus en plus de très bons jeunes arrivent en sélection et je pense qu’il y a des choses à gratter. J’aimerais bien évidemment réussir en NBA, si possible être plusieurs fois All Stars. Gagner une bague NBA, c’est le rêve de tout basketteur.

Interview : Jessie NGANGA
Photographe : Nolan FRVL & Jessie NGANGA
Post-production : Joshua Peronneau

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