Le noble art vit un véritable renouveau en France. Bien aidé par les triomphes de la “Team Solide” aux J.O de Rio en 2016, la boxe séduit de plus en plus d’adeptes chaque année. Porte-drapeau de ce sport dans l’Hexagone, Souleymane Cissokho a récemment invité des dizaines de jeunes de son quartier, le 19ème arrondissement de la capitale, à venir découvrir ce sport et ses valeurs.
Organisé par son équipementier Under Armour, cet événement a également permis à la marque américaine de nous présenter ses nouvelles innovations techniques destinées aux sportifs de haut-niveau. Après un entraînement de boxe dirigée par Souleymane lui-même, nous avons pu poser quelques questions au premier athlète français à avoir signé chez Under Armour.
Peux-tu nous présenter ton parcours ?
Je m’appelle Souleymane Cissokho, je suis boxeur professionnel. Médaillé olympique au J.O de Rio en 2016, ancien capitaine de l’Équipe de France de boxe. Je viens du 19ème arrondissement. En dehors de ça, j’ai aussi un Master en Droit du Sport.
Quand est-ce que tu as signé chez Under Armour ?
Notre toute première collaboration remonte à 2010. Donc ça fait très longtemps qu’on bosse ensemble ! La marque venait tout juste de s’implanter en France. Après ça, notre relation a évolué, s’est développée et ça s’est concrétisé sur un plus gros contrat, sur une collaboration beaucoup plus importante.
Comment est-ce que tout a commencé ? Ils sont venus vers toi ou tu es allé vers eux ?
C’est l’équipe qui me gérait à l’époque qui avait contacté Under Armour. Mon profil leur avait plu, ils ont eu confiance en moi, ils ont cru en moi. C’est comme ça que je suis devenu le premier athlète français signé chez Under Armour.
Qu’est-ce que ça a changé pour toi dans ta carrière de signer avec un grand équipementier ?
Énormément de choses ! Déjà, ça aide beaucoup quand on fait du sport tous les jours (rires). On a toujours besoin d’équipements de qualité. Pour parler franchement, en boxe on sue tellement qu’on a besoin de technologie comme le Rush, le Recovery, pour pouvoir être bien physiquement et être prêt sur nos entraînements. Au haut-niveau, c’est vraiment la somme des détails qui fait la différence. Le positionnement d’Under Armour est vraiment axé sur la performance et c’est ce qui m’aide aujourd’hui.
Tu parlais à l’instant des innovations produits dans le sport. Est-ce que c’est la marque qui vient vers toi avec des innovations ou c’est l’athlète qui a des demandes spécifiques que la marque traduit en produit ?
Under Armour fait tout avec les athlètes. Le point de départ de leur travail, c’est ton ressenti. Par exemple, sur mes chaussures de boxe, ils vont me demander : “Tu préfères le talon comme ci ? Comme ça ?” Il y a un échange entre la marque et les athlètes, ce qui n’est pas le cas partout. Ils ne créent pas leurs gammes, leurs nouvelles technologies, sans nous en parler. Parfois, ils nous demandent de tester des nouvelles choses et là encore, l’échange s’installe avec les retours qu’on peut faire en tant qu’athlètes.
Et de ton côté, en tant que star de la boxe française, qu’est-ce que tu apportes à la marque ?
Je colle à Under Armour au niveau de l’image. La performance, le travail… C’est une marque qui aime mettre en avant des sportifs qui sont des bosseurs. Au delà de ça, je fais aussi connaître la marque autour de moi, dans mon cercle proche. Les jeunes du 19ème arrondissement ils sont tous en Under Armour maintenant !
Le sponsoring en boxe ne marche pas comme dans les autres sports majeurs. Tu peux nous expliquer ça ?
Il faut savoir qu’il y a très, très peu de boxeurs sponsorisés dans le monde. En France, on doit être quatre. Aux États-Unis, il y en a encore moins. La star de la gamme boxe d’Under Armour là-bas, c’était Canelo Alvarez. En Europe, ils ont Anthony Joshua, moi et c’est à peu près tout. En clair, être sponsorisé pour un boxeur, c’est un vrai aboutissement dans une carrière.
Tu évoques Anthony Joshua, il a récemment fait l’actualité après son combat contre Andy Ruiz. C’est quelqu’un que tu connais personnellement ?
Oui, on se connaît même plutôt bien car c’est aussi mon manager ! (rires) On se connaît très bien, j’étais d’ailleurs au combat contre Ruiz en Arabie Saoudite. On travaille ensemble depuis un peu moins d’un an, il manage ma carrière. En dehors de ça, c’est un très grand champion évidemment.
On sait que Joshua a un rapport très fort à la musique, est-ce que c’est pareil pour toi ? Tu écoutes beaucoup de musique pendant ta préparation ?
Avant un combat, je n’ai pas besoin de musique pour me motiver. Quand je me suis entraîné très dur pendant des semaines, des mois, j’ai juste hâte d’être sur le ring. Je n’ai que ça en tête. Après, pendant toute la phase de préparation, tu as besoin de musique, sinon tu t’ennuies ! Dans la salle, tu as besoin d’un petit fond sonore qui te permet de faire passer les entraînements un peu plus vite.
On trouve quoi dans ta playlist d’entraînement du coup ?
Je suis un gros consommateur de rap. J’habite et je m’entraîne aux États-Unis, et là-bas mon coach interdit formellement qu’on passe de la musique avec des grossièretés et des insultes, donc le rap US il faut faire très attention ! (rires) Pour contourner un peu le truc, on met du rap français et là il nous laisse tranquille. J’écoute vraiment de tout, beaucoup de Ninho, beaucoup de Niska… Dans la nouvelle génération, j’apprécie énormément Koba LaD aussi.
Il y a des rappeurs dont tu es proche ?
Oui, j’en connais pas mal, les rappeurs aiment généralement bien la boxe. Médine et Youssoupha par exemple, ce sont des artistes avec qui j’échange beaucoup.
Tu nous disais que tu habitais aux États-Unis, est-ce que tu as vu des grosses différences entre “l’école française et “l’école américaine” dans la façon de s’entraîner, de percevoir le sport ?
Bien sûr. Selon moi, il y un fossé qui nous sépare. On est en retard sur tout, ne serait-ce que sur la mentalité. C’est bateau, mais les américains ont vraiment la mentalité de la gagne. Pour eux, c’est gagner ou rien. Ils s’entraînent avec un seul mot en tête : gagner. En France, on a plus tendance à se dire : “J’ai participé, c’est bien. J’ai fait au mieux.” Ce n’est pas un cliché, c’est quelque chose que l’on ressent, que l’on constate en allant s’entraîner là-bas.
Selon toi, comment est-ce qu’on pourrait réduire ce fossé culturel ?
Donner plus de moyens aux clubs, aux éducateurs. Ça passe obligatoirement par là. En France, un coach de boxe il assure aussi le rôle d’un préparateur physique, d’un préparateur mental, tout en ayant un boulot à côté pour payer les factures à la fin du mois. Aux États-Unis, les personnes qui t’encadrent sont avec toi du matin au soir. Par exemple, il y a un mec qui est là uniquement pour m’essuyer le visage ou pour me donner à boire ! C’est pour dire que les moyens sont décuplés là-bas, c’est beaucoup plus professionnel.
Justement, est-ce que tu sens que la boxe est sur la pente ascendante en France ? On avait senti une impulsion suite à vos exploits à Rio avec Tony Yoka, c’est toujours le cas ?
Depuis les Jeux Olympiques, la boxe en France a passé un vrai cap. Ça fait trois ans maintenant, mais on le ressent toujours. Les chaînes TV s’intéressent de nouveau à la discipline, le nombre de licenciés a aussi explosé au niveau fédéral. Ce qui a surtout changé, c’est que la boxe est enfin sortie des quartiers populaires. Elle se démocratise et touche de plus en plus de monde. J’ai un contrat avec le groupe Eiffage et je vois que chez eux, tout le monde se met à la boxe ! On voit de plus en plus de chefs d’entreprise, de cadres, de médecins, d’avocats monter sur le ring.
Qu’est-ce qui leur plaît dans cette discipline ?
La boxe c’est toucher sans se faire toucher. Il y a beaucoup d’idées reçues, les gens pensent qu’ils vont se faire péter le nez, qu’ils vont finir en sang… En fait, c’est tout le contraire. C’est un sport qui aide beaucoup sur le dépassement de soi, sur la confiance. C’est des choses dont tu as besoin quand tu bosses dans une boîte où tu es stressé du matin au soir. Des fois, tu as juste envie de taper dans quelque chose et de sortir tout ce que tu as en toi. Aujourd’hui, la boxe c’est une thérapie.
Photo : Albin Durand (@_albin_)