Place forte du rap américain dans les années 90, Houston a peu à peu perdu de sa superbe au tournant du nouveau millénaire. Cet affront est désormais réparé, en grande partie grâce au succès planétaire de Travis Scott, un artiste viscéralement attaché à la ville qui l’a vu naître. Sous l’impulsion de La Flame, de nombreux artistes ont ainsi décidé de redonner ses lettres de noblesse à la ville texane. L’un d’eux se nomme Don Toliver. Et il est très probablement le rappeur le plus talentueux de la nouvelle génération sudiste. C’est en tout cas ce qu’il a démontré avec brio vendredi dernier, avec la sortie de son premier album Heaven Or Hell. Un disque réussi, qui était surtout très attendu par le public et la critique, tous deux curieux de savoir si Don Toliver allait confirmer les belles promesses qu’il avait laissé entrevoir au cours des derniers mois. Inutile de construire un faux suspens. Avec Heaven Or Hell, le natif de Houston offre un projet plaisant, fascinant par moment et surtout extrêmement prometteur pour la suite. Surtout, il prouve que Don Toliver possède déjà sa place parmi les meilleurs rappeurs américains actuellement.
Vendu par son auteur comme “le plus grand album de la décennie” il y a quelques semaines, ce premier long-format fait suite à la mixtape Donny Womack, parue le 2 août 2018, soit la veille d’ASTROWORLD. Un détail qui a son importance, tant ce timing de sortie savamment calculé avait alors permis à Don Toliver d’exploser aux yeux des fans. Présent en featuring sur l’excellent “CAN’T SAY”, le rappeur s’impose rapidement comme LA rélévation du blockbuster de Travis Scott. Déjà signé par Atlantic Records en 2018, Don Toliver vit à ce moment là l’acte fondateur de sa jeune carrière. Propulsé sur le devant de la scène par son apparition mélodieuse et plantante sur l’un des meilleurs morceaux d’ASTROWORLD, le texan rejoint dans la foulée l’écurie Cactus Jack, devenant le premier artiste signé par le label de Travis Scott. La suite ? Une sensation virale sur TikTok avec “No Idea” (une énième preuve de l’importance crucial de ce réseau dans le rap de 2020), un leadership artistique sur le projet Jackboys, et, enfin, cette épreuve du premier album.
Sur la forme, Heaven Or Hell se veut compact. On retrouve ainsi un projet composé de 12 tracks, pour une durée totale de 37 minutes. Un choix qui fait presque tâche dans une industrie qui a trop souvent tendance à surcharger ses disques, afin de gonfler ses chiffres de streaming. Même s’il espère sans doute réaliser de beaux scores de vente, Don Toliver semble avoir compris qu’un premier album devait avant tout servir de carte de visite artistique. Le rappeur de H-Town a résisté à la tentation de vouloir trop en faire, et grand bien lui en a pris. De l’introduction “Heaven Or Hell” à la conclusion “No Idea”, le rookie de Cactus Jack maîtrise parfaitement son sujet. Sa voix si particulière, qui lui vaut parfois d’être vu comme un crooner moderne, enchaîne en effet les prestations convaincantes sur des productions signées Mike Dean, Wondagurl ou encore TM88. Les sonorités d’Heaven Or Hell brillent alors de par leur variété, Don Toliver passant de la trap à la soul ou au RnB d’une piste à l’autre.
Surtout, il parvient à garantir une véritable cohérence tout au long du projet, notamment grâce à son timbre de voix unique en son genre. Don Toliver est capable de s’adapter à n’importe quelle production et il tient ici à le montrer. Malgré sa richesse musicale, ce premier album conserve une direction artistique claire, de l’ambiance aérienne de ses morceaux à la beauté mélancolique de sa pochette. Au niveau des temps forts, on retiendra bien évidemment le magnifique “Euphoria” en compagnie de Travis Scott et Kaash Paige ainsi que l’entêtant “No Photos.” Si le premier cité évoquera l’atmosphère du “90210” de son mentor, le second s’impose déjà l’un des tracks favoris des fans du Don. Difficile aussi de ne pas évoquer “Wasted” et “AfterParty”, un duo qui confirme que le texan brille également quand il s’agit façonner des morceaux extrêmement efficaces. Dernier temps fort remarquable, le psychédélique “Company” qui s’apparente à une transposition sonore parfaite de l’état de manque induit par un deuil amoureux.
Avec Heaven Or Hell, Don Toliver s’offre donc un nouveau succès dans sa jeune carrière. Reste désormais à savoir si sa fanbase grandissante adhérera à ce projet complexe et réfléchi, qui devrait l’installer un peu plus sur la carte du rap américain. De notre côté, il ne fait peu de doutes qu’il faudra compter avec Don Toliver dans les années à venir. On a déjà hâte.
Le premier album de Don Toliver est à (re)découvrir ci-dessous.