En début d’année, on vous partageait les 5 marques qui avaient retenu notre attention lors de la Fashion Week parisienne Fall/Winter 2020. L’une d’entre elles se démarquait grâce à un style aussi bien original que subversif : Eytys. Avec des créations hybrides, la marque suédoise s’inscrit dans les tendances du moment en faisant des silhouettes androgynes son fer de lance. Pourtant, l’unisexe fait partie de l’ADN de la marque depuis ses origines. Au cours d’un voyage au Japon, Max Schiller et Jonathan Hirschfeld, amis d’enfance et fondateurs d’Eytys, ont un jour imaginé une paire de baskets unisexe, inspirée par celles que portait la marine américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2013, les deux hommes décident de quitter leurs emplois respectifs et se lancent dans l’exigeante industrie de la mode. Sept ans plus tard, le label suédois a été adopté par tous les amateurs d’une mode moderne et libre, où l’expression personnelle règne en maître. Focus sur une marque qui épouse son temps.
Max Schiller et Jonathan Hirschfeld ont avant tout désiré construire une marque qui leur ressemble. Ce sentiment d’appartenance à une génération à la lisière entre deux mondes a fortement marqué les deux hommes, puisque le nom de la marque, « Eytys » prononcé « eighties », est en réalité un hommage à cette époque. Une période qui a également vu l’émergence du mouvement punk au début des années 1980, mouvement dont le style et les symboles ont été repris par Eytys et adaptés dans les collections.
Si les phénomènes sociétaux de leur temps semblent avoir fortement marqué les deux créateurs, la naissance d’internet et du monde en réseaux a joué un rôle clé dans leur conception de la mode, ainsi que dans les stratégies de communication qu’ils ont adoptées. “En tant que génération Y, nous avons été la première génération à grandir avec Internet et MTV – avec un accès à un flux illimité d’informations et d’inspirations. Nous pensons que ce privilège a créé une génération pluridisciplinaire […] que nous voulons que Eytys reflète“, expliquait Max Schiller dans une interview accordée à CR fashion. En effet, Eytys est une marque conçue par et pour des “digital natives”. Les créateurs sont parvenus à saisir les enjeux du digital tout en les utilisant à bon escient. C’est pourquoi la marque doit son succès en grande partie à une maîtrise parfaite de sa communication. Les réseaux sociaux, plus précisément Instagram, sont l’occasion pour les influenceurs du monde entier d’arborer les tenues pointues signées Eytys. Et surtout, la marque suédoise parvient à faire défiler les mannequins les plus prisés.
Si le style de la marque plait autant, c’est sans doute pour son côté grunge poussé à son paroxysme, tout en gardant un certain minimalisme. Le créateur suédois précisait également dans l’interview que “l’objectif d’Eytys a toujours été de créer un design simple, fonctionnel et unisexe, né d’un besoin personnel. Il s’agit plus de jouer avec les proportions et les matériaux et moins avec la décoration“. Cette philosophie les a accompagnés depuis le début, et ils continuent de l’appliquer dans leurs collections, bien qu’aujourd’hui le minimalisme ait laissé place à des pièces plus travaillées. Pour autant, le premier modèle footwear proposé par Eytys était bien loin des produits excentriques que l’on peut trouver dans leurs collections aujourd’hui. C’est avec les chaussures « The Mother », des sneakers minimalistes et unisexes, que les créateurs suédois rencontrent leur premier succès. Avec cette dernière, l’objectif était simple pour le duo à la tête d’Eytys : créer une chaussure élégante qui se distingue de tout ce qui existe sur le marché.
Fort de ce succès, le label suédois a par la suite imposé son style en proposant des pièces plus recherchées et sophistiquées. Aujourd’hui, la marque est reconnue comme l’une des spécialistes de la chaussure en raison de son mélange bien exécuté du style grossier et minimaliste. Eytys a continué à sortir des produits uniques qui ont alimenté sa popularité croissante, à tel point qu’on lui doit en partie la résurgence de la tendance des fameuses “chunky sneakers”. En s’associant avec la marque Buffalo Zine, Eytys a su remettre cette mode datant des années 1980 au goût du jour, au point d’en maîtriser tous les codes. La marque scandinave s’est ainsi imposée comme une concurrente sérieuse dans le domaine du footwear pour les marques de prêt-à-porter, dans le sens où pratiquement chacune des paires proposées peuvent être considérées comme des chaussures de luxe ou presque. La clé d’un tel succès est sans doute la capacité de la marque à comprendre les envies de sa clientèle, tout en attirant de nouveaux adeptes à chaque nouvelle collection.
Après s’être fait un nom dans le domaine de la chaussure, Eytys a continué d’exprimer son style en lançant en 2017 une ligne de denim qui donne à ses clients la même possibilité de sculpter leur propre look. La collaboration a ainsi été complétée d’une gamme apparel avec le lancement de la campagne “Five Pocket” axée sur des jeans évidemment unisexes, qui s’inspirent de l’esthétique des vêtements de travail populaires dans les années 90 à Los Angeles. Eytys adopte les tendances urbaines d’une manière très différente, en témoigne sa collaboration avec le designer japonais Michiko Koshino, présentée dans un lookbook Automne/Hiver 2019 excentrique dans lequel des pièces western fusionnent avec des pièces “années 2000”.
Inclusion et accessibilité semblent être les mots d’ordre de la marque scandinave, qui semblait dès le départ être en avance sur son temps. En effet, à l’instar de Telfar, Eytys fait partie des jeunes marques qui assument leurs idées et qui se veulent être les nouveaux piliers d’une mode audacieuse et décomplexée. Aujourd’hui, Eytys s’est complètement imposée dans le paysage de la mode et y occupe une place particulièrement importante. Ses propositions originales, à contre-courant, se détachent de ce qui se fait actuellement. En maîtrisant l’art de l’hybridation, Eytys prouve son potentiel en se plaçant au même rang que les grandes enseignes de luxe qui revisitent leur héritage. L’initiative la plus importante est peut-être celle de transcender les frontières du genre, de l’âge et de la nationalité et de s’adresser à toutes les cultures possibles.
En lançant leur première collection de prêt-à-porter en janvier 2019, Max Schiller et Jonathan Hirschfeld sont donc restés fidèles à eux-même, en proposant des pièces à mi-chemin entre la fast-fashion et la mode pointue. Un entre deux qui pourrait bien permettre à Eytys de devenir une marque incontournable dans les années 2020, sans jamais perdre de vue une identité déjà complètement établie.
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