Ses proches l’appellent Lou. Aux yeux de son public, de son label et des médias, c’est mademoiselle lou. En septembre dernier, sa carrière prend un tournant inédit lorsqu’elle croise la route de son chef de projet. Il travaille chez Warner, au sein du label Elektra.
Touché par la singularité de la mademoiselle, happé par les quatre titres qu’elle a déjà dévoilés, il part à sa rencontre. Une histoire qui se finit bien. Ou plutôt qui démarre par une signature remplie de promesses au sein de la major. Depuis, “Précieux”, son premier projet est sorti. Un EP de sept titres. “Une palette de ce que mademoiselle lou peut proposer“, précise-t-elle. Riche en sonorités, son nuancier de couleurs chante autant qu’il rappe, séduit et marque les esprits.
Le 21 juin, à l’occasion de la Fête de la Musique, c’était à mon tour de rencontrer Lou pour la première fois. Ensemble, on avait assisté à des performances live dans les rues de Paris. Ce jour-là, ni elle ni moi n’avions imaginé qu’elle allait enregistrer un titre aux millions de streams, en featuring avec le plus grand rappeur français de l’Histoire : Booba.
Aujourd’hui, on se retrouve dans les locaux de Warner, à la limite du 18ème arrondissement. Au programme de la discussion, son nouveau quotidien d’artiste, sa signature, son envie de tout prendre. Lou ne connaît pas la première personne. Dès qu’elle parle de sa passion devenue métier, elle raisonne au collectif.
Avant que la musique prenne une place importante dans ta vie, à quoi ressemblait ton quotidien ?
Je travaillais en tant que serveuse, dans la restauration. Plus petite, je ne m’imaginais absolument pas dans la musique, c’était juste un loisir à mes yeux. C’est à partir ma rencontre avec KNG, mon producteur, que les choses ont évolué. Il m’a donné la déter de sortir mes premiers sons.
Tu avais besoin de quelqu’un pour envisager une carrière musicale ?
J’avais besoin d’un soutien pour me lancer. Même sur le plan administratif, je ne connaissais pas grand-chose aux contrats, moi je ne faisais que chanter [Rires]. Et puis, je pense que le plus important avant se lancer dans la musique c’est d’être très bien entouré. D’avoir une bonne équipe, des bonnes bases. Il faut aussi prendre son temps pour être sûre que c’est ce qu’on aime vraiment parce que c’est une voie risquée. Ensuite, pour vraiment s’accrocher dans ce milieu, l’essentiel c’est d’être respectable, poli, aimable et bienveillant.
Aujourd’hui qu’est-ce-qui te motive à te lever le matin ?
Mon travail, la musique. Le fait de me dire qu’on va faire plein de choses. Si ce n’est pas la musique en elle-même, ça sera des interviews, des sorties etc.
Comment s’est passée ta signature au sein du label Elektra ?
Super bien. Mon producteur connaissait quelqu’un du label qui a pu nous mettre en contact avec Maxime, notre chef de projet actuellement. Ça a tout de suite rendu les choses plus concrètes. On savait pourquoi on continuait et comment on allait poursuivre, même si on avait déjà notre planning de fixé dans nos têtes.
Le jour de la signature, j’étais en pleurs du début jusqu’à la fin de la journée parce que j’étais un peu malade [Rires]. Et surtout parce que je suis super sensible et la signature a pris un peu de temps, donc c’était un soulagement. Je me suis effondrée et je n’ai pas arrêté de pleurer une seule seconde. Je me sentais relativement bien mais en soi c’était bizarre comme moment, tout le monde me regardait, c’était la première fois que je rencontrais d’autres personnes du label etc. C’était plein d’émotions mélangées dans mon cœur et ça se voyait sur ma tête, on aurait dit que j’étais au bout de ma vie. J’avais l’impression qu’ils pensaient qu’on m’obligeait à signer [Rires]. La première personne que j’ai appelée à ce moment-là, c’est ma meilleure amie Kyana, puis mes parents qui ont super bien réagi. Ils étaient fiers, même si encore aujourd’hui, ils ont besoin de voir le travail concret pour vraiment être satisfaits.
Pourquoi avoir opté pour une signature en label plutôt que l’indépendance?
Financièrement c’était très difficile de m’auto-produire. La musique était appréciée, on observait un certain engouement et il fallait que les budgets et la qualité puissent suivre.
Ton entourage t’a regardé différemment après ça ?
J’ai de la chance d’avoir un entourage proche solide qui n’a pas changé d’œil vis-à-vis de moi. Pour eux je suis toujours “Lou” avant d’être “mademoiselle lou” et le projet, c’est eux également. S’agissant du reste, les connaissances ou les fréquentations, je pense que tous les artistes peuvent en témoigner : les gens reviennent. Après c’est à toi d’accepter ou pas. Personnellement je sais que mon cercle d’amis est très restreint et donc, qu’il ne va pas bouger.
Qu’est-ce qui a changé dans ta manière de travailler une fois que tu as intégré le label ?
La stratégie a toujours été faite par mon équipe, dont KNG mais c’est sûr qu’aujourd’hui on s’appuie aussi beaucoup sur Elektra. Au niveau de l’élaboration de la musique à proprement parler, c’est-à-dire tout ce qui concerne les sessions studios, j’ai toujours procédé de la même manière. Je n’écris jamais au studio. Pour écrire j’ai besoin d’être dans ma bulle. Je cherche mes mots donc s’il y a une présence qui peut possiblement me parasiter l’esprit, c’est très difficile pour moi d’écrire. Je suis pudique sur ça [Rires]. Du coup, j’écris chez moi, à la maison. Une fois que c’est fait, je vais enregistrer en studio donc c’est un processus de création assez rapide.
De nos jours pourtant, nombre d’artistes écrivent en studio, à l’aide d’une prod justement. Toi tu n’as pas besoin de ça?
Si quand même ! On m’envoie les prod directement et ensuite je les travaille dans mon coin. Généralement, je sais au bout de cinq secondes si j’aime ou pas. Ça va vite, je reconnais aux accords, au feeling et au rythme. Je mets la prod en boucle sur mon téléphone et je fais ma topline en même temps que j’écris mon texte et vice versa. Je mêle toujours l’écriture à la mélodie. Au niveau des sonorités et des registres, je n’ai pas forcément de préférence même si je sais que dans le projet, c’est très tourné autour du piano. Ce qui est normal parce que c’est l’une de mes bases musicales. Je pense que c’est quelque chose qui va rester à travers le temps.
Pourquoi avoir choisi de dévoiler plusieurs singles avant d’attendre l’EP ?
Je pense que c’était la meilleure façon de se présenter au public. Et puis j’aime bien faire des sons sur des prod de registres différents. Le fait de sortir plusieurs singles ça permet une bonne variété au niveau des sonorités et c’est un bon moyen de montrer un peu tout ce qu’on sait faire. Après ça on a créé l’EP pour qu’il y ait vraiment une palette de ce que mademoiselle lou peut proposer.
Tu sembles mettre un point d’honneur à différencier “Lou” de “mademoiselle lou”.
Ouais, on est un peu comme deux personnes. Parfois j’écris des sons et je me dis “Woah, c’est lourd” mais j’ai pas l’impression que c’est moi qui l’ai écrit. mademoiselle lou c’est un tout, c’est l’artiste. C’est mon nom de scène, c’est un peu comme un personnage. Une identité autre que Lou. Je suis plus dure que mademoiselle lou.
À partir de quand tu dirais que les médias ont commencé à s’intéresser à ce personnage ?
Bonne question. Je pense que c’est après la sortie de “Solo”, mon premier single clippé. On a reçu un bon engouement à ce moment-là parce que c’est un morceau un peu drill. Une meuf sur de la drill, c’est assez rare. On est arrivés avec une DA en mode cambriolage, cagoules etc. La stratégie de promotion était bonne derrière aussi parce que c’est comme ça que les médias ont pu accéder à ce clip.
Depuis le début de notre échange, il n’y a pas un seul moment où tu as employé la première personne. Tu dis toujours “on” mais à qui fais-tu référence ?
KNG, Desso, Anissa, KNG, DXN mon ingé son, Timbeuh mon beatmaker. Après je sais que j’incarne le personnage de mademoiselle lou mais sans eux, il n’existerait pas.
C’est assez rare comme discours.
La plupart des artistes qui affirment s’être faits tout seul, je ne pense pas que ce soit vrai. Il faut être humble et reconnaissant de ce qu’on t’apporte. J’essaie de l’être en tout cas.
Comment ça se passe la promo ?
Je suis de moins en moins timide. Mais c’est normal, au bout d’un moment c’est souvent les mêmes questions qui reviennent donc tu te rodes assez vite. Après, je n’en ai pas marre de me répéter, s’il faut que je le dise mille fois, je le ferai [Rires].
Les gens commentent ton travail, que ce soit positivement ou négativement ?
Des critiques j’en reçois évidemment. Personnellement je ne suis pas contre puisqu’il y a besoin d’avoir l’avis des auditeurs pour avancer et s’améliorer dans notre travail. En revanche ce qui me dérange c’est les commentaires ultra négatifs portés sur ma personne. En soi je m’en fiche si tu critiques mon travail, c’est normal, je ne peux pas plaire à tout le monde. Certains trouvent que je chante sous auto-tune et ça leur pose problème parce qu’à leur sens une femme doit avoir une voix claire et pure, voir même faire de la variet. [Rires] Sinon on me parle aussi beaucoup de ma tendance à la nostalgie, mais ça c’est ancré en ma personne par exemple. Après je n’ai pas envie de devenir redondante donc c’est des remarques que j’intègre pour ne pas m’enfermer dans ces thèmes-là. Sinon j’ai aussi eu de très bons retours.
Et les haters ?
Au début, les tweets purement de haters me faisaient du mal. Pas parce qu’ils étaient insultants ou qu’on tenait des propos contre moi, parce que je m’en fiche. C’est surtout que je ne comprenais pas. La méchanceté gratuite, c’est quelque chose qui m’échappe vraiment. J’étais triste de ne pas comprendre ce qui se passait dans la tête de ces gens-là au moment où ils tweetaient ça sur moi. Par exemple tu mets un son et on t’insulte de “bouffonne”. Comment ça ? [Rires] En soi tu sais que c’est une personne qui n’a pas de vie et qui a tweeté ça aujourd’hui parce qu’il était frustré de sa journée. Mais du coup je me demande sincèrement : ‘Qu’est-ce-qui se passe dans ta tête pour que tu viennes t’en prendre à ma personne sachant que je ne t’ai rien fait et que j’essaye le plus possible d’être une artiste qui apporte des good vibes‘. J’essaie de dire que même si on ne va pas bien, on va aller bien ensemble. Du coup les gens qui m’insultent gratuitement comme ça, j’ai envie de leur envoyer un message pour leur demander ‘Mais qu’est-ce-qui ne va pas‘. Sauf que je ne vais pas le faire parce que je ne peux pas sauver la Terre, qu’on n’a pas le temps et qu’au bout d’un moment, je ne peux pas changer la vie des gens. Mais au début, c’était frustrant et dur. Maintenant j’en rigole, je lis les critiques en imaginant des petites voix dans ma tête [Rires].
Tu as déjà eu des remarques sexistes et/ou racistes ?
Oui ! Déjà pour certains, une femme n’est pas censée rapper. Ou plutôt, une femme ne rappe pas, elle chante. Ça je l’ai beaucoup eu. Sur mon identité asiatique, c’est pas mal de remarques sur mes paires de TN par exemple. Après malheureusement, je trouve qu’on a vachement normalisé le harcèlement et du coup je n’y fais même plus attention en vérité. Aujourd’hui, on me rappelle plus souvent que je suis une femme que je suis une asiatique.
Le sexisme serait-il plus fort que le racisme ?
Oui, il faut croire ! C’est fou [Rires]
En parlant du fait d’évoluer dans un milieu majoritairement masculin, tu es la deuxième femme à faire partie des “11 rappeurs à suivre” de Booska-P.
J’avoue que ça s’est un peu fait en interne, entre mon chef de projet et mon manager. Je ne connaissais pas du tout le contenu mais je l’ai fait parce que j’étais contente qu’on pense à moi et qu’on m’invite pour y participer. Ça m’a apporté une certaine visibilité c’est sûr, il y a déjà eu des personnes qui m’ont arrêté dans la rue pour me féliciter de mon freestyle. Mais forcément, ça m’a aussi un peu “catégorisée” parce que du coup, on m’a tout de suite rangé dans la frange rap de la musique. Et puis juste après les “11 rappeurs à suivre” de Booska-P, mon premier feat est sorti donc tout ça mélangé, ça a fait monter la sauce.
Le fait d’être assez hermétique à ce milieu, de ne pas vraiment connaître de médias, c’est peut-être ce qui te permet de garder de la hauteur?
Peut-être ! C’est comme si tu rencontrais un grand artiste que tu ne connais pas, tu vas être d’autant plus naturelle, spontanée et agir normalement. Non pas que j’agis différemment selon les personnes mais je pense que forcément, tu as des a priori, tu fais peut-être plus attention à ce que tu dis lorsque tu connais la personne. Je n’arrive pas à idolâtrer les gens. Si tu fais de la musique, peu importe ta notoriété, à mes yeux tu es juste un artiste. Ce qui me donne envie de collaborer avec quelqu’un généralement c’est la voix, les textes mais surement pas le nombre d’abonnés [Rires].
De ton côté, tu écoutes d’autres genres que le rap ?
Petite j’écoutais Jena Lee, Alicia Keys, Adèle, Christina Aguilera, beaucoup de femmes je me rends compte [Rires]. C’est seulement vers l’adolescence que j’ai commencé à écouter du rap. Assez tardivement avec “92i Veyron” de Booba, “Fusil” de SCH etc. J’ai aussi beaucoup été baignée dans du Hamza. Je n’ai jamais autant saigné un album que 1994.
Quand tu parles de ta musique à des personnes extérieures à ce milieu, ta famille ou tes amis, tu leur dis quoi ?
Pour ceux qui ne connaissent pas trop, je dis que je suis dans la musique urbaine, même si cette expression est horrible [Rires]. Et sinon je dis juste que je suis artiste parce que même moi je n’arrive pas à me catégoriser donc je dis que je chante sur des prods type rap. Je parle plus en termes de sonorités.
De quelle manière l’écriture t’est-elle bénéfique ?
À vrai dire, c’est un peu comme une thérapie parce qu’en étant sincère dans mes textes, je le suis avec moi-même. Une fois que c’est posé, et que je réécoute plus tard, je me demande pourquoi je me sentais comme ci ou comme ça.
Comme un journal intime ?
Non, je dirais pire dans mon journal intime [Rires]. Dans mes textes, je n’irais pas jusqu’à donner des détails trop personnels de ma vie même si je sais que j’ai une écriture très intimiste. Je parle du fin fond de moi.
Comment tu as réussi à être à l’aise avec le fait d’écrire sur des choses très intimes ?
Je pense être au maximum de ma sincérité parce que c’est comme ça que je suis au quotidien. J’essaie le plus possible de l’être du moins. Dès le début, quand j’ai commencé à envoyer des extraits sur Instagram pendant le confinement, j’ai toujours parlé de mon mal-être. Ce qui fait que ma communauté me suit pour ça aussi. Donc je n’ai pas de mal à parler de ça. J’essaye de normaliser la chose. Si c’est normal pour moi, ça peut l’être pour toi et inversement. C’est donnant – donnant.
Tu as eu des retours de personnes qui t’ont dit le bien que tes textes leur a fait ?
Oui, tous les jours je reçois des messages comme ça. 3-4 par jour. Des gens qui m’expliquent qu’ils ne se sentent pas bien et qui précisent que mes textes les aident de fou. D’autres me disent qu’ils s’identifient beaucoup à ma manière de penser. Je trouve que c’est en train de se débloquer cette mentalité où on se voudrait réciproquement du bien les uns les autres. C’est en train d’avancer petit à petit et en tout cas moi, j’ai envie que les gens qui pourraient être inspirés par ma musique, se disent “oui en fait, c’est normal, c’est comme ça”.
La bienveillance serait-elle à la mode ?
Oui clairement, et tant mieux.
Parmi les thèmes que tu abordes, il y a notamment l’envie de partir. Quand on écoute tes titres, on a le sentiment que tu détestes Paris. C’est le cas ?
Un peu oui. J’aimerais être dans un endroit où les gens sont plus ouverts d’esprit. Je trouve que la ville de Paris est magnifique, même quand elle croule sous les poubelles. Il y a toujours des trucs à faire, il y a plein d’opportunités. Pour un début de carrière, je ne me serais pas imaginée autre part. Mais tous les Parisiens plus tard te diront qu’ils veulent quitter Paris parce que c’est une ville bruyante, stressante, polluée. Ça joue sur la santé.
Complètement, des études ont prouvé récemment que la pollution augmente les taux d’anxiété et de dépression.
Je crois qu’il faut vraiment que je quitte Paris alors [Rires]. De toute façon, tu le ressens de plus en plus maintenant dès que tu rentres chez toi tu as le nez bouché alors que de base tu n’étais pas malade.
Et puis je n’aime pas trop la population à Paris. Je dis ça en tant que pure parisienne. Même mes comportements je ne les apprécie pas forcément toujours [Rires]. On est très aigris, individualistes, hypocrites. J’ai du mal avec ces attitudes donc ça ne me donne pas envie de rester.
C’est une ville qui peut vite monter à la tête.
Oui et même les gens qui ne viennent pas de Paris veulent quitter Paris ! La plupart retournent d’où ils viennent ou repartent ailleurs [Rires]. Partout ailleurs en France, tu ne penses pas comme ici. La mentalité est très spéciale à Paris, c’est beaucoup d’hypocrisie, de paraître, de m’as-tu-vu.
Le fatalisme aussi, c’est un thème qui revient beaucoup dans tes textes.
J’ai l’impression que c’est ancré en moi. Tout est tragique.
L’humain est mauvais?
Oui, j’en suis sûre. Même moi je le suis ! J’ai de mauvais traits. Moi-même je me juge parfois. Et puis chacun a ses vices. À toi d’accepter ou non les gens tels qu’ils sont. Personnellement, j’ai du mal et c’est pour ça que mon entourage reste très fermé.
Les gens te font peur?
Je n’irai pas jusque là mais disons que je n’ai pas envie que les gens me portent l’œil etc. C’est surtout que j’ai tellement une confiance aveugle en mes proches qu’aujourd’hui, ils sont les seuls en qui j’ai confiance. Même si je suis déçue par eux, je les aime tellement que je les prends autant avec leurs défauts qu’avec leurs qualités. Les défauts de mes proches, je les ai acceptés mais je ne suis pas capable de faire pareil pour de nouvelles personnes. Et puis je n’ai pas assez d’énergie pour tout le monde.
Tu parles également de trahison dans tes textes.
C’est vrai. Et ça rejoint ce que je disais plus tôt sur l’hypocrisie parisienne. J’ai vécu dans une ville où j’ai l’impression que, lorsque tu avances, on va te mettre des bâtons dans les roues pour que tu restes dans ta merde. Les gens n’aiment pas voir les autres avancer sans eux. J’avais beaucoup d’ami·ies avant et je me suis rendue compte que ça ne servait pas à grand-chose à part perdre de l’énergie, du temps et même de l’argent parfois [Rires]. La trahison c’est quelque chose que je suis incapable de tolérer. Si tu me fais un truc, on ne se reverra plus jamais. Je pense aussi que c’est ma façon à moi de me protéger. Les gens sont comme ils sont, je ne peux pas les changer, encore moins quand ils ne le veulent pas.
Ça t’aide à pardonner d’en parler dans tes textes ?
Ça ne me permet pas forcément de ne plus avoir de rancœur. Mais ça m’aide à passer à autre chose et aussi, inconsciemment, c’est ma manière d’obtenir ma revanche ; ‘regarde, tu m’as fait ça, t’as vu aujourd’hui où je suis et regarde où tu es toi’.
On ressent cette énergie revancharde quand on t’écoute. Elle accompagne ta détermination et ton envie de tout prendre.
Je pense que j’ai toujours eu la dalle. Dès que j’ai arrêté l’école, j’ai travaillé directement. J’ai besoin d’avoir quelque chose de concret et surtout de voir le résultat de ce que je fais. Je n’ai pas envie de faire les choses pour rien. L’envie de réussir se transmet également. Je pense qu’il y a des moments où j’ai été en bas et mes proches m’ont aidé à remonter la pente et m’ont donné l’envie de réussir. Voir quelqu’un qui réussit ça donne envie de réussir à son tour. C’est un message que je prône et que j’ai vraiment envie de véhiculer. Si tu veux, tu peux. Regarde-moi, je fais de la musique parce que j’en avais vraiment envie. Quand je ne le voulais pas, je n’aurais jamais pu en faire. C’est qu’une question de déter. La vie c’est simplement une question de motivation.
C’est pas fatiguant de se battre tous les jours ?
Si de ouf, c’est pour ça qu’il y a des jours où ça va et d’autres où ça ne va pas du tout. C’est la vie, c’est comme ça. Soit tu avances, soit tu te morfonds. Nous, on a choisi d’avancer.
Interview : Nouma Ben
Photographie : Moïse Luzolo
Graphisme : Noémi Bonzi