Après Supreme le mois dernier pour l’annonce de sa collection Fall/Winter 18, c’est désormais YEEZY qui a utilisé la presse quotidienne des plus grandes villes américaines comme un outil marketing de masse et un moyen d’afficher ses ambitions.
Le mois dernier sur son compte Twitter, Kanye déclarait : “Depuis que j’ai commencé à faire des sneakers j’ai toujours voulu qu’un maximum de gens les portent. Le 21 septembre nous allons organiser notre plus gros drop de tous les temps pour la 350 V2 ‘Triple White’.” Le créateur de Chicago ne mentait pas en écrivant ces lignes puisque cette fameuse 350 V2, dans un coloris tout de blanc vêtu, a non seulement fait son arrivée dans d’immenses quantités, mais s’est accompagnée d’une campagne promotionnelle visant le très grand public. Du jamais vu jusqu’ici pour une telle sneaker.
Il n’y a pas si longtemps, l’obtention d’une YEEZY lors d’un nouveau drop demandait une interminable attente lors d’un camp-out pour l’obtenir en main propre, ou l’achat d’un bot efficace (ou beaucoup de chance) pour réussir à cop en ligne. À l’heure où nous écrivons ces lignes, soit plus de 24 heures après la sortie sur YEEZY Supply de la 350 V2 “Triple White”, de nombreuses tailles sont encore disponibles. Du jamais vu pour une V2, et surtout, la preuve que Kanye a maintenu ses objectifs de s’établir dans un marché de masse, comme il l’avait annoncé il y plusieurs années déjà. En l’état, les quantités permettent bel et bien de satisfaire chaque client désireux d’obtenir une paire. L’exclusivité et la hype liée à l’arrivée d’un drop YEEZY est donc pour la première fois remise en cause, tuant au passage toute possibilité d’un bénéfice conséquent au resell pour les détenteurs du modèle.
Mais au-delà des quantités, l’élément très marquant ici est la façon dont YEEZY a utilisé les médias grands publics et l’affichage dans le monde entier pour promouvoir ce drop massif. Le New York Times, le Houston Chronicle, le San Francisco Chronicle, le Chicago Tribune, le Los Angeles Times et même le journal anglais Metro et bien d’autres encore, tous avaient la même Une hier : la campagne “We Got Love“, ingénieusement imaginée par l’artiste de Chicago et ses équipes. Dans le même temps, de Paris à Atlanta en passant par Melbourne, on pouvait apercevoir dans la rue comme dans le métro l’affiche principale de cette campagne. Kanye West ne l’a jamais caché, son rêve est de faire de YEEZY ce qu’est Apple dans son domaine, une marque dominante, globale et surtout plus grande que le produit qu’elle vend. Et pour ne serait-ce qu’imaginer cet objectif possible, YEEZY doit frapper toujours plus fort, toucher un maximum de gens et transmettre un message qui insiste d’abord sur ce que représente la marque plus que ce qu’elle propose comme produit.
Et en cela, la campagne est un véritable succès puisqu’elle se veut très inclusive et universelle en affichant “Nous aimons” dans 11 langues différentes pendant qu’en bas de page on retrouve des mannequins blancs et noirs accroupis et unis portant discrètement la 350 V2 “Triple White”. Sur l’ensemble de la une, le produit que vend YEEZY ne prend au final qu’une place minime, largement mise en retrait derrière le message d’amour universel que transmet la publicité. En clair, la campagne ne vante pas le produit mais plutôt ses valeurs et ce qu’elle représente : une enseigne qui rassemble et qui unie plus qu’elle ne vend “simplement” des sneakers. De la même façon qu’Apple vend à travers ses publicités un idéal et un mode vie auquel chacun veut appartenir plus que de simples produits high-tech, aussi performants soit-ils.
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À la fois unique pour des sneakers et très audacieuse puisque symbole d’une nouvelle stratégie, cette campagne fait office d’un jour majeur dans l’histoire de YEEZY. Pour autant, il ne faut pas s’y tromper, le chemin à parcourir pour réussir cette transformation est encore immense. Et ne rien garanti qu’il en est aujourd’hui un objectif faisable. Mais malgré cela, le pari entamé par Kanye West et adidas est une fois de plus inspirant et audacieux tant il fait sortir la marque de sa zone de confort et affirme une vision long-termiste, même si cela veut dire frustrer les adeptes de la marques voulant conserver ce sentiment d’exclusivité en portant des YEEZY.
Les drops très limités et la construction d’une hype toujours plus démesurée auraient pu faire offices d’une stratégie à la fois sécuritaire et toujours très rentable puisque ne nécessitant pas d’énormes quantités de production et garantissant le sold-out à chaque drop. Mais finalement, comme souvent ces dernières années, Kanye West est allé à l’opposé du choix le plus évident pour tenter d’accomplir ses ambitions les plus démesurées. Tout un symbole.
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