Les écussons de club vers une nouvelle ère ?

La présentation du nouvel écusson de la Juventus a récemment fait grand bruit. Cette refonte de l’identité visuelle du club s’inscrit néanmoins dans une tendance de plus en plus globale : le marketing prend le pas sur l’histoire.

La surprenante présence d’Emily Ratajkowski à la soirée de présentation du nouveau logo turinois n’aura pas apaisée la gronde des Juventino. Rejeté à l’unanimité par les supporters de la Vieille Dame, le nouvel écusson du club a opéré un changement esthétique violent. Plus de couronne, plus de bandes bianconeri et surtout plus de taureau (le symbole de la ville de Turin). Place à un simple J blanc sur fond noir. Epuré et d’une sobriété extrême, ce logo est surtout extrêmement impersonnel.

Difficile en effet de saisir l’ADN de la Juve au travers de ce monogramme. Difficile également d’être convaincu par les explications du board turinois, qui décrit le nouvel écusson du club comme « iconique et universel ». Loin de toute considération artistique, le facteur majeur qui explique cette révolution est malheureusement bien plus terre à terre : La Juventus a désormais un logo passe-partout, que l’on peut facilement apposer sur des produits merchandising toujours plus variés.

« Ce nouveau logo symbolise l’art de vivre de la Juventus » – Andrea Agnelli, président du club turinois

Une évolution globale

Ce changement radical d’identité visuelle est dans l’ère du temps. En 2013 déjà, l’écusson du PSG avait lui aussi subi un lifting remarqué. En supprimant le berceau de Louis XIV et l’année de création du club, les nouveaux propriétaires parisiens avaient montré que la valeur historique d’un club se retrouve vite écrasée par les enjeux marketing modernes.

Comment justifier l’agrandissement de l’inscription « Paris » et la réduction du pourtant tout aussi important dans l’histoire du club « Saint-Germain » ? Le touriste consommateur, qu’il soit d’Asie, d’Amérique ou d’ailleurs, appréciera l’accentuation de « Paris », « Saint Germain » n’évoquant sûrement rien pour lui. Ces ruptures dans l’identité graphique attristent les fans historiques de ces équipes, se sentant trahi par des dirigeants bien plus portés sur le business que sur le romantisme.

Une évolution majeure

Récemment, Nice et Manchester City ont également fait évoluer leurs logos pour des résultats contrastés. Toutefois, aucun relifting récent n’a été aussi profond que celui qui vient d’être opéré par le club de la famille Agnelli. En s’affranchissant de la forme traditionnelle de l’écusson de club pour créer un logo qui pourrait très bien être celui d’une marque de prêt-à-porter, la Juventus a peut-être ouvert une nouvelle ère dans le marketing du football.

Le modèle américain

Longtemps considéré comme la tête de gondole du merchandising, le maillot est désormais concurrencé par une panoplie d’objets et vêtements siglés de l’écusson des clubs. Il suffit de pénétrer dans les gigantesques supermarchés du Camp Nou ou de l’Emirates pour s’en rendre compte. De la tasse au briquet, en passant par le peignoir et le rideau de douche, le logo du club est présent absolument partout. Exactement à l’image de ce qu’il se fait depuis des décennies aux Etats-Unis avec les franchises de foot US, basket et baseball. On rappellera par exemple que beaucoup de personnes portant fièrement une casquette des New York Yankees ignorent qu’ils portent une casquette d’une franchise de Major League Baseball.

Peut-on assister à d’autres changements de logos de cette ampleur dans les années à venir ? C’est fort probable. La Juventus est une institution avec un passé extrêmement fort et a malgré tout opéré ce tournant décisif. On peut tout à fait imaginer le Barça abandonner ses rayures blaugrana, ou bien voir disparaître de l’écusson du Bayern les losanges du drapeau bavarois au profit de logos épurés et déclinables sur tout les supports. En privilégiant le développement de nouveaux marchés pour vendre ses produits dérivés, les turinois ont ouvert la voie aux autres institutions légendaires de notre football. Le poids de l’histoire, de son côté, n’a jamais semblé aussi insignifiant.

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