En 1995, l’affaire « Karachi ». En 2007, l’affaire Tapie. En 2010, l’affaire du Kazakhstan. En 2012, l’affaire Bygmalion. En 2013, l’affaire des écoutes. Les affaires pleuvent sur le compte de Sarkozy et ce n’est pas prêt de s’arrêter. En effet une nouvelle enquête est lancée sur le financement illégal de sa campagne en 2007.
Au programme : Corruption, blanchiment d’argent, financement illégal et grand retour des noms « Takieddine » et « Khadafi ».
Les faits
Tout commença, ou plutôt recommença, par une alerte : celle de Ziad Takieddine lancée via un témoignage vidéo de 16 minutes pour le site de Mediapart, dans le but de « dénoncer l’état mafieux dans lequel on est en train de vivre ». En effet ce n’est pas la première fois que ce riche homme d’affaires franco-libanais dénonce Nicolas Sarkozy et Claude Guéant dans l’affaire du financement lybien de la campagne de l’ex-président et candidat à la primaire républicaine. Mais cette fois l’affaire explose, tout est différent : Takieddine avoue lui-même être impliqué.
Dans cette affaire, Takkiedine jouerait l’intermédiaire d’Abdallah Senoussi, un des hauts responsables des services secrets lybiens, et un proche de Mouammar Kadhafi. Un intermédiaire qui aurait apporté trois valises d’argent (à hauteur de 5 millions) aux deux accusés, à savoir Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre, et Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’Intérieur.
Cet argent, issu directement de Tripoli, aurait donc financé la campagne présidentielle de Sarkozy version 2006-2007. Les dires de Takieddine coïncident avec les déclarations de Senoussi devant la Cour Pénale Internationale en 2012 :
«La somme de 5 millions d’euros a été versée pour la campagne du président français Nicolas Sarkozy en 2006-2007. J’ai personnellement supervisé le transfert de cette somme via un intermédiaire français, en la personne du directeur du cabinet du ministre de l’Intérieur. Sarkozy était alors ministre de l’Intérieur. Il y avait un second intermédiaire, le nommé Takieddine»
Des accusations qui pourraient mettre en péril, voire porter un coup fatal au politicien candidat à la primaire, auparavant impliqué dans 9 affaires (corruption, financements illégaux, détournement de fonds, abus de faiblesse, trafic d’influence, recels et soupçons de pression). Des accusations qui ont, en tout cas, déstabilisé fortement les deux impliqués :
Guéant a nié en bloc devant les questions posées par les journalistes de Mediapart, et Sarkozy, quant à lui, s’est trouvé « indigné » qu’on lui pose la question sur cette affaire pendant le dernier débat télévisuel de la primaire des Républicains. Préférant esquiver plutôt que d’affronter, les deux géants de la politique ont annoncé leurs ambitions d’engager des poursuites judiciaires pour diffamation à la suite de ces accusations.
Le nom de Zied Takieddine revient fréquemment depuis 2012, et ce pour la même raison. Il avait déjà porté des accusations sur le possible financement lybien de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007. Mais ces premières accusations se casent dans le dossier « Karachi », une affaire encore en cours et où son nom est cité. Takieddine avait stipulé que ces accusations sont « tout à fait crédibles », sans pour autant préciser qu’il était lui-même impliqué dans l’affaire.
Qui Takieddine est-il vraiment ? Pourquoi s’est-il confié maintenant ?
Notons que ces premières accusations ont été publiées et prouvées, avec la publication de « notes » accablant Sarkozy (toujours via Mediapart, des « notes » dévoilant le soutien financier de la Lybie, pour un montant atteignant 50 millions), entre le premier et le second tour des présidentielles 2012. Les dernières accusations de Takieddine, quant à elles, datent du 12 novembre, soit une semaine seulement avant le dernier débat des primaires à droite.
Ziad Takieddine a commencé ses activités d’intermédiaire de vente d’armes en 1990 et fréquenta très vite les hautes personnalités politiques, de droite essentiellement : Hortefeux, Copé, Guéant. Les intéressés affirment qu’ils n’ont entretenu aucun rapport avec l’homme d’affaires d’origine libanaise.
Le flou reste total quant aux relations entretenues par Takieddine avec Sarkozy. Purement professionnelles ? Strictement amicales ?
En 2011, l’affaire Karachi a révélé que le sulfureux homme d’affaire avait pris en charge les différents voyages de Copé (faisant alors parti du gouvernement Sarkozy) vers l’Italie et le Liban notamment ; Copé a été gracieusement invité à Beyrouth dans le « cadre de relations strictement amicales ». Le cas se répète avec Brice Hortefeux. Sarkozy s’est défendu en affirmant que ces voyages « comportait une partie officielle et une partie amicale ».
Alors que des clichés publiés par Mediapart datant de 2003 et dévoilant des photos de Copé, Hortefeux et leurs épouses accompagnés de Takieddine tout sourire au bord d’une piscine ou sur un bateau, sont un manifeste de l’étroite liaison entre l’homme d’affaires et les politiciens cités précédemment. Proche de l’entourage de l’ancien chef de l’Etat, Takieddine semble être l’intermédiaire idéal des transactions entre l’Etat Français et le Moyen-Orient : systématiquement appelé en tant qu’intermédiaire-négociateur dans des contrats (Sawari II et Agosta, ce sont les deux dossiers de l’affaire Karachi, mais encore Miksa en 2011) de vente d’armes. Il est également celui qui est à l’origine de la rencontre entre Kadhafi et Sarkozy.
Nous donnant l’impression qu’il a voulu « couvrir » Sarkozy pendant de nombreuses années, Takkieddine semble régler ses comptes avec l’ex-président et son entourage. Alors que ces derniers rabaissent ses paroles à une simple « manœuvre nauséabonde pour interférer dans la primaire de la droite et du centre », Takieddine affirme avoir « découvert des choses qui ne méritent plus d’être cachées ». Il décrit un véritable système mafieux dont Sarkozy serait « la tête ».
Alors pourquoi Takieddine parle t-il maintenant ?
Par souci moral ou pour des raisons encore plus obscures ? Seule l’enquête en cours nous délivrera les réponses.