Outre ses idéaux conservateurs, le 45ème président des États-Unis a clairement mis en exergue son ambition protectionniste. Lors des élections, plus les états étaient touchés par la concurrence des importations mexicaines, plus les votes pour Trump étaient nombreux. En effet, il souhaite protéger sa chère patrie de quelconque concurrent et particulièrement de la Chine et du Mexique en taxant les produits des entreprises s’y étant délocalisées. Il a également mis en doute les accords commerciaux actuels comme le TPP (Accord de partenariat transpacifique) ou le TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), jugeant ceux-ci de menace pour l’économie états-unienne. Il a par ailleurs affirmé que depuis l’adhésion de la Chine à l’OMC, 50 000 usines avaient fermé aux États-Unis d’où la perte de millions d’emplois. Il en vient même à définir son ennemi asiatique de «manipulateur monétaire». Son voisin mexicain est également visé, présenté comme le responsable de la perte de 500 000 millions de dollars chaque année, les États-Unis ne pouvant rester compétitifs.
Si selon Trump la mondialisation a apporté plus de négatif que de positif, ses deux bêtes noires que sont la Chine et le Mexique défendent un avis tout opposé. De rivaux à partenaires, leur coopération s’est intensifiée il y a quelques années. En 2013, les présidents respectifs Xi Jinping et Peña Nieto avaient affirmé vouloir former un «partenariat stratégique» notamment à travers la vente de produits mexicains typiques à la Chine comme le porc et la tequila. En 2014, les deux pays ont provoqué la polémique suite à un appel d’offre pour construire une ligne ferroviaire douteusement remporté par une entreprise chinoise peu de temps après son lancement. Le projet a ensuite été subitement arrêté puis reconduit en 2015, Peña Nieto disant vouloir «éviter tout doute concernant la légitimité et la transparence» de cet appel d’offre. La même année, le président mexicain avait déjà rencontré Xi Jinping et signé de nouveaux accords commerciaux concluant l’achat de pétrole au Mexique et garantissant l’expédition de 30 000 barils par jour. Enfin, le 27 octobre 2015, la société publique China Communications Construction a signé un accord avec l’état mexicain de Jalisco afin de construire une zone industrielle dont bénéficieraient les travailleurs chinois.
Bien qu’aucune décision économique puisse être dépourvue de conséquences néfastes, la Chine et le Mexique ont tout de même beaucoup à gagner d’un partenariat. Les économistes imaginent que le géant asiatique investisse au Mexique dans le domaine de l’exploitation minière et de l’industrie, afin d’y produire à bas coût et de profiter de sa proximité avec le marché crucial nord-américain. D’autre part, la Chine importe du Mexique différentes matières comme du plastique, du métal, des minéraux, du caoutchouc, du cuir ainsi que des produits chimiques. Les salaires augmentant rapidement en Chine, le Mexique est devenu un centre industriel alléchant à la main d’oeuvre peu coûteuse. Plus de 1500 entreprises chinoises sont déjà implantées en Amérique Latine actuellement. De plus, la valeur du peso mexicain a considérablement chuté comparé au Yuan, rendant la délocalisation d’entreprises chinoises intelligible.
L’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique) ayant bénéficié de la mondialisation, il représente désormais 60% du commerce mondial. Lors du sommet de l’organisation à Lima le 20 novembre 2016 , les pays membres ont maintenu leur soutien à l’égard du libre-échange suite aux avances protectionnistes du président-élu Donald Trump. La vice-présidente du Pérou Mercedes Aráoz y a bien évoqué l’intérêt d’un Traité de libre-échange Asie-Pacifique. Au terme de cette réunion, les 21 pays membres ont formellement déclaré soutenir l’intégration économique ainsi que l’élimination d’obstacles commerciaux.
La coopération industrielle est un élément clé du partenariat fructueux en devenir. Après avoir traversé une désindustrialisation dans les années 80, les pays latino-américains cherchent désormais à améliorer leur productivité et à accroître leurs exportations en ciblant l’Asie. L’Alliance du Pacifique fondée par le Chili, le Mexique, le Pérou et la Colombie prenant de l’ampleur, celle-ci pourrait devenir une façon efficace de contrer le protectionnisme états-unien en se liant à l’Asie. D’autre part, les IDE de la Chine en Amérique Latine ne cessent d’augmenter après avoir atteint 106.1 milliards de dollars en 2014 selon les statistiques communiquées par le Ministère du Commerce chinois.
Les relations économiques mondiales risquent-elles de se métamorphoser en vue du partenariat grandissant entre l’Asie et l’Amérique Latine ? L’opposition protectionniste de Trump pourrait-elle devenir avantageuse pour ces puissances émergentes ? Le secrétaire mexicain à l’économie Ildefonso Guajardo a déclaré que conjointement avec le Japon, l’Australie, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande et Singapour, des alternatives à un TPP sans États-Unis étaient envisagées. Cependant, le succès de cette collaboration trans-pacifique est incertaine et aura probablement des répercutions néfastes pour la population ainsi que ses droits. L’instabilité économique et politique du Venezuela est inquiétante, d’autant plus qu’il est l’un des premiers partenaires de la Chine. Les prêts risqués accordés par les banques chinoises estimés à 47 milliards de dollars ainsi que la suspension de la construction de la ligne ferroviaire Tinaco-Anaco à cause de problèmes d’endettement ont presque des airs de Grande Récession, ce qui mène inévitablement à douter de la prospérité du lien trans-pacifique.