On a discuté avec Dehmo, ancien de la MZ, pour la sortie de son premier projet “Ethologie”

À l’occasion de la sortie de son premier projet en solo Éthologie faisant suite à la séparation de la MZ, le rappeur Dehmo a répondu à nos questions.

Dehmo est originaire du treizième arrondissement de Paris. Il fait ses premiers pas dans le rap à l’âge de 15 ans. Il se fait un nom au sein du collectif Mafia Zeutrei qui compte près d’une dizaine de membres. Le collectif du quartier Chevaleret se mue en véritable groupe autour du trio Dehmo, Hache-P et Jok’Air. Devenu MZ, le groupe sort en 2011 sa première mixtape intitulée MZ Music, Vol. 1. S’ensuivent alors MZ Music, Vol. 2 (2013) et MZ Music, Vol. 3 (2014) qui le mènent au succès. C’est la consécration avec les albums Affaire de Famille et La Dictature, certifiés disques d’or. Suite à la séparation du groupe, Dehmo se lance en solo avec un premier single “Désolé” sorti en février dernier. Entre élégance et streetstyle, Dehmo crée une combinaison très bien exécutée avec le projet Ethologie, à découvrir le 23 juin.

Comment tu ressens le fait de sortir ton premier projet solo, est-ce que l’appréhension et la pression est différente qu’en groupe ?

Non même pas. Je suis juste très impatient qu’il sorte, plus les jours passent plus je kiffe l’écouter et j’ai hâte que les gens puissent l’écouter à leur tour.

L’éthologie désigne l’étude scientifique du comportement des espèces animales, incluant l’humain, dans leur milieu naturel. Quelle est l’éthologie ici ?

Là où j’ai vécu, à Paris et en France globalement. C’est à dire que ça représente l’éthologie de mes aventures, de toutes les personnes que j’ai rencontré, de comment je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. C’est une éthologie de ma vie.

Dans le morceau « Bloc » tu fais référence aux Princes de la Ville et tu évoques ton environnement, est-ce que du coup c’est pas un peu ta version plus personnelle du morceau d’origine ?

Non du tout, j’ai pas souhaité faire une nouvelle version de ce morceau. L’expression les “princes de la ville”  j’aurais pu la placer dans le morceau “Rose”, par exemple. Si j’avais voulu faire ma version personnelle du morceau, je l’aurais renommé “Prince 2.0” et j’aurais rendu ça très clair.

Tu parles souvent du hood, notamment à travers à le morceau “Bloc”, est-ce que le rap c’est pas ta manière de quitter le hood ?

Carrément, mais quand on dit le quitter c’est une manière de s’ouvrir à autre chose, de voyager, pour qu’à force d’avoir découvert autre chose, le hood finit par me manquer. Je pense que je pourrais vraiment pas le quitter totalement, je serais forcé d’y retourner. J’ai tous mes potes là-bas, donc le quartier c’est comme ma deuxième maison. Et de ce fait, il y aura toujours des références au hood dans musique.

Tu lâches régulièrement des phrases du type “Où sont passés les mecs qui bibi” dans tes morceaux. Est-ce que ce ne serait pas ta manière de critiquer l’orientation parfois pop et soft du rap français ?

Non, je critique rien. Je suis pour la liberté de chacun, d’autant plus dans le rap. Du moment qu’elles interviennent pas dans ma vie, y’a pas de soucis. Je fais référence à un genre de bordel, c’est plus une manière de parler à mon public et de le chauffer notamment en concert en leur demandant “Y’a des mecs qui bibi dans la salle ?”. Je critique pas le voisin, j’impose rien du tout aux autres. Surtout qu’il faut se méfier, parce que y’a des mecs qui font de la pop, qui ont l’air tout sage et ils vendent et font plus de trucs illégaux que des mecs qui se revendiquent dans le délire ghetto.

Tu as intitulé un morceau “Johnny Walker”, qui est-il ?

Johnny Walker c’est une marque d’alcool, notamment de whisky qui comporte plusieurs types de bouteilles. La plus prestigieuse est platinium, c’est pourquoi j’y fais référence dans le morceau. C’est une manière de se kiffer, se vendre en disant qu’on est l’équivalent de la bouteille la plus chère. J’espère que tu auras l’occasion d’en gouter, c’est un alcool rare et il en faut pas beaucoup pour se mettre bien. (NDLR : le whisky s’appelle Johnnie Walker et le titre Johnny Walker)

C’est quoi ton objectif avec ce projet ?

J’ai pas d’objectif financier ou commercial. Mon objectif, c’est de me faire écouter au maximum, qu’un maximum de gens kiffent le projet. Par la suite, entamer une tournée et faire kiffer mes supporters. J’aime vraiment les gens qui me soutiennent et j’ai envie de leur rendre la pareille. Mais bon, s’il y a un disque de diamant à prendre, je le prend hein. (Rires)

À quoi ressemble la vie de Dehmo au quotidien ces derniers mois ?

Honnêtement, que du son. Je te dis la vérité, je suis enfermé au studio. Je prends soin de mon bébé et je suis au quartier. J’ai pas de meufs, si tu peux m’en présenter une…

Sur Lyon ?

Oui carrément, je lui enverrai des lettres, on pourra vivre une relation à distance (Rires). Plus sérieusement, si je devais résumer ma vie ces derniers mois c’est studio, bendo et dodo.

Comment se déroule ton processus créatif ? Par exemple, Kanye écoute des productions en repeat tout en chillant en studio. Est-ce que de ton coté tu as un rituel particulier ?

Ah, dis donc je savais pas que tu connaissais si bien Kanye. Tu as le bras long (Rires). En vrai, je suis chez moi, je reçois des prods, je les lance sur la Playstation, je me pose avec ma chicha et si je kiffe je commence direct à écrire. Et même si j’en entend une dans la rue que je kiffe, je suis capable de rentrer direct pour aller écrire dessus.

Si un jour je suis en panne d’inspiration, je péterais un plomb. À l’âge de Kanye je verrai si j’ai encore de l’inspiration, mais en attendant j’en manque vraiment pas.

Tu aimerais encore faire de la musique à l’âge de Kanye ?

Je souhaite faire de la musique jusqu’à ce que j’en ai marre. Pour l’instant, je me vois pas en avoir marre de sitôt. J’aimerais vraiment en faire jusqu’au bout de mes capacités. Et quand je dis “jusqu’à ce que j’en ai marre”, je parle surtout de l’industrie, du milieu. De la musique j’en ferai toute ma vie, mais peut être qu’en vieillissant ça sera juste pour mes proches et pour mon délire perso.

Quand j’ai réalisé que j’étais capable de poser dans les temps, j’ai jamais lâché.

À quel moment dans ta vie t’as su que tu voulais faire du rap ton métier ?

J’ai commencé le rap assez tôt, c’était en 2007. Mais c’est à la période 2013-2014 que j’ai commencé à vouloir en faire mon boulot, j’ai pris ça au sérieux. J’ai arrêté mes bêtises. Avant c’était juste un passe temps, comme aller au foot avec mes potes.

Est-ce qu’il y a eu un élément déclencheur ?

Oui, quand tout s’est professionnalisé et structuré. Moi avant ça, j’ai jamais travaillé de ma vie et sincèrement j’en avais marre de mes conneries, de tous les trucs pas légaux que je faisais. Pour en sortir, c’est passé par le rap et même si c’est pas le milieu le plus stable, c’est beaucoup mieux.

Quel artiste t’as le plus donné envie de faire du rap ?

Tous les artistes que j’ai écouté dans ma vie. Ils m’ont tous fait kiffer la musique et plus particulièrement le rap. À partir de là, je me suis dit “pourquoi pas toi ?” J’avais peur au début et ils m’ont donné la confiance. Quand j’ai commencé à faire du rap en 3ème, je craignais le rendu. Quand j’ai réalisé que j’étais capable de poser dans les temps, j’ai jamais lâché. J’écoutais que du rap français, donc c’est grâce à eux.

Y’a des noms en particuliers ?

Rohff, Mafia K’1 Fry, Sefyu, La Comera, L’Escadrille… Je me bloquais sur certains artistes, j’écoutais vraiment que ça pendant des périodes et ils m’ont donné envie d’aller plus loin.

Et qu’est ce qui aujourd’hui inspire le plus ta musique ?

Aujourd’hui je suis plus ouvert. Ça passe par la soul, la musique africaine, le rap US… J’écoute même la radio Nostalgie pour te dire… (Rires) Dès que ça sonne bien à l’oreille, je vais écouter. Et donc depuis 2016 je n’écoute plus seulement du rap français et j’ai élargi la musique j’écoute.

Tu penses que c’est une nécessité en tant qu’artiste de s’ouvrir à plein de choses, pour faire de la meilleure musique ?

Je pense pas que ce soit une nécessité en tant qu’artiste. Cette musique, je l’écoute juste en tant que fan, quand ça sonne bien. Nous aussi les artistes on kiffe écouter comme tout le monde, juste pour le plaisir. Dans ces moments là, je suis plus un artiste mais un auditeur comme tout le monde.

Quelle expérience tires-tu de la MZ ?

J’en tire beaucoup d’expérience. Nous dans la MZ on est dans le game depuis longtemps, on a vu beaucoup de choses, des vertes et des pas mûres. On a surmonté des épreuves. Mais j’en retire que du bon. Ça m’a entrainé, notamment musicalement, pour la scène, pour mes textes, ça m’a servi et tout au long de ma carrière ça me servira.

D’un point de vue personnel aussi ?

Oui aussi, j’ai grandi avec eux. C’est un tout, humainement ça m’a développé. Ça m’a aidé à devenir ce que je suis aujourd’hui.

Tu sors ton projet le même jour que DJ Khaled, est-ce que tu penses que tu vas plus vendre que lui ?

Je vais vendre plus que lui. Me compare pas à lui, compare moi à des vrais gars (Rires). Je te promets je vais vendre plus que lui, même si lui, il met son gosse sur la cover. Déjà toi tu vas l’acheter ça va faire une vente de sûre. Ensuite, vous allez en parler donc ça va faire 2 000 ventes de plus (Rires).

Un mot de la fin ?

Merci à toi, merci à Views, et on se voit dès que je viens Lyon, tu me présenteras ma future meuf (Rires).

Vous pouvez retrouver Dehmo sur Facebook, Twitter et Instagram. Son premier projet Éthologie sera disponible ce vendredi 23 juin.