Balenciaga, Vêtements, le créateur géorgien cumule les casquettes et signe une année 2017 pleine de succès, l’occasion de nous pencher sur l’histoire de l’énigmatique et brillant créateur.
Demna Gvasalia nait en à Sokumi en Géorgie le 25 mars 1981, il vit donc les 17 premières années de sa vie dans un pays de l’URSS où les normes le contraignent fortement. Il essaie déjà de se différencier à travers ses uniformes de classe qu’il customise, quelque chose qu’il tient de sa grand-mère qui lui transmait cet intérêt pour les vêtements et la manière avec laquelle les femmes se l’approprient, dira-t-il. Fuyant son pays en guerre, il atterrit en Angleterre puis en Allemagne, où il développe de ce fait ses cercles d’intérêt à travers différentes cultures qu’il rencontre dans ces pays occidentaux.
En 2001, le Géorgien s’inscrit dans la très prestigieuse académie des Beaux Arts d’Anvers en Belgique et participe lors de son cursus au concours ITS Fashion en 2004, lors duquel il obtient le prix de collection de l’année. Avant même la fin de ses études, il travaille déjà pour un de ses professeurs : Walter Van Beirendonck, chez qui il appréhende la création artistique pendant un an. Il présente enfin juste après son diplôme une collection à la Fashion Week de Tokyo en 2007, qui ne sera pour le plus grand malheur de ses fans de la première heure, jamais commercialisée.
Demna est évidemment très vite repéré par les grands noms de la mode, dès 2009 il devient le directeur des collections Femmes de la maison Martin Margiela. Un poste qui sera déterminant dans sa carrière, il y apprend en effet le processus de construction et de déconstruction du vêtement, ainsi que les différents processus de fabrication. Cette période reste marquante, car sa vision de la mode et son génie créatif forgés, le Géorgien repoussera les limites imposées et s’amusera à détourner, tout en détruisant pour mieux reconstruire.
Quatre années plus tard, ayant déjà travaillé sa griffe, le désormais directeur artistique se lance un nouveau défi et devient directeur des collections Femmes de Louis Vuitton. Demna appréhende donc des enjeux parfois cachés de la mode, dans ces grandes maisons où le pôle commercial prime sur le pôle artistique, l’objectif étant de vendre une collection à la sortie du podium, et cela 6 fois par an, confiera-t-il. Une surproduction néfaste à une vraie remise en question de la création et du rapport à l’art. Le géorgien a par conséquent envie de passer outre cette frustration et de porter sa vision artistique à travers son travail.
En parallèle de ses créations pour la maison française, Demna réunit autour de lui une équipe de 30 personnes, dont son frère Guram, gérant la partie commerciale, et crée en 2015 sa propre marque basée à Paris, sobrement nommée Vetements. À travers ce projet, l’équipe veut révolutionner la mode et marquer une nouvelle approche, où le vêtement est au cœur du projet. Demna ne raisonne plus autour de la narration et des diverses collections, mais bien au niveau de la pièce en elle-même. Il organise ainsi un travail de remise en contexte, de déconstruction des codes, qui le distingue très vite de ses pairs.
La marque est vite étiquetée comme rebelle et en marge du système classique, et cela alors même qu’aucun membre de l’équipe de Vetements ne souhaite véritablement s’opposer au luxe, mais au contraire l’utiliser pour mieux le réinventer. Ses pièces sont d’origines simples, mais le travail de recomposition donne des produits extrêmement pointus et sophistiqués. Le logo reprend une place importante, qu’il soit coupé, replacé ou simplement détourné, le clan Gvasalia s’en amuse. Ils reprennent également des pièces d’institutions comme les vêtements portés par les membres de la sécurité incendie en le retravaillant. Le travail de coupe est aussi primordial, Vêtements reprend des pièces classiques comme des bombers, et invente une nouvelle façon de le porter en le rendant extrêmement oversized. Il en va de même pour les épaules ou les hanches de ses diverses pièces, qui bousculent les code préétablis. Vêtements a de plus su créer sa renommée à travers diverses collaborations, usant ainsi des infrastructures de production de ses collaborateurs. La marque se distingue enfin également par son choix de créer des habits unisexes et en ne proposant que 2 collections par an.
La même année, Demna Gvasalia est nommé directeur artistique de la maison Balenciaga en remplacement d’Alexander Wang, quittant ainsi son poste chez Louis Vuitton. Une annonce qui suscite un fort intérêt de la part des médias et des professionnels de la mode. À partir de ce moment, le Géorgien va cumuler ses casquettes d’homme fort de Vêtements et Balenciaga, et va imposer sa vision dans la maison historique parisienne. Il s’inspire des créations précédentes de Monsieur Balenciaga, non seulement dans un sens purement esthétique, mais il essaie surtout de comprendre quels rapports et visions avait le fondateur de la mode et notamment du rapport aux vêtements féminins. Dans une démarche propre à lui-même, Demna travaille avec un sociologue afin d’appréhender la réception et les rapports sociaux des pièces qu’il souhaite créer. Il tire son inspiration de milieux inexplorés tels que les phénomènes internet, qu’il appose sur des Crocs et puise dans les archives de diverses marques divers éléments qu’il réunit sur la désormais célèbre Triple S. On ressent de plus une forte influence du streetwear et du sportwear dans ses créations, car la mode est pour lui encore une fois le reflet de notre société et de ce que l’on peut voir dans la rue. Il s’illustre cependant aussi dans la réinvention de pièces de costumes, à l’image d’une collection Printemps/Été 2017 proposant un vestiaire à la fois coloré et institutionnel.
Finalement, Demna Gvasalia est sûrement le créateur le plus emblématique de ces 5 dernières années, il incarne parfaitement ce nouveau rôle et cette nouvelle vision que recherchent les jeunes générations dans la mode. Plus artiste que créateur, il se joue de tous les codes et fait passer le fond avant la forme, une démarche de plus en plus rare dans la mode ultra-commerciale. Sa dernière collection pour Balenciaga illustre encore une fois l’ensemble de son travail, avec la présence d’inspirations old-school faisant la part belle aux chemises à motifs et autres pièces de papa, sur lesquels on a d’ailleurs pu voir des enfants dans les bras de modèles. Vêtements est également toujours en fonction et devrait présenter une nouvelle collection en janvier 2018. Il reste donc à voir si Demna Gvasalia continuera de s’imposer encore plus fermement comme le créateur influent de son époque, et quelles créations sortiront de son esprit si novateur.