Quand les artistes redoublent de créativité pour promouvoir leurs albums

La communication et le marketing sont devenus des composantes vitales pour réussir la sortie d’un projet. Bien que les mastodontes de la musique mondiale disposent souvent de moyens illimités pour promouvoir leurs albums, les artistes optent très souvent pour une stratégie qui leur correspond intimement.

En une petite vingtaine d’années, l’industrie du disque a connu plus de bouleversements qu’au cours de toute son histoire. Une disruption inégalée qui tient en un mot : Internet. Le web a en effet changé le monde de la musique comme nulle autre avancée ne l’avait fait auparavant, étant à la base de l’avénement du téléchargement illégal, de la naissance des plateformes de streaming et des réseaux sociaux. Des milliers d’artistes émergent chaque année, bien aidés par un monde virtuel qui leur permet de partager leurs œuvres avec le monde entier. Pour les grands noms de la musique mondiale, Internet pose néanmoins d’autres problématiques. Comment gérer son image en ligne, sa e-réputation, faire parler de ses projets, se démarquer de la masse, tout en continuant à surprendre sa fan-base ? Le temps où un imprésario (même ce mot n’existe plus) envoyait un communiqué de presse aux radios et aux chaînes TV pour faire inviter son artiste sur les plateaux afin de donner une interview et un live au préalable de la sortie d’un album est largement dépassé. Depuis plusieurs années, les artistes se doivent donc de redoubler de créativité pour imaginer les campagnes de promotion de leurs œuvres. En voici quelques exemples.

L’utilisation des médias de masse

Revival d’Eminem

La technologie, la démesure, l’intimisme ou encore le mystère sont quelques unes des lignes directrices du virage pris par la communication musicale lors du nouveau millénaire. Mais avant d’évoquer ces différents points plus en détail, n’oublions pas qu’il est encore possible de réussir une campagne de promotion en utilisant les médias dit « traditionnels », à l’image de ce qu’a fait Eminem pour la sortie de son dernier album en date, Revival. Car comme toujours en communication, tout part d’une bonne idée et non des moyens à sa disposition pour assurer la réussite d’une campagne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Slim Shady et ses équipes en ont eu une très bonne. Tout part d’une publication Instagram de Paul Rosenberg, le PDG de Def Jam, montrant qu’il a reçu le nouvel album de Yelawolf. En arrière-plan, on peut apercevoir un gigantesque panneau publicitaire pour un mystérieux médicament appelé Revival. Le “E” est inversé, ce qui ne manque pas de lancer le prémisse des spéculations chez les fans d’Eminem.

Un site web est mis en ligne, un spot TV est diffusé, un stand pour le médicament Revival est installé lors de la ComplexCon, diverses affiches sont exposées aux quatre coins des Etats-Unis et Eminem finira par se produire sur la scène du mythique Saturday Night Live sur NBC. Dans le jargon de la com’, on appelle ça une campagne 360, c’est-à-dire qu’elle utilise tous les médias et les mediums à sa disposition. L’invention de ce faux-médicament qui soigne l’Atrox Rithimus, une maladie qui n’existe pas et qui veut dire en latin “la mauvaise rime“, a permis de créer un fort engouement autour du projet du rappeur de Détroit sans jamais le mentionner directement. Un pari réussi, qui fera dire à certains que la campagne de lancement de l’album était largement meilleure que le projet en lui-même. Toutefois, ce type de campagne globale, utilisant tous les médias traditionnels, peut se démarquer de la concurrence à condition qu’elle repose sur une idée forte, originale et bien exécutée créativement. Néanmoins, la stratégie de sortie de Revival tend de plus en plus à apparaître comme un cas isolé. En effet, de nombreux artistes optent pour des moyens de promotion qui s’éloignent des médias traditionnels pour explorer de nouvelles voies.

L’utilisation de la technologie

Magna Carta Holy Grail de Jay-Z et Dans la légende de PNL

À une époque qui se caractérise comme étant l’ère du numérique, le monde de la musique n’a jamais été autant démocratisé grâce à cette accessibilité et cette proximité avec les artistes toujours plus poussée. Entre moyens de partage et outils marketing, la limite est très fine. Le meilleur moyen de toucher directement un public constamment connecté est sans aucun doute de s’adresser à son téléphone, un appareil qui ne se trouve jamais plus loin qu’au fond de la poche.

Deux options s’offrent pour faire agir son public depuis leur téléphone : le faire réagir ou bien lui donner toutes les cartes en main. Quoi qu’il en soit, le public sera démangé par la volonté d’en parler et de relayer l’information sur les réseaux sociaux, ce qui rendra inévitablement ce type de promotion viral. PNL ou encore JAY-Z l’ont bien compris et on su l’utiliser d’une manière on ne peut plus pertinente.

JAY-Z l’a en effet assimilé depuis 2013, s’inscrivant ainsi comme l’un des précurseurs dans l’utilisation de la technologie pour la promotion de son album, Magna Carta Holy Grail. L’innovation dont a fait preuve Hov réside dans son partenariat avec Samsung : tous les utilisateurs d’un Samsung Galaxy ont vu l’album arriver directement sur le smartphone 72 heures avant sa diffusion officielle, via l’application “Jay Z Magna Carta“. Ce coup de génie sponsorisé a permis à son album de devenir platine avant même sa sortie, au début du mois de juillet 2013.

L’application de Jay-Z, “Jay Z Magna Carta”

Plus récemment, PNL a également réussi un coup de maître. En décembre 2016 les frères Andrieu ont en effet lancé une campagne d’affichage sauvage et anonyme à Paris, une “action de guérilla marketing” dans le jargon de communicant. Sur les visuels de la campagne nous retrouvions seulement le portrait de Django Macha, l’antagoniste de leur trilogie de clips, ainsi qu’un numéro de téléphone précédé des termes “numéro rouge urgent” ou “avis de recherche urgent“. L’utilisation de ce personnage s’est avérée très judicieuse puisqu’elle évoquait implicitement PNL, et ce uniquement auprès de leurs réels fans.

Le public sensible au groupe s’est donc empressé de composer le numéro et a eu la surprise de pouvoir écouter en exclusivité un extrait du morceau “Béné“. L’opération a été massivement relayée sur les réseaux sociaux du groupe, ainsi que par leurs dizaines de milliers fans. Cette idée originale a grandement aidé le morceau à atteindre les 6 millions de vues sur YouTube, quatre jours seulement après sa publication.

https://twitter.com/laeti694/status/824321900604223488

Mais les deux frères de la cité des Tarterêts ne se sont pas arrêtés là. Ils ont récupéré (légalement) tous les numéros de leurs fans ayant composé le numéro qui se trouvait sur l’affiche pour constituer une base de données. Cette récolte de données s’est avérée particulièrement intelligente, puisqu’ils s’en sont servi le jour de la Saint-Valentin pour annoncer les dates de leurs concerts à leurs plus grands fans par SMS. Un deuxième coup très bien senti pour le duo, qui surprend autant qu’il est efficace.


Avoir principalement recours à l’outil le plus proche de toute personne connectée, le téléphone, assure forcément de la visibilité puisque le public ciblé ne pourra pas passer à côté. La campagne sera donc inévitablement remarquée, ce qui s’apparente à un véritable tremplin vers le succès du projet. Pour ce qui est de l’image véhiculée, il va sans dire que cela découle de la manière dont la campagne de communication est réalisée. Est-ce qu’elle s’impose au public, ou est-ce sa volonté d’y accéder ?

La nuance semble évidente, mais en pratique elle devient plus floue. Le succès d’une campagne de communication si intrusive repose sur le respect de la volonté des personnes, au risque d’être perçue comme un vulgaire spam.

La démesure

Yeezus et The Life of Pablo de Kanye West

Il y a deux écoles dans le domaine de la communication : frapper partout, quitte à viser mal, ou frapper précisément, quitte à diminuer son audience. La technique de la démesure s’inscrit clairement dans la première école, tapant fort et visant large. Pour taper fort, il est nécessaire de mettre en place des moyens grandioses et innovants. Pour viser large, il faut oser prendre le risque de ne pas s’adresser uniquement au public de base de l’artiste, mais également à d’autres personnes qui sont susceptibles d’apprécier autant que de déprécier les moyens mis en œuvre.

Qui d’autre qu’un artiste diffusant une image d’ego surdimensionné serait le mieux disposé à user de ce parti pris ? Kanye West a expérimenté cette technique à deux reprises, pour annoncer la sortie de son album Yeezus ainsi que celle de The Life of Pablo.

Dans la même période que JAY-Z avec Magna Carta Holy Grail, Ye’ réussit également à faire parler de lui. En 2013, pour promouvoir le clip de “New Slaves”, faisant partie de son 6ème album solo Yeezus (contraction de Jesus et Yeezy), West diffuse un remake du film American Psycho, l’adaptation cinématographique du mythique roman de Bret Easton Ellis, sur les façades d’immeubles dans les villes les plus importantes du monde. Dans l’American Psycho made in Kanye West le meilleur ami de Kim Kardashian, Jonathan Cheban, se fait assassiner par le petit ami (de l’époque) de Kourtney Kardashian, Scott Disick. Les paroles de ce dernier portent d’ailleurs sur “New Slaves”, morceau diffusé en fond lors de la projection, qualifiant la bande son de “chef d’œuvre”. Paris, New-York, Los Angeles ou encore Houston, rares sont les grandes villes qui ont échappé à la promotion violente et marquante de l’album.

Difficile de mesurer l’impact direct de cette campagne de communication à cause du leak de l’album 4 jours avant sa sortie officielle, le 18 juin 2013. Malgré une chute de 80% lors de la deuxième semaine de ventes de l’album, Yeezus a tout de même été certifié disque d’or le 12 août 2013, puis disque de platine le 8 janvier 2014.

Kanye, maître de la démesure tant dans son estime personnelle que dans la promotion de ses albums, réitère le coup en 2016 à l’occasion de la sortie de The Life of Pablo. Pour son septième opus, l’artiste a commencé à lancer le processus de démesure en faisant le buzz sur Twitter. Les incessants changements de nom de l’album ont orchestré, volontairement ou non, le début de sa campagne. So help me God, SWISH ou encore Waves on su entretenir le suspens autour de cet album si mystérieux. Kim Kardashian s’est d’ailleurs mêlée à cette polémique en créant un sondage pour que les fans votent pour le nom d’album qu’ils préféraient.


Attendu sur le plan musical mais également sur le plan vestimentaire avec sa série de collections Yeezy, Kanye a su allier ses deux créations, du Madison Square Garden jusque dans plus de 100 salles de cinéma. En clair, l’artiste a diffusé en intégralité son nouvel album pendant son show de la Fashion Week organisé Madison Square Garden, plus précisément lors du défilé de sa nouvelle collection de adidas Yeezy Season 3. Mais s’arrêter là serait bien trop peu pour Kanye, qui a également pensé à diffuser en direct le show dans exactement 111 salles de cinémas, dans plus de 20 pays différents. Les tickets étaient en vente exclusivement sur Internet. Plutôt bien pensé pour l’effet de surprise ainsi que pour l’impact démesuré, au sens grandiose, qu’aura pris cet événement à travers le globe.

Carte interactive de Kanye West pour acheter les tickets

Et le résultat est à la hauteur des efforts fournis : The Life of Pablo est, historiquement, le premier album a atteindre le sommet du Billboard 200 uniquement grâce aux écoutes en streaming et est toujours présent dans le classement plus de 2 ans après sa sortie.

Viser large et frapper fort n’induit donc pas forcément viser mal. Cependant, la démesure se poursuit jusque dans les conséquences d’une telle compagne de communication, pas seulement lors de la conception des techniques à utiliser. Ici, Kanye West a réussi deux coups magistraux puisqu’ils ont participé à la construction de son image mythique. Autre aspect à prendre en compte lors de l’utilisation de ce genre de méthode : la cohérence avec l’image de l’artiste. Qui d’autre que Kanye pourrait se permettre d’opter pour ce genre de tactique sans tomber dans le cliché de la recherche d’un buzz pur et dur ?

L’intimisme et l’exclusivité 

Channel Orange de Frank Ocean, Cyborg de Nekfeu et Once Upon a Time in Shaolin du Wu-Tang Clan

À l’inverse de cette grandiloquence, certains artistes décident d’opter pour une stratégie diamétralement opposée en privilégiant l’intimisme, l’exclusivité et le dialogue direct avec les fans. Les réseaux sociaux ont en effet permis d’instaurer une proximité certaine entre une icône et ses adorateurs, contribuant ainsi à renforcer le lien affectif qui unit un artiste et sa communauté. La sublime lettre publiée par Frank Ocean sur son compte Tumblr à quelques jours de la sortie de son premier album Channel Orange est l’un des meilleurs exemples de mise à nu face à des fans. Les mots choisis par le chanteur font mouche, tout comme l’histoire de ce premier amour qu’il confesse à son public. En faisant son coming-out auprès de ses millions de fans à travers le monde, l’ancien membre d’Odd Future a créé un lien indissociable avec un public qui est tout d’un coup devenu le confident d’une idole en plein doute. Bien que qualifier la démarche de Frank Ocean de stratégie commerciale serait d’un cynisme extrême, force est de constater que cette lettre a fortement contribué à l’écho médiatique rencontré par Channel Orange

Et comment ne pas parler de relation privilégiée entre le public et un artiste lorsque ce dernier annonce en plein concert à Bercy que son nouvel album, resté secret jusque là, vient tout juste de sortir ? Vous l’avez compris, la sortie surprise de Cyborg de Nekfeu lors de son live parisien était évidemment une superbe action de communication. À la manière des textos de PNL, le rappeur envoie un SMS à tous ses fans présents dans l’enceinte parisienne pour leur révéler que son nouvel album vient tout juste de sortir. Plus que l’effet de surprise, c’est ici le côté exclusif de la communication de Nekfeu qui a marqué sa fan-base. Les personnes présentes à Bercy ce soir-là se souviennent encore avoir été là, tels des membres privilégiés d’un cercle ultra fermé, le soir où la star du rap français a annoncé, par écrit et les yeux dans les yeux, que Cyborg était désormais disponible. Le sentiment d’appartenance à une communauté exclusive est alors à son paroxysme, l’opération est donc une réussite.

Toutefois, cette stratégie de favoriser l’exclusivité montre parfois ses limites, notamment lorsqu’elle est poussée à l’extrême. La sortie de Once Upon a Time in Shaolin du Wu-Tang Clan en 2015 en est certainement l’exemple le plus marquant. Produit en un unique exemplaire, l’album du mythique collectif new-yorkais avait été acquis aux enchères pour 2 millions de dollars par Martin Shkreli, connu comme étant l’homme le plus détesté d’internet pour avoir fait flamber les prix d’un médicament contre le sida en spéculant en bourse. Pendant plusieurs années, Martin Shkreli n’avait eu cesse de se vanter d’être le seul être humain en possession de cet album, répétant qu’il l’avait écouté d’une oreille distraite et menaçant de le détruire à plusieurs reprises. Il avait finalement revendu l’unique édition de Once Upon a Time in Shaolin lors d’une vente aux enchères sur Ebay il y a quelques mois afin de payer les frais de son procès. Même si l’idée de produire un album à un seul exemplaire peut paraître intéressante, l’identité de l’acheteur final et sa personnalité à la limite du machiavélique s’est finalement retournée contre la stratégie du Wu-Tang. Le côté ultra exclusif de l’album a même amené certains fans du groupe à s’interroger sur l’honnêteté de la démarche artistique des new-yorkais, d’autant que plusieurs membres du groupe ont par la suite révélé que rien ne s’était passé comme prévu et qu’il ne s’agissait même pas d’un véritable album. C’est ce qu’on appelle un désastre sur toute la ligne.

Le mystère

House of Balloons de The Weeknd

Cela fait partie de la nature humaine, le mystère intrigue autant qu’il fascine. Quand en 2011, Drake encense un inconnu répondant au nom de The Weeknd sur son compte Twitter sans que ce dernier n’ait officiellement sorti de projet, les fans de Drizzy s’enflamment. Qui est donc ce mystérieux crooner ? S’agit-il d’un artiste solo ? D’un groupe ? D’un collectif ? La sortie de la mixtape House of Balloons ne permet pas plus d’éclaircir le mystère et même Pitchfork, la référence en matière de critique musicale, qualifie The Weeknd de groupe dans sa critique du premier projet d’Abel Tesfaye. Déjà malin et rompu aux techniques en vogue dans le marketing musical, le chanteur canadien entretient le mystère sur sa véritable identité, préférant laisser ses morceaux envoûtants et sensuels parler pour lui. Même si l’indéniable talent de The Weeknd lui aurait sûrement assuré un beau succès populaire, force est de constater que ce début de carrière teinté de mystère et de suspicion a permis au rookie de susciter un intérêt immédiat pour le grand public.

The Weeknd ne prendra toutefois pas le parti d’imiter les Daft Punk, passés maîtres dans le domaine du mystère musical, en ne dissimulant pas son identité pour la suite de sa carrière. Néanmoins, la stratégie de ses débuts s’est révélée payante car elle a immédiatement intrigué la gigantesque fan-base de Drake, avant d’arriver aux oreilles du grand public. Drake a ici purement et simplement joué le rôle d’influenceur qui a vanté les mérites d’un artiste dont on ignore tout, mais qui en devenait instantanément séduisant car adoubé par une icône. Cette stratégie est toutefois à double tranchant. Si sa musique ne se démarque en rien et que l’artiste propose au public un projet plat et dénué d’intérêt artistique, le mystère qui entoure son identité le desservira plus qu’autre chose. La curiosité est avant tout attisée par la qualité.

L’effet de surprise

If You’re Reading This It’s Too Late de Drake et Lemonade de Beyoncé

L’effet de surprise fera toujours partie des meilleurs moyens pour impressionner un public. Tout comme la démesure, pour que cet effet fonctionne, il faut qu’il y ait matière à être surpris. Il faut frapper au bon moment et de la bonne manière. Deux questions clés se posent alors : quel est le moment le plus judicieux pour atteindre le paroxysme de la surprise et quel est le moyen le plus efficace pour satisfaire une attente déjà plus ou moins définie par le public ? Véritable précurseuse dans ce domaine, Beyoncé a démontré la puissance de cette technique lors de la sortie de son sixième album studio Lemonade en 2016, après avoir teasé sur son compte Instagram la bande annonce du film-album “Lemonade”, diffusé en exclusivité sur HBO.

#LEMONADE premieres on 4.23 9ET | 6PT HBO

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Cette vidéo diffusée sur la chaîne américaine n’était en fait que l’annonce implicite de son album éponyme, sorti par surprise juste après la diffusion du film-album. Le projet est sorti exclusivement sur Tidal, plateforme de streaming appartenant à JAY-Z, son mari. Les plus grands fans de Queen B on pu constater qu’un thème pour le moins inattendu et assez sensible faisait partie de la trame l’album : la tromperie de son époux. Le sixième opus de l’artiste s’inscrit logiquement comme étant le travail le plus personnel qu’elle ait réalisé.

La surprise a donc été triple : un long-métrage annonçant un album surprise, composé de thèmes rarement abordés par la star, et ce malgré les quelques rumeurs qui avaient supposé la sortie prochaine de l’album. Un coup très adroit puisqu’il a tapé exactement là où le public l’attendait suite à la diffusion du film-album et pile à une période durant laquelle l’artiste était sous les feux des projecteurs. Elle avait en effet fait parler d’elle lors de son apparition historique au cours de de la mi-temps du Super Bowl, où elle avait interprété “Formation”, un morceau politiquement engagé pour la cause noire.

Pour la sixième fois en six albums, Beyoncé se retrouve en tête du Billboard 200 en plus d’avoir réussi à placer les 12 morceaux de Lemonade dans le Billboard Hot 100. Une très belle performance qui découle d’une surprise réussie.

Drake, que l’on sait déjà très bon dans le domaine de la communication, a lui aussi réussi à surprendre son public pour la sortie de sa mixtape If You’re Reading This It’s Too Late, en 2015. Le 12 février 2015, le rappeur canadien a diffusé son court-métrage qui nous plonge tout droit dans l’univers de base du rappeur : sa ville d’origine, Toronto.

Truffée de morceaux qui s’avèrent finalement être des indices indiquant la sortie imminente d’un nouveau projet, la vidéo a fait tout naturellement parler d’elle. Ce mystère a été résolu peu de temps après, lorsque Drizzy tweete la sortie surprise et exclusive sur iTunes de la fameuse mixtape If You’re Reading This It’s Too Late. Répandue plus vite que son ombre sur Twitter, la nouvelle a enflammé les twittos, notamment du fait de  la période romantique à laquelle la mixtape a été dévoilée, au milieu du mois de février. D’autant plus que dans l’imaginaire collectif, Drake est associé au rappeur doué pour les morceaux évoquant l’amour.


Et pourtant, la mixtape a plus enflammé le public grâce son atmosphère brute et loin des sonorités parfois pop de l’artiste, plutôt que par une ambiance plus douce et sentimentale que l’on connaît bien de la part de Drake. Le fondateur d’OVO a été beaucoup plus direct, pour ne pas dire agressif, à travers cette quatrième mixtape. On peut notamment mentionner des morceaux tels que “Energy” ou encore des piques envoyées tout droit à Tyga : “You need to act your age, and not your girl’s age” / “Tu dois agir comme quelqu’un de ton âge, pas comme quelqu’un de l’âge de ta copine” dans “6 PM in New-York”, en référence à Kylie Jenner.

L’effet de surprise a particulièrement fonctionné pour le rappeur de Toronto. Le court-métrage “Jungle” a préparé le terrain auprès de ses fans et l’enchaînement très rapide avec la sortie de la mixtape ont créé une véritable effervescence autour de cette campagne de communication. If You’re Reading This It’s Too Late s’est vendue à plus de 495 000 copies, en plus de se placer en tête du Billboard 200 et ce dès la première semaine suivant sa sortie.

Tous plus percutants les uns que les autres, les moyens de communication et de marketing employés pour promouvoir les albums évoluent sans cesse afin de devenir toujours plus pertinents. Les artistes se retrouvent désormais face à une large palette de choix lorsqu’il s’agit de mettre en avant la sortie d’un projet. Toutefois, on s’aperçoit vite que les moyens les plus efficaces ne sont pas nécessairement les plus coûteux et les plus grandiloquents, mais bien ceux qui correspondent intimement à la personnalité d’un artiste et à l’image qu’il dégage.