Sujet d’une excellente cover story de Highsnobiety, le directeur artistique de Dior a expliqué que selon lui, le terme “streetwear” ne voulait plus dire grand chose.
Une fois qu’un mot entre dans le langage courant, il n’est pas rare de le voir peu à peu perdre son sens originel. Ce phénomène de dépréciation linguistique aurait d’ailleurs frappé le terme “streetwear” selon Kim Jones, actuel directeur artistique de Dior Homme. Personnalité influente de la culture urbaine, l’ancien employé de Louis Vuitton a été mis à l’honneur via une cover story dans le 17ème numéro de Highsnobiety Magazine. Il y revient notamment sur ses premiers pas chez Dior, sa vision pour la maison française, ainsi que les liens qu’il entretient avec l’univers du streetwear.
En 2017, l’ancien directeur artistique de Louis Vuitton avait en effet été le principal acteur de l’année folle vécue par le streetwear, qui a vu le monde du luxe accourir les bras grands ouverts pour tenter de séduire un public plus jeune et fortement consommateur. Kim Jones, en allant chercher Supreme pour préparer une collaboration d’une ampleur inédite entre une maison de luxe d’une telle renommée et une marque de skatewear, a franchi une ligne que peu osaient approcher, oubliant par la même le conflit qui avait opposé Louis Vuitton et Supreme au début des années 2000. Grâce à son choix artistique, la frontière entre le streetwear et le luxe s’est amincie pour de bon, une évolution qu’il avait déjà amorcé au cours des années précédentes grâce à la touche nouvelle qu’il a su apporter aux collections de Louis Vuitton. Ce n’est pas pour rien que la maison parisienne a choisi Virgil Abloh pour lui succéder à la tête des collections Homme.
Le designer londonien, qui possède plus de 500 paires de sneakers, a toujours cherché, au fil de ses collections, à unir l’aspect pratique et intemporel du streetwear à la tradition de la haute-couture. Critiqués par certains observateurs pour l’ultra-médiatique collaboration entre Supreme et Louis Vuitton, Kim Jones explique à Highsnobiety que selon lui, il s’agissait à l’inverse d’un rapprochement logique entre deux marques qui finissaient par “représenter chaque côté d’une même pièce.” En effet, Vuitton comme Supreme créent des produits convoités dans le monde entier, mais qui demeurent inaccessibles à la majorité du grand public, à l’exception d’un tout petit groupe de chanceux.
Conscient d’avoir été un acteur majeur du rapprochement entre la haute-couture et le streetwear, Kim Jones confie toutefois en avoir marre d’entendre ce terme utilisé à toutes les sauces. “Vous portez des vêtements dans la rue. A partir de là tout est du streetwear. Vous pouvez porter une robe de soirée dans la rue et ça devient une pièce de streetwear” explique le directeur artistique de Dior à Highsnobiety. Une remarque qui fait sens lorsqu’on y réfléchit bien. Du fait de sa popularité grandissante et de son impact toujours plus grand sur la culture moderne, le terme “streetwear” est utilisée à tort et à travers par beaucoup de personnes. Mais comme Kim Jones le rappelle justement, l’étymologie du mot “streetwear” englobe tout ce qui est porté (wear) dans la rue (street) et que de ce fait, ce terme n’a donc qu’une valeur extrêmement générique.
Pour expliciter son propos, Kim Jones prend ensuite l’exemple du travail de Jun Takahashi, le créateur de la marque japonaise UNDERCOVER : “Son travail, c’est de la mode. Je pense que c’est une erreur de le ranger dans la catégorie ‘streetwear.’ C’est juste de bons designs. Nous sommes en 2018. Il faut être réaliste par rapport à ce que portent les gens” développe le patron de Dior Homme. Interrogé dans cette même cover story sur son association avec Kim Jones lors du défilé Dior en juin dernier, le célèbre artiste KAWS se montre heureux de ce mélange des styles, tout en admettant que le streetwear et la haute-couture partageront toujours des particularités qui leurs sont propres : “La visibilité de certaines personnes qui ont commencé plus modestement dans le streetwear a explosé ces dernières années. Le monde a complètement remarqué ce mouvement et il continue de se développer. Mais ce qui est unique avec une compagnie comme Dior est leur savoir-faire. J’étais ahuri de voir la vitesse à laquelle les choses sont faites et l’intégrité avec laquelle elles sont faites. Ce n’est pas quelque chose d’habituel.”
Kim Jones se confie par la suite sur sa prise de marque chez Dior et sur son oeuvre du côté de la maison parisienne : “Avec chaque griffe pour laquelle je travaille, j’utilise différents codes et différentes ADN. Dior est principalement un atelier de couture et on veut donc être très chic.” Il poursuit, en développant sur ce qui fait la spécificité de Dior selon lui : “Il y a quelque chose d’utilitaire chez Dior. C’est assez romantique je suppose, mais d’une manière très sportive.” Les premiers défilés de Jones pour Dior, salués par la presse, ont en tout cas montré une volonté d’uniformisation entre les collections Homme et Femme, cette dernière étant sous la responsabilité de la talentueuse Maria Grazia Chiuri. Le créateur britannique réalise pour le moment un sans-faute, unissant à merveille ses inspirations urbaines à l’exigence d’une maison de haute-couture française.
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