Slim Lessio : “Je veux faire un rap rassembleur, sincère, qui parle aux gens et qui laisse une trace”

Grand espoir du rap francophone, Slim Lessio est un artiste unique en son genre. Portrait d’un jeune surdoué, aussi humble qu’ambitieux.

Quand nous le rencontrons dans les salons de sa maison de disque au coeur du neuvième arrondissement parisien, Slim Lessio ne peut s’empêcher d’afficher un grand sourire sur son visage. Bob solidement posé sur le crâne, ensemble de survêtement Gucci, le natif de Spa n’en oublie toutefois pas de travailler son style. Et pour cause, le jour de notre entretien correspond à la sortie de la réédition de son premier projet Fruit de Paix, agrémenté de cinq nouveaux titres et d’un nouveau nom ingénieux, Fruit 2 Paix. “J’attendais ça fort” nous confie Slim Lessio en préambule de notre entretien. “Je suis très content des nouveaux morceaux et j’attendais juste que les gens puissent l’écouter pour enfin avoir des retours dessus” poursuit-il. Sorti en novembre 2017, Fruit de Paix premier du nom a pour sa part été l’une des très belles surprises musicales de l’année dernière. Avec 16 titres soignés et cohérents, ce premier projet illustrait à merveille toutes les cordes que Slim Lessio possède à son arc, entre flows envoûtants et passages kickés et même chantants, le tout sur des productions très justement choisies.

Capable de proposer des morceaux introspectifs, tout comme des hits imparables à la manière de “Pina Colada” ou encore de “Assumer”, le rappeur belge juge toutefois avec du recul que son premier projet n’était pas pleinement abouti : “J’avais l’impression qu’il manquait quelque chose, qu’il n’avait pas eu la visibilité qu’il pouvait avoir. Je voulais le pousser encore, je veux pouvoir rejouer en concert les morceaux qui sont présents dessus. Ça va leur donner une nouvelle vie.” Une ambition scénique qui s’est notamment traduite par sa présence sur la scène de l’Olympia jeudi dernier, en tant que première partie du concert de son ami Hamza. “C’était lourd” nous explique Slim Lessio, “les gens étaient réceptifs, la salle était pleine. Hamza m’a donné cette opportunité car on a la même team, le management, ça s’est fait naturellement. J’ai même pas eu le temps d’accepter que le truc était déjà lancé. Je n’avais jamais joué dans une salle aussi grande, c’était dingue.”

Et cette amitié entre deux représentants de choix de la scène belge pourrait un jour déboucher sur une collaboration, c’est en tout cas l’envie de Slim Lessio : “A mon avis ça se fera un jour.” Le jeune wallon juge par ailleurs que l’émergence des nombreux rappeurs venus du plat pays est quelque chose de très positif, dont il parle régulièrement avec ses collègues : “On se croise souvent, on en parle entre nous, on se dit qu’on est responsable de tout ça. On est fier d’être belge et de faire parler de notre pays en bien. On est fier de de notre musique.” Ces origines nous ramènent alors à la jeunesse de Slim Lessio au sein de la petite ville de Spa, en Wallonie, 10 000 habitants, une commune principalement réputée pour ses sources thermales et son casino. “C’était lourd de grandir là bas” confie Slim Lessio, “c’est là où j’ai commencé à écouter du rap, j’ai commencé à trainer dehors à l’adolescence et on a formé un groupe avec mes gars. Ça s’appelait La Confrérie.” Un collectif qui reposait sur deux individualités, qu’on appelait alors Ricky et Slim D. “A la base un pote m’avait appelé Slim Dog quand j’étais jeune parce que je fumais beaucoup” explique le spadois. “C’était pour dire ‘le petit Snoop Dogg.’ Après, j’ai gardé Slim D, mais bon, c’était un peu pété comme nom il faut être honnête” assume-t-il avec un grand sourire. Le dernier essai fut le bon : “J’ai viré le D et j’ai opté pour Lessio car Alessio et mon deuxième prénom.” Toutefois, inutile de chercher une quelconque portée symbolique derrière ce nom de scène : “Il ne veut rien dire” avoue Slim Lessio dans un grand éclat de rire.

Même si La Confrérie cessera de diffuser ses créations en 2015, le duo permettra à l’auteur de Fruit de Paix de faire ses débuts dans le rap et de monter sur scène pour les premières fois. Après quelques morceaux solo parus dès 2014 qui lui permettent de faire une première incursion en France, Slim Lessio signe chez Treiz Records en 2016, avec un statut d’anonyme pour le grand public. Une signature au sein du label d’Hamza, et surtout, du beatmaker Ponko. Le producteur belge deviendra en effet très rapidement le coéquipier idéal pour Slim Lessio : “On a appris à se connaître artistiquement et humainement, mais on s’est direct bien entendu. On s’est rencontré chez Trez, on se connaissait pas personnellement avant. Dès que j’ai signé dans le label, ils nous ont mis en studio ensemble. J’ai eu de la chance !” En pleine alchimie, les deux hommes trouvent rapidement un rythme de travail qui leur convient : “La plupart du temps, c’est Ponko qui m’envoie des prod’. C’est souvent du sale et ça m’inspire direct, du coup je bosse assez naturellement. On travaille ensemble depuis plusieurs années maintenant, il connaît bien mon univers” déclare Slim Lessio. “Ses prod’ me parlent, j’écris et on a un morceau” conclue-t-il avec franchise.

Force est de constater que l’interprète de “Pina Colada” dit vrai. Avec ses productions mélodieuses et planantes, pouvant aussi bien lorgner vers la trap d’Atlanta que vers la musique électronique. L’homme derrière plusieurs beats de la mixtape 1994 d’Hamza et six morceaux de Fruit de Paix est le parfait alter-ego musical de Slim Lessio. Car comme le rappeur nous l’explique, il ne souhaite pas s’enfermer dans un style bien particulier. Evoluant à la frontière de la chanson française et du rap, le belge ne souhaite rentrer dans aucune case : “J’essaie de faire mon truc à moi. Je n’aime pas trop m’associer à tel ou tel courant. Je fais du rap chanté, ça on peut le dire. Je veux offrir des mélodies, des morceaux à texte.” Une différence que Slim Lessio cultive, en partie du fait de ses origines selon lui : “Dans le rap belge, on a tous ce truc un peu différent. On a tous notre sauce secrète. On est différent des artistes français et c’est ça qui plaît.” 

Et à l’heure où de nombreux artistes multiplient les collaborations et autres featurings, Slim Lessio a pris le pari de n’inviter aucun artiste sur son premier projet, ni sur sa récente réédition : “Je balance mes sons, mon univers, tout ça ça viendra après” confesse-t-il. “Après, il ne faut pas que les gens se fassent des idées. Je ne suis pas du tout opposé à l’idée de collaborer. Si je rencontre des artistes et que le feeling passe bien entre nous, je suis ouvert à absolument tout” précise néanmoins Slim Lessio, qui souhaite avant tout faire découvrir ses créations à un public de plus en plus grandissant, avant de chercher à travailler avec tel ou tel grand nom de l’industrie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le wallon sort d’une année chargée : “Pour moi le focus en 2018 a vraiment été Fruit de Paix et sa réédition. J’ai eu beaucoup de retours positifs, ça m’a ouvert pas mal de portes. Le bilan ? Tout se passe bien. On enchaîne studio, clip, concerts et on recommence.” Le point d’orgue de ces derniers mois s’affirmant comme la sortie de Fruit 2 Paix et ses cinq nouveaux morceaux.

Ces titres inédits sont assurément plus introspectifs et sensibles que le reste de l’oeuvre de Slim Lessio, comme il nous l’avoue : “J’ai essayé d’amener une touche encore un peu plus sincère que sur l’album original. Même si je m’ouvrais déjà, je vais encore plus loin maintenant. J’essaie toujours de dire ce que je ressens vraiment et j’espère que ça parle aux gens.” Le meilleur exemple de cette mise à nue est sans aucun doute le magnifique single “Le monde est à nous”, emmené par une guitare acoustique d’une mélancolie folle et un texte qui l’est tout autant. “Ce morceau vient d’une rupture difficile qui m’a inspiré pas mal de chansons. Maintenant ça va mieux, mais je veux me servir de mes émotions pour écrire des morceaux. C’est des choses fortes sur le plan émotionnel, j’ai voulu les retranscrire” affirme en effet Slim Lessio.

Cette nouvelle direction artistique n’est pas pour déplaire au rappeur de Spa, qui semble déterminé à explorer de nouveaux territoires sonores, à la manière de Young Thug, l’une de ses grandes influences : “Je fais un peu de guitare, mais j’ai mis ça de côté à cause du rap” concède-t-il en rigolant, avant d’expliciter le fond de sa pensée : “Je n’aime pas trop me cantonner à un seul style, c’est important de tout explorer. C’est possible qu’à l’avenir vous m’entendiez avec du piano, de la guitare, n’importe quel autre instrument. Il ne faut pas se fixer de barrières dans ce qu’on fait. Tant que le production est lourde, je suis prêt à poser dessus.” 

Photo : @romgarcin

Outre son style musical à la fois unique et insaisissable, Slim Lessio brille également de par la cohérence de son univers visuel, aussi bien au niveau de ses clips que de sa communication sur les réseaux sociaux. Ce goût pour le beau vient de sa relation avec le graphiste Romain Garcin, un ami de longue date : “On bosse ensemble depuis la première mixtape. Il travaille avec tous les rappeurs belges, c’est comme pour Ponko, le rapprochement s’est fait naturellement. On aime bien se donner de la force entre nous en Belgique !” Mais Slim Lessio n’est pas seulement accompagné par le talentueux Romain Garcin. Il peut également compter sur le soutien du réalisateur Harry Pirnay, qui réalise l’intégralité de ses clips. Et ces velléités de réalisation sont également partagées par Slim. Alors que ce dernier évoque sa passion pour Atlanta, la série de Donald Glover, le spadois confesse qu’il aimerait un jour créer une oeuvre audiovisuelle. “Faire une série avec mes gars ? On y a déjà pensé des centaines de fois. Harry Pirnay est très proche de moi et j’y ai aussi pensé souvent avec lui. Je sais pas quand ça se fera mais ça reste dans un coin de ma tête” précise-t-il.

Et à l’instar de Donald Glover, Slim Lessio souhaiterait proposer à son public une création cinématographique qui dépasse les frontières du rap : “On fera peut-être quelque chose sur la vie des gars de la rue, peut-être sur notre histoire à Spa. Je veux pas faire un truc focus sur les rappeurs, mais plus sur la vie et la société dans sa globalité.” Ce goût pour les belles choses fait logiquement de Slim Lessio un grand amateur de streetwear. Fidèle à sa personnalité curieuse et ouverte sur le monde, le rappeur belge n’a pas de marques fétiches : “Je kiffe absolument tout ! Tout ce qui est beau.” clame-t-il en montrant son survêtement blanc, un “Gucci” sobrement brodé en multicolore sur la poitrine. Toujours prêt à aider les siens, Slim Lessio nous conseille ensuite de jeter un oeil aux créations de deux marques belges montantes, créées par ses proches : Mozart Belgique et Muso Kuso. “Les gens font des trucs, ça n’arrête pas de bouger chez nous !” déclare-t-il non sans enthousiasme.

Alors que notre entretien touche à sa fin, le spadois répond à une avant-dernière question, qui titille beaucoup de ses fans depuis de longs mois. Mais en fait, qu’est-ce que c’est un Fruit de Paix ? “C’est moi !” répond Slim Lessio du tac au tac. “Je suis le fruit de paix. J’essaie d’apporter le calme, la sérénité. C’est ça que je veux faire passer, c’est mon personnage. Ce sont les valeurs que je prône, je ne suis pas un gars qui est dans l’egotrip” détaille le jeune wallon, avant de poursuivre son intéressante démonstration : “Je veux faire un rap rassembleur, sincère, qui parle aux gens et qui laisse une trace. Si jamais peux aider mon public, c’est extraordinaire.” Travailleur, créatif et ambitieux, Slim Lessio a toutes les cartes en main pour devenir l’une des nouvelles têtes d’affiche du rap francophone. L’argument ultime du jeune artiste pour se plonger dans sa musique ? “Si tu me manges, tu vas ressentir la paix !” Difficile d’être plus convaincant.

Vous pouvez suivre l’actualité de Slim Lessio sur son compte Instagram. Son projet Fruit 2 Paix est à découvrir ci-dessous.