Que ce soit dans ta playlist, dans ta télé, chanté par ta meuf ou encore dans The Fader, impossible de passer à côté du phénomène Aya Nakamura. Pourtant, il faut s’accrocher pour écouter le bordel mais on ne peut nier qu’une fois dedans ça fonctionne terriblement bien.
Cet énorme succès surprend autant qu’il divise et reflète assez bien l’état d’une industrie musicale française pas forcément fan de changements.
Chez les filles par exemple, depuis pratiquement 10 ans c’est clairement le néant côté filles sur la scène rap et R’n’B. De la grande époque de Kenny Arkana, Diams et Wallen, on est passé à Vitaa et Shy’m. Et depuis ? Quasiment plus rien, on est proche du néant total.
Donc forcément, quand une fille arrive avec un univers ça fait des étincelles (coucou Marwa Loud), et dans ce cas précis, avec Aya Nakamura, c’est un vrai brasier.
Alors ok, le marché était en attente d’une nouvelle génération de filles, mais ce n’est pas la seule cause du tsunami Nakamura. Une vague de zumba s’abat sur l’Europe ces derniers mois et la formule fonctionne très, très bien. Amorcée par MHD, validée par le roi Booba, la nouvelle génération s’est attribuée cette révolution rythmée et dansante inspirée des sons traditionnels africains. Si bien qu’aujourd’hui tout le monde s’y met, de Ninho à PLK en passant par Damso, pour ne pas citer les chefs de bande que sont Dadju et Naza.
C’est dans cette vibe là que la pépite Nakamura évolue et sa force, indépendamment de la musicalité de ses productions, c’est sa capacité à mettre des mots sur les problèmes des (jeunes) femmes d’aujourd’hui.
Ça fait saigner du nez les conservateurs
Forte, déterminée, consciente mais aussi terriblement fragile, Aya Nakamura arrive à fédérer et à décrire les maux d’une partie de la génération de filles de 13 à 25 ans qui se reconnaît dans ses paroles. Des paroles “amusantes” pour les médias français traditionnels, qui, parfois aveuglés par leurs aprioris et stéréotypes, ne veulent ou ne peuvent pas voir que cette fille est un reflet, celui d’une partie de la jeunesse multiculturelle française, qui s’amuse à détourner les règles et à créer ses propres codes et langages. Forcément, avoir une meuf noire née à Bamako qui écrase la concurrence en France et en Europe, ça fait saigner du nez les conservateurs. Au lieu de la porter fièrement en étendard de la musique française, nos élites se sont amusées à la dénigrer, tant pour son physique que pour ses textes. On peut ne pas aimer la musique d’Aya Nakamura, mais on se doit de respecter l’artiste, qui, du haut de ses 200 millions d’écoutes streaming (les hommes mentent mais pas les chiffres) incarne le futur.
Cette condescendance médiatique, c’est le venin de l’industrie musicale, celle des Victoires de la Musique, celle de l’ancien monde, celle de l’époque ou “les négros n’étaient pas à la mode”. Si certains sont restés bloqués dans le passé, le succès d’Aya Nakamura est la preuve que le public évolue, il serait temps que l’approche médiatique du rap et des femmes change aussi.