Mode : copier c’est tromper ?

Certains directeurs de création vont finir avec de gros strabismes à force de copier ce qu'il se passe chez le voisin.

Édito
Chaque mois, l'équipe de Baby Rainbow nous livre son point de vue sur un des sujets du moment dans un édito tranchant.

“Tu copies trop, on dirait nous mais en nul. Allez c’est sans rancune, dis à ton crew que j’l’encule.” Dans son surpuissant “Assassin”, Sinik mettait le doigt sur un phénomène présent depuis toujours dans toutes les sphères culturelles : la copie et les imitations. Si en rap on trouve ça sous la forme de reprise de flow, de gimmicks ou même de style, (coucou la génération rappeurs cheveux longs/survet’/pento et merci PNL ) le phénomène devient aussi récurrent dans la mode et ça commence à être flagrant.

Avant toute chose, et pour éviter qu’un philosophe du dimanche nous sorte une citation genre “gneu gneu gneu la mode est un éternel recommencement” on parle ici de copies pures et dures, pas d’inspiration générationnelle. On parle ici de la dernière collab’ entre Nike et A-Cold-Wall*. Certains y voient une paire horrible, d’autres une paire complètement innovante et les plus connaisseurs y trouvent une copie de la Puma RS100 de 1986 ! Quand on compare les deux photos, le doute est difficilement possible. Mais plutôt que d’assumer la faute, le jeune designer anglais a parlé chinois, assurant que la paire était dans sa tête depuis plusieurs années.

Comment des entités historiques comme celles-ci peuvent elles valider ces méthodes de sauvage ?

Dans un style tout aussi flagrant, on peut citer le boss de ce game : Demna Gvasalia. Le directeur de création de Balenciaga a récemment été accusé de copier les sacs des magasins souvenirs de New York ou encore d’avoir pompé les classiques “Tabi Boots” de Margiela pour le défilé de sa marque Vetements. L’argument de l’accusé : “Margiela n’est pas une Maison, c’est une philosophie que j’applique dans mes créations” (la chinoiserie n’est jamais finie). Des flagrants délits de copies, on en a à la pelle (le grand, le puissant Virgil Abloh qui, pour la collab’ Off White x Ikea, va sans pitié calquer son design sur celui des chaises de Paul Mccobb). Et si la mauvaise foi des designers n’est pas vraiment surprenante, c’est plutôt l’inaction des marques qui surprend. Comment des entités historiques comme celles-ci peuvent elles valider ces méthodes de sauvage ? C’est la que le débat devient intéressant, à l’ère où les designers et les D.A sont devenus ultra bankables et de véritables vitrines pour les marques. On ne cherche pas tant l’originalité ou la vision du créateur, mais plutôt la visibilité qu’il offre et le réseau qu’il apporte.

La création et la culture glissent donc au second plan derrière l’image renvoyée par le designer. Une politique de l’instant et du cool qui appauvrit toute l’industrie de la mode, puisque l’innovation et la prise de risque n’existent plus. On navigue dans un vase clos, où les directeurs de création sont interchangeables, puisqu’ils font tous la même chose sans véritables visions et se cachent derrière “les hommages” pour masquer leurs manques d’innovation. La clé, pour mettre fin à cette “partouze de chiens errants”, c’est la prise de risque du côté des grandes maisons, qu’elles acceptent de s’acoquiner avec la nouvelle génération de créateurs et de tirer un trait sur l’ancien monde.