Le 31 janvier dernier sortait sur Netflix le brillant thriller new-yorkais Uncut Gems signé des frères Safdie. Un film dans lequel The Weeknd joue son propre rôle, alors que l’histoire se déroule en 2012. Sa présence n’a rien d’essentielle, étant simplement là pour marquer un repère temporel et nous rappeler brièvement l’époque où Abel Tesfaye était une sorte d’anti-héros mystique du R&B. Sur After Hours, son nouvel album, The Weeknd semble parfois courir après les vestiges de ce passé tout en tentant de s’affirmer comme une pop-star clinquante et futuriste. Un équilibre dur à trouver, d’autant plus lorsque le sentiment principal qui ressort de cet album est que The Weeknd tourne parfois en rond et peine à rester intéressant sur la longueur d’un projet. Un véritable paradoxe pour un album aussi riche et ambitieux musicalement.
C’est donc sans une once de manichéisme qu’il faut juger After Hours puisqu’il installe un sacré sentiment de contradiction. D’une part, il peut paraître brillant en réussissant à mélanger le son froid caractéristique du canadien à des influences des années 1980, à l’image de la synthpop, très présente sur l’album. Ce renouvellement sonore nous offre notamment un morceau comme “Blinding Lights”, single upbeat diablement efficace et assez rafraichissant à l’échelle de la discographie du fondateur de XO. Toujours dans cette lignée d’ouverture musicale, il y a aussi “Too Late” qui s’inspire avec réussite du UK Garage dans sa production. C’est sans doute là où After Hours est le plus significatif, réussissant à couvrir toutes les évolutions musicales de son auteur tout en prolongeant cette évolution.
Malheureusement, l’album est décevant lorsqu’on se pose une question assez simple : qu’est-ce que After Hours nous dit de nouveau sur The Weeknd ? La réponse, vous la connaissez probablement. L’album n’est que le retour du tiraillement insatiable entre le salopard sous amphétamine et l’amant brisé qu’il est par alternance depuis près de 10 ans. Les conquêtes d’Abel sont encore et toujours des mannequins sans prénom et seul le décor change, comme sur “Escape From LA” où il réussit à rendre peu passionnant le récit d’une ébauche dans un studio. After Hours a beau être brillamment maquillé par des clips somptueux, une direction artistique soignée et un nouveau personnage emprunté à Robert De Niro dans Casino, The Weeknd est, via son propos, la principale faiblesse (et peut-être la seule) de son quatrième album solo. Ce n’est donc finalement pas une surprise de voir l’artiste autant emprunter au cinéma, tant il n’a jamais semblé autant interpréter un rôle déjà connu que sur After Hours.
Au final, bien que le projet réussit à impressionner par séquence comme sur “Blinding Lights” ou l’outro touchante qu’est “Until I Bleed Out”, aucun morceau d’After Hours ne vous chamboulera comme l’ont probablement fait “High For This”, “The Knowing” ou même “Call Ou My Name” plus récemment. Ces morceaux n’avaient pas besoin de l’artifice de Las Vegas ou d’un cosplay cinématographique pour marquer profondément l’auditeur. Malheureusement, ce sentiment de lassitude qui s’installe, c’est le prix à payer lorsque l’on revoit trop souvent un film dont on connait déjà la fin, ce que The Weeknd nous offre ici. Et c’est la principale leçon que l’on peut retenir d’After Hours : aussi réussies soit-elles, certaines recettes ne font parfois plus le même effet à la longue. Malheureusement, et au-delà de ses qualités qu’il ne faut pas nier, ce quatrième album solo de The Weeknd n’est sans doute pas la claque que l’on est en droit d’attendre d’un artiste de sa trempe.
After Hours est disponible sur toutes les plateformes de streaming.