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Ama Lou : “Avec un peu de chance, les gens peuvent se reconnaître dans ce que j’écris”

Inspiration assumée de Drake pour son album Scorpion, première partie de Jorja Smith, Ama Lou a pris le temps de façonner son succès. 7 ans après le succès de son titre “TBC” (2016), qui l’a révélée, la Londonienne de 25 ans vient de sortir son premier album “I Came Home Late”.

Exilée pendant plusieurs années en Californie, Ama Lou a construit l’album qui correspondait le mieux à ce qu’elle est et les émotions qu’elle ressent en explorant la richesse des sonorités R&B.

Polymathe, Ama Lou scrute constamment toutes les inspirations qui cultivent la façon dont elle crée. Lorsqu’elle n’est pas en studio, elle se plonge dans sa fascination pour le cinéma qu’elle partage avec sa sœur Mahalia John ou se passionne pour l’histoire de la mode, qu’elle concrétise par des présences de plus en plus fréquentes aux différentes Fashion Week.

En 2022, Ama Lou a rejoint Taylor Russell et Taeyong parmi les visages de Loewe en incarnant la campagne “Botanical Rainbow”, avant d’assister au défilé parisien de la maison espagnole en septembre dernier.

À quelques jours du chapitre américain de sa tournée, on a retrouvé Ama Lou lors de son concert au Trabendo pour parler de sa musique, de son identité visuelle, de mode et de ses envies de cinéma.

Tu sors ton premier album sept ans après “TBC”, ton premier single. Qu’est-ce qui a nécessité autant de temps ?

Je voulais prendre la température de comment je me sentais, concernant la sortie d’un album. Je crois qu’il n’y avait aucune urgence pour être tout à fait sincère. Ce type de projet prend énormément de temps et de réflexion. Quand j’ai commencé à publier de la musique, j’étais encore en train d’expérimenter l’écriture de façon différente, de façon que je n’avais pas explorées auparavant.

L’album aurait peut-être pu sortir 3 ou 4 ans plus tôt, mais j’ai eu des circonstances atténuantes qui m’ont empêchée de le finir plus tôt.

As-tu eu la sensation d’avoir déjà fini l’album, mais d’y revenir parce que tu n’étais pas complètement satisfaite ?

Non, ce n’est pas ma méthode de travail. Je suis extrêmement résolue. Quand j’ai décidé que j’allais faire un album, j’ai écrit toutes les chansons en l’espace d’une année. Peut-être même moins que ça. Ensuite, il a fallu terminer ces chansons, les produire avec le producteur avec qui je travaillais.

Après deux ans et demi, trois ans, j’ai dû refaire l’album de zéro, et j’ai ensuite rajouté 5 titres supplémentaires. Je ne travaille pas vraiment de façon à laisser quelque chose de côté pendant un moment et revenir dessus ensuite. Quand je fais de la musique, je suis très focalisée sur ça, je n’aime pas mettre les choses de côté.

Quand t’es-tu entièrement concentrée sur “I Came Home Late” ?

Je me suis mise dessus en juillet 2022, donc ça a pris à peu près un an. J’ai terminé le mixage et le mastering en juillet de cette année.

Quelle partie du processus est la plus chronophage ?

Il n’y a pas nécessairement une partie qui prend le plus de temps. Cela dépend de ton approche sur le projet et avec qui tu travailles. Plus ton équipe est grande, plus les étapes se multiplient. Mais je ne crois pas qu’il y ait une étape spécifique qui prenne plus de temps qu’une autre, ça dépend surtout de ce que tu aimes faire le plus.

Quelle partie aimes-tu le plus faire ?

Pour être honnête, je dirais toutes. L’écriture est l’étape la plus facile pour moi. La production est hyper amusante parce que ça me donne l’occasion d’étudier et de faire plein de recherches autour de la musique. La perfectionniste en moi adore le mixage. Je suis obsédée par les détails. J’aime aussi beaucoup le mastering, notamment parce que j’ai la sensation d’avoir une oreille sensible. J’ai du mal à me dire que quand je me réveille, je réalise que c’est vraiment mon métier.

Quelles ont été tes inspirations pour cet album ?

Je pense que c’est ma vie en général. C’est mon tout premier album, il n’y avait pas une chose en particulier qui m’a fait dire “Oh, j’ai envie de faire un album”. J’ai juste senti que j’étais prête à en faire un, je voulais faire un projet qui permettait aux gens de voir qui j’étais en tant qu’artiste et en tant que personne au quotidien. Je ne ferais pas de musique si j’étais emprisonnée dans une boîte pour le restant de mes jours. Mon inspiration est vraiment l’enthousiasme autour de ce que je vis.

Après “TBC” et “Not Always”, plusieurs médias t’ont catégorisé comme “une artiste engagée”. Est-ce qu’il y a un message précis que tu souhaites transmettre à travers tes chansons ? Ou est-ce plutôt un message autobiographique qui permet aux gens de s’y reconnaître ?

Je n’essaie pas d’être une sorte de prophète ou quoi que ce soit. Je ne crée pas avec l’orgueil de penser que je vais changer l’opinion de quelqu’un. Je n’essaie pas de forcer un storytelling, la musique est quelque chose de tellement intime pour chacun d’entre nous. Avec un peu de chances, les gens peuvent se reconnaître dans ce que j’écris de la façon dont ils veulent le faire. À part le fait que c’est moi qui écris ces chansons, la relation personnelle entre mes musiques et les gens qui l’écoutent ne me concerne pas vraiment.

Tu sors d’une tournée européenne avant d’aller ensuite aux États-Unis, quel regard tu portes sur l’évolution de ta carrière ?

Je crois que c’est juste grandir, non ? J’écris depuis plus de 10 ans maintenant. C’est évident que je vais changer en tant que musicienne parce que la vie a un impact sur moi. Je suis pleine d’expériences, j’adore apprendre et je prends ce que je fais très au sérieux. Je fais en sorte de toujours m’améliorer et d’être la meilleure dans ce que j’entreprends.

Tu as vécu plusieurs années aux États-Unis, comment ce passage là-bas a influencé ta vision, la façon dont tu fais de la musique ?

Je dirais que j’ai passé mes années fondatrices aux États-Unis. La façon de travailler est bien sûr complètement différente. Travailler à LA, comme beaucoup, si ce n’est pas presque tous les musiciens, tu es confrontée à une vision complètement différente qu’au Royaume-Uni. Pas nécessairement meilleure, mais réellement différente.

Tu travailles fréquemment avec ta sœur, qui a un rôle clé dans les visuels de ton œuvre. Peux-tu me parler de votre relation spéciale ?

Ma sœur m’a en quelque sorte tout appris de ce que je sais sur le cinéma. Elle travaille dans l’industrie au quotidien, en plus de notre société de production (Marlzama Films), où on développe l’identité visuelle d’Ama Lou. En plus de ma connaissance cinématographique issue des films que j’ai regardés, elle m’a tellement appris, elle m’a donné une éthique de travail. Son apport pour moi est indescriptible et tellement fondamental dans la manière dont j’ai évolué visuellement.

On est très proches, et on a également une très bonne relation de travail. Travailler avec un frère ou une sœur peut être la meilleure ou la pire chose, et dans notre cas, c’est vraiment la meilleure chose. Il n’y a aucune barrière entre nous, on a une excellente communication et on peut toujours se dire les choses sincèrement. C’est formidable !

Son dévouement à notre collaboration est sans égal. On est sœurs, on veut ce qu’il y a de meilleur l’une pour l’autre. Elle m’inspire énormément et elle est un soutien colossal à tout ce que je fais. Je l’aime tellement. C’est la meilleure.

J’aime tellement les films. Ils sont au moins aussi importants pour moi que la musique.

Le cinéma constitue une partie essentielle de tes inspirations. Est-ce que faire un film fait partie de tes ambitions, objectifs ?

Complètement ! L’aspect visuel est essentiel quand j’écris une chanson ou que je travaille sur sa production. J’essaie d’arriver avec une vision de ce que j’imagine pour l’univers visuel du titre. J’aime tellement les films. Ils sont au moins aussi importants pour moi que la musique. À l’avenir, j’aimerais bien réaliser quelque chose qui n’a rien à voir avec la musique.

On t’a récemment vu à la Fashion Week de Paris, tu es devenue une égérie Loewe. Quelle est ta relation avec Paris, avec la mode ?

Je vais à Paris à peu près deux fois par an. Il faudrait que j’essaie de venir en dehors des Fashion Week ! C’est un endroit où j’ai des souvenirs merveilleux. Je me rappelle y avoir joué mon premier concert en solo, où j’ai reçu un accueil et un amour que je n’avais pas connu auparavant.

En ce qui concerne la mode, je vis et respire mode. J’adore les processus de fabrication, je suis une grande archiviste, j’adore l’histoire de la mode. C’est une autre extension de ma vie, quelque chose qui m’obsède.


Interview : Matthieu Fortin & Jessie Nganga
Photographie et direction artistique : Moïse Luzolo
Production et direction artistique : Alice Poireau-Metge
Assistant lumières : Lucas Mathon