Depuis quelques années, le rap de Bruxelles a apporté une vague de fraîcheur sur la scène francophone. D’autres modes de vies, d’autres influences et une grand entraide entre les différents artistes leur ont notamment permis de bousculer le rap français. Une évolution qui a permis d’ouvrir la voie à toute une génération très talentueuse. Focus aujourd’hui sur l’un d’entre eux en la personne de Geeeko, dont la singularité et l’énergie font de lui une étoile montante de la scène rap de BX. Entretien à l’occasion de la sortie de son nouveau projet Irréel.
Views : Salut Geeeko, tu pourrais te présenter en une phrase pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Geeeko : Moi c’est Geeeko, rappeur bruxellois de 21 ans.
Pourquoi avoir choisi ce nom ?
Parce qu’un pote dans mon école a dit que je ressemblais à un lézard, du coup au début j’avais un peu le seum mais tu connais, on s’habitue. C’est resté, c’était le lézard, Geeeko, du coup j’ai mis ce blase sur insta et c’est resté depuis.
Comment t’as commencé le son ? Ça fait longtemps que t’es dedans ?
J’avais déjà commencé quand j’étais au bled, avec un pote sur audacity mais bon ce n’était pas encore du son bien. C’était plus des petits trucs qu’on essayait de faire pour draguouiller, et dire qu’on fait de la musique. Et quand je suis arrivé à BX, j’ai commencé à voir qu’il y avait toutes les infrastructures pour réussir dans la musique et j’ai commencé à m’y mettre sérieusement.
Tu te distingues par une énergie et un univers très singulier, comment tu le décrirais ?
Grave coloré, tu vois comment. Autant visuellement que dans la musique. J’essaie de pas me bloquer dans une case, faire ce que j’aime. Je peux partir dans un truc bizarre, mais si ça me plaît je vais y aller. Sans remords.
T’es né au Burundi, tu as également vécu au Burkina Faso. Tu penses que toutes ces cultures t’ont influencé musicalement ?
Fort fort fort fort. C’est en moi tu vois, j’ai grandi là-bas c’est ancré en moi, même si ça fait longtemps que je n’y suis pas retourné. Du coup, même sur des sons trap tu peux entendre des sonorités cainf.
Du coup t’écoutais quoi là-bas ?
C’était grave les musiques nigérianes : Davido, WizKid… Tout ça c’était mes diez. Après y’avait les diez du daron, de Côte d’Ivoire, zouglou tout ça, mais bon beaucoup de diez j’écoutais de tout.
Du coup en 2020 t’as sorti Réel, c’est ton premier projet, t’es content des retours que t’as eu ?
Ouais franchement pour un premier projet ça s’est très bien passé. Malgré que le corona à un peu niqué le diez parce que j’ai pas pu le défendre sur scène, mais j’ai eu des bons retours, les gens ont bien aimé.
T’as pas fait exprès de le sortir pendant le confinement du coup ? Il était prévu avant ?
On était en train de taff dessus, et on s’est dit : « corona pas corona, il faut le sortir ». On a assumé le truc jusqu’au bout.
T’as bossé dessus combien de temps à peu près ?
J’avais déjà commencé à bosser dessus, sans vraiment bosser dessus. Quelques mois avant, on taffait déjà dessus, on essayait de faire le maximum de sons, de bosser tous les jours. Et une semaine avant le confinement on s’est enfermé avec Chuki au studio tous les jours pour vraiment finaliser le projet, voir les couleurs qu’il manquait etc.
La majorité des sons sont produits par lui, tu l’as connu comment, comment vous vous êtes connectés ?
Je l’ai connu via mes managers, quand j’ai commencé à bosser avec mes managers ils m’ont ramené à Genk parce que lui il vivait là-bas avant, du côté flamand de la Belgique. Du coup on s’est connecté, le gars parlait anglais au début donc c’était un peu dur parce que mon anglais… c’est chaud mon reuf. Mais bon, comme il comprend mon mood, on se comprenait bien tu vois. C’était des petits mots en français, des petits mots en anglais et vas-y, depuis c’est mon gars. On ride ensemble.
Ta signature avec Vangarde, concrètement ça a changé quoi dans ta vie, dans ta musique ?
Beaucoup de choses. J’ai pu arrêter l’école déjà, parce que ça me prenait beaucoup de temps, ça m’énervait. J’enchaînais les redoublements etc. Je fais partie des vieux de la classe ! Même les profs ils en avaient marre de me voir. Ce n’est pas que j’étais bète, c’était juste que ça me faisait grave chier. Et là le fait d’avoir signé, j’ai pu montrer à ma daronne que c’est un truc sérieux, là tout est devenu réel.
Ça t’a permis de bosser avec plein de gens, d’autres compositeurs etc. aussi…
Fort ! Des gens que je n’imaginais même pas que je pouvais bosser avec, ça a apporté du sérieux en tout cas dans ma carrière.
Depuis que t’as commencé, tu juges comment ton évolution ?
Franchement ça monte doucement mais sûrement. Ça se passe bien. Y’a un an, on ne me connaissait quasiment pas en dehors de ma petite ville, là on commence à me reconnaître un peu. Mais c’est lourd tu vois, je ne sais même pas comment me comporter parce que je suis un gars grave timide, c’est grave chelou, mais je vais m’y habituer. Ça fait toujours plaisir, moi je ne réalise pas encore que des gens qui kiffent vraiment la musique viennent me le dire en face. C’est comme les trucs que l’on ressent en concert.
T’es basé à BX, t’es proche de certains rappeurs de là-bas ?
Fort, fort, fort. Mon gars Frenetik, mon acolyte. Il est très chaud.
Tu la juges comment la scène à Bruxelles ? Ça a bien bien pop depuis quelques années.
Grâce au Damso, Hamza, Romeo Elvis et toute la compagnie là, on a pu se mettre un peu sur le devant, ça a permis de mettre la lumière sur nous.
Et il y a déjà la deuxième vague là en ce moment, avec toi, avec Frenetik…
Fort ! Et ce qui est cool, c’est qu’on est grave différent à BX, on n’a pas les mêmes codes comme ici, ou il faut ressembler à un tel ou un tel pour qu’on te calcule. La-bas c’est plus chill, il y a tellement de cultures, on est tellement différents à la base. Ça ne choque même pas qu’il y est un boug avec des cheveux verts qui vient faire du son.
Tu sors des morceaux tout le temps, t’as une actu super chargée. Tu sens que t’as besoin de sortir des trucs tout le temps ?
J’ai besoin de ça. Il faut rester dans le truc, si tu te laisses aller pendant 2, 3 mois on t’oublie y’en a plein d’autre qui peuvent être plus chaud que toi qui sont prêts. Donc si t’envoie pas tout le temps tu te fais remplacer.
On sent que t’as une influence très cainri, tu te butes au rap de là-bas toi ? C’était qui les premiers rappeurs cainri que t’as écouté ?
Que j’étais petit c’était Lil Wayne. Maintenant j’ai grandi c’est plus de Saint John, ce n’est pas vraiment des rappeurs c’est des mélodistes. J’ai toujours été attiré par la mélodie, ce n’est pas vraiment le rap tel quel qui m’a attiré en premier. Don Toliver je kiffe fort, grosse référence pour moi.
Saint John t’en parles beaucoup d’ailleurs, c’est quoi qui te touches autant dans sa musique ?
Déjà sa personne. J’aime bien comme il assume de chanter sans passer pour un fragile. Il a le charisme d’un boug qui pourrait te faire des dingueries mais il va te faire des mélodies tu vas te dire “wow”, on dirait c’est une meuf qui va te faire ça. Et moi je kiffe ça je suis grave dans ce délire, d’assumer comme ça tu vois.
J’ai lu que tu étais très fan de Juice WRLD, sa mort t’a touché j’imagine. Est-ce que ça t’a fait prendre conscience de certaines choses ?
Les gens pensent que comme j’ai sorti le son “Lean”, ils pensent que je suis grave dedans alors que pas du tout ahah. Je suis plus dans la tise moi. Mais ça fait réfléchir quand même.
Comment se déroule ton processus créatif ?
Depuis que j’ai commencé à travailler avec mon équipe, ils m’ont montré les toplines etc. Et ça m’a beaucoup aidé parce que j’ai plus de facilité dans les toplines que dans l’écriture. Donc c’est toujours : j’arrive, je vais kiffer une prod hop on fait la topline, après on fait la structure et j’écris dessus tu vois. Après ça peut arriver que je sois tellement inspiré que j’écris directement mais ça dépend de la vibe que m’envoie la prod.
T’apportes une attention particulière à tes clips, pour toi la musique se regarde autant qu’elle s’écoute ?
Ah ouais grave. Avec les réseaux ça s’écoute autant que ça se regarde donc il faut que visuellement, il y ait une concordance avec ta musique tu vois.
Et ça se voit tu kiffes aussi le faire.
C’est ce que je préfère, c’est la partie du processus que je kiffe le plus.
Jusqu’à maintenant, quelle est la plus belle chose que la musique t’as apportée ?
C’est le fait que ma daronne croit en moi en dehors de l’école. Parce que je ne te mens pas, les darons africains ils ne sont graves pas dans ça, ils ne font pas confiance en ces trucs. C’est tout le temps le cursus scolaire qui est mis en avant. Donc là le fait qu’elle croit en moi, qu’elle écoute, qu’elle en parle à la famille, que j’ai des tontons des tantines à qui m’appelle et me parle de musique ça me touche de fou.
Irréel est disponible sur toutes les plateformes de streaming.
À lire aussi : Rencontre avec Garance Vallée, l’artiste parisienne qui a su conquérir Nike