YG Pablo : “Je n’ai pas le complexe du rappeur qui s’interdit de parler d’amour”

Entretien avec la figure montante de la scène belge.

YG Pablo interview portrait rappeur belge
Photo : Julien Perocheau

Si l’époque que nous vivons met l’imprévu à l’honneur, nous pouvons heureusement encore nous appuyer sur quelques certitudes : le ciel est bleu, l’herbe est verte et Bruxelles fournit toujours autant de bons rappeurs. C’est désormais au tour de YG Pablo de se retrouver sous le feu des projecteurs, grâce à son style polyvalent mêlant trap, RnB et sonorités planantes.

Originaire de BX, à l’image d’autres rookies belges prometteurs comme Frenetik et Geeeko, YG Pablo a récemment rencontré un très beau succès avec son tube “AVM”, qui dépasse les 20 millions de streams sur les plateformes.

Aussi nonchalant dans son style musical que travailleur dans la vie, YG Pablo nous a accordé une interview à l’occasion de la sortie de son nouvel EP VEDA. Rencontre avec un nouveau talent brut, bien déterminé à faire honneur à l’héritage belge laissé par ses aînés.

Pendant combien de temps as-tu travaillé sur ce nouvel EP ? 

Ça fait un petit moment déjà, il a été beaucoup modifié. On partait sur un format plus long et puis on s’est rabattu sur un format plus court, à la suite du confinement. On avait la base depuis un certain temps, mais on a ajouté quelques tracks. Le morceau « Malhonnête »a par exemple été ajouté un mois avant la sortie du projet. 

Tu t’orientais plus une mixtape, un album ?

Oui c’est ça, je voulais sortir un projet de dix titres. On s’est rendu compte que pendant le confinement, les gens avaient pris l’habitude de consommer la musique très vite. Je me suis posé la question de savoir si c’était vraiment le bon moment de sortir un long projet. Je préfère qu’on réécoute plusieurs fois les morceaux plutôt qu’on en skip certains. Surtout que j’en suis encore au début de la carrière : le public peut être exigeant, donc il peut parfois rapidement avoir la flemme d’écouter quelque chose de long. Le format EP me semble être la manière la plus accessible de rentrer dans le game. 

C’est aussi un format qui a très bien marché en 2020, en arrivant à bien capter l’attention des auditeurs. Tu penses que c’est le format les plus adapté au vu du contexte actuel ?

Oui, avec la situation actuelle les gens écoutent beaucoup plus de musique… Et les artistes en produisent plus aussi. Il y a un côté très spontané avec les EP, d’autant plus ça ne nécessite pas une très grosse promotion.

Qu’est-ce que signifie le titre VEDA

Ça signifie “Vision et Connaissance”, ça vient de l’hindouisme. Je cherchais un nom avec une vraie signification, cette idée m’est venue après une discussion que j’ai eue avec mon ingénieur son. Il me disait que dans certaines religions comme l’hindouisme, les gens arrivent à mettre des mots sur des concepts, qui sont inqualifiables dans la langue française. Le mot “Vision” fait  écho à mon choix d’indépendance. J’ai eu un morceau qui a très bien fonctionné, j’ai eu beaucoup d’offres pour signer dans un label, mais pour le moment ma vision est d’être indépendant. La”Connaissance” est de son côté liée à ce projet, qui m’a permis d’apprendre beaucoup de choses sur moi, sur ma musique et sur le business aussi. 

Des choses plutôt positives ou négatives ? 

Un peu des deux. J’ai appris comment les contrats fonctionnaient, les clips et l’industrie en général. Mon équipe et moi avons du tout gérer, la stratégie marketing, la presse… Ça nous a permis de voir les réalités du business de la musique. 

Pour revenir sur des sujets d’étymologie, d’où vient ton nom de scène ? 

Pablo c’est mon vrai prénom ! Et pour YG, je grade encore un peu de mystère… 

Quand as-tu commencé à rapper ? 

J’ai commencé assez tôt, à environ 13 ans. Je suis de la génération Rap Contenders, c’était un truc qui me plaisait bien à l’époque. J’ai toujours aimé la musique américaine aussi. Quand il y avait un gros son rap US qui me plaisait, je reprenais la prod’ et j’essayais de réécrire avec des lyrics en français, tout en gardant le même flow. 

Photo : Julien Perocheau

Par rapport à ce lien avec l’Amérique, tu as reçu même eu une bourse pour aller jouer au basket aux Etats-Unis il y a de cela quelques années. Tu as établi des liens entre le basket et la musique ? Quels enseignements as-tu tiré du basket et qui t’ont servi dans la musique ? 

Il y a énormément de points communs, mais je dirais d’abord la compétitivité, l’envie d’être le meilleur. Il y a aussi la ponctualité. Dans le basket, il y a une certaine rigueur à avoir. On devait être à l’heure pour les entraînements, ça m’a permis d’être vraiment discipliné dans mon travail.

Quels souvenirs tu gardes de cette vie aux Etats-Unis ?

J’aimerais bien y retourner, même si j’étais à Chicago et que je ne vivais vraiment pas le rêve américain (rires). Je n’ai pas vraiment été fasciné ou inspiré dans ma musique durant cette période. Mais ça m’a permis de comprendre l’anglais parfaitement et d’acquérir une ouverture d’esprit. Par contre, j’aimerais bien découvrir d’autres lieux, comme la Californie par exemple. Ressentir la vibe qu’il y a là-bas et m’en inspirer pour faire de la musique différemment. Je pense qu’en fonction de l’endroit où l’on est, la musique se veut différente. 

Et est-ce qu’aujourd’hui il y a des endroits en particulier qui t’inspirent ? Ta ville natale de Bruxelles ou une grande capitale culturelle comme Paris ?

C’est les deux villes dans lesquelles j’ai eu l’occasion de faire de la musique. J’aime beaucoup venir à Paris. Le fait de me déplacer me met automatiquement dans un esprit de travail, c’est comme si je partais en mission. Mais j’aimerais bien faire un séjour à Toronto pour le travail. Il y a plein d’artistes originaires de là-bas que j’adore. Il ont une vibe qui leur est propre, leur propre son et c’est ça qui fait leur succès. 

En parlant de beau vivier d’artistes, la Belgique a son mot à dire. Quel regard portes-tu sur la “deuxième vague belge” dont tu fais partie, aux côtés d’artistes comme Frenetik, Geeeko…

Je suis super content. Je pense qu’on peut plus parler d’une “future deuxième vague”, car on a encore énormément de choses à prouver. Des artistes comme Damso ou encore Hamza ont ouvert une énorme brèche pour pouvoir faire la passerelle à des jeunes artistes. Ils ont montré que c’était possible d’avoir du succès en France. Ils nous ont clairement ouvert la voie. En restant plusieurs années dans le game, ils ont prouvé que c’était des grosses pointures. Mais pour vraiment affirmer le fait qu’il y a une deuxième vague ans le rap belge aujourd’hui, je pense qu’il faut attendre encore un ou deux ans. 

Est-ce qu’il y a des rivalités qui se créent parfois entre vous ? Ou bien est-ce totalement l’inverse ?

Non, l’ambiance est très positive. Evidemment, il y a un esprit de compétition, mais qui n’est pas malsain. Quand je suis en studio avec Frenetik par exemple, on essaye à chaque fois de mettre la barre plus haut que l’autre. Quand l’un de nous fait un bon couplet, ça stimule immédiatement l’autre et ainsi de suite. C’est super positif et ça permet que la musique soit bonne.

Comment expliques-tu le fait qu’il y ait autant de bons rappeurs en Belgique ? C’est quoi votre recette ? 

Je pense que ça vient du fait que même si Belgique est un petit pays géographiquement, les artistes réussissent à développer un style qui leur est propre. En France, il y a beaucoup d’artistes qui prennent la recette d’un gars de leur quartier, tandis que nous on n’a pas de sons très identifiés régionalement. Chacun va développer son propre style, on n’a pas vraiment de modèles dans nos villes, donc on s’inspire avant tout de ce qu’on peut voir et découvrir sur internet. 

Au début de ta carrière, la presse t’a beaucoup présenté comme le protégé de Damso. Comment est née cette relation ? 

C’est effectivement quelque chose de très médiatique, parce qu’il n’y a jamais eu de preuves que lui et moi on était aussi proches. C’est vrai qu’on s’est déjà côtoyé, c’est quelqu’un avec qui j’ai une bonne relation, qui est de très bon conseil et qui très inspirant pour moi.

Photo : Julien Perocheau

Sur ce dernier EP, tu évoques beaucoup la thème de l’amour et tes sentiments. Ce sont tes principales sources d’inspiration ?

Ce qui fait ma particularité en tant qu’artiste, c’est le fait que je n’ai pas le complexe du rappeur qui s’interdit de parler d’amour, qui ne veut pas faire le lover. L’amour n’est pas une chose dont il faut avoir honte. De part mon vécu, j’ai une facilité à en parler et j’arrive à toucher mon public avec mes paroles.

Comment, en tant qu’artiste, arrive-t-on à se différencier des autres quand on évoque un sujet autant traité que l’amour ? 

Il y a beaucoup d’artistes qui en parlent, mais c’est beaucoup moins répandu dans le rap français que dans le rap américain par exemple. Les types de prod’ sur lesquelles je pose aussi font la différence, elles ont des sonorités plus “love” pour la plupart. En France en général, quand un artiste de la scène urbaine parle d’amour, c’est souvent sur des mélodies afros. J’ai envie de montrer mes influences R&B et trap dans mes sons, sans passer par des rythmes afro. Je pense que c’est ça qui la différence. 

Est-ce que t’as pas peur de te lasser de la musique à un moment donné ? De ne plus avoir l’inspiration ou la motivation ? 

Si je suis lassé par la musique, je ferais une pause jusqu’à ce que ça passe. Je n’ai pas envie de me forcer, d’être une machine à hits. Si je sens que je me force à faire une chose, j’arrête. Et puis si ça revient, je m’y remettrais. Ce n’est pas vraiment quelque chose que j’appréhende.

Quel est ton lien avec ton public ? Qu’est-ce que tes fans apprécient chez toi ? 

La première chose selon moi c’est ma signature vocale, c’est une chose qui revient fréquemment. Le fait de rapper d’une manière un peu chantée, c’est ce qui plait le plus à mon public. Je pense que c’est aussi le fait que dans mes lyrics, je n’ai pas l’habitude de sortir des disquettes méga-love. Je reste franc dans mes morceaux.  

Justement par rapport à cette notion franchise, dans “Déstocké” tu dis : “Je voulais faire des études pour plaire à ma mère ». Est-ce que ta vie actuelle lui convient ? 

Oui, ma mère est fière de moi. Je sais que ce qui aurait rendu fière ma mère quand j’étais plus jeune, ça aurait été que je fasse de “belles” études. Mais en grandissant, j’ai compris que le principal pour elle c’était que je sois heureux dans ma vie. Et au final, je le suis aujourd’hui grâce à la musique. J’ai un style de vie sain et je pense que c’est ce qui la rend le plus fière.


Le nouvel EP de YG Pablo est à (re)découvrir ci-dessous.


Photos et propos recueillis par Julien Perocheau (@julienperocheau)