Views et la galerie Oddity présentent Visions, le portrait de 8 femmes créatives

"Être une femme, c’est un exercice de recherche constant."

À l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, nous avons photographié 8 femmes, réunies par leurs passions créatives et leurs parcours inspirants. Dévoilés dans un premier temps sur nos plateformes, les clichés de Laura Pelissier s’accompagnent de tribunes rédigées par ces artistes, qui détaillent leurs perceptions de la féminité en 2021.

Du 13 au 20 mars, ces photos seront exposées à la galerie Oddity, au 27, rue Notre Dame de Nazareth 75003 Paris.

Talia Maidenberg

Peintre, 22 ans, @taliamaidenberg

Être une femme, c’est un exercice de recherche constant. Quand j’étais enfant, mes modèles artistes, chanteurs et écrivains étaient toujours des hommes. Je n’arrivais pas à trouver une raison d’être fière d’être une femme. C’est très tard que j’ai commencé à me construire un réseau d’inspirations féminines, à aller dans la bibliothèque de mon école pour trouver des peintres et théoriciennes femmes que j’admire et auxquelles je me réfère tous les jours.

Le livre de Griselda Pollock et Rozsika Parker Old Mistresses et celui de Judy Chicago The Dinner Party m’ont beaucoup aidé pour cela. J’essaye d’être attentive aussi, à ce qui se passe autour de moi, plus directement, d’écouter, d’observer les femmes impressionnantes qui m’entourent : ma mère, ses amies, les miennes, mes professeurs. J’ai beaucoup de chance.

Faiza Poivre D’arvor

Étudiante, 18 ans, @_faiza_poivre_darvor

Je me sens portée par ce mouvement de lutte. Y participer est un devoir pour moi. Aujourd’hui, en tant que membre de cette nouvelle génération de femmes, je me sens héritière de cette notion de féminisme que bien d’autres ont défendu avant moi. D’ailleurs, cette lutte des droits pour les femmes dure depuis bien trop longtemps. Il faut avouer que les mentalités évoluent avec une telle lenteur que parfois ça en est presque décourageant. Mais je sais aussi qu’il faut du temps pour qu’évoluent les mœurs d’une société entière.

D’abord, la notion du féminisme pour moi, c’est d’être libre et en sécurité ; en toute égalité dans un quelconque environnement. Que se soit autour d’une discussion entre amis, un rendez-vous professionnel, dans la rue ou même dans les actions du quotidien. Peu importe le moment et le lieu, se sentir en toute égalité avec les autres. Ce qui revient à être libre. Ne pas être égale aux autres (si on prend l’exemple de l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes, qui s’élève à plus de 20%) revient à ne pas être en possession de ses plein droits d’égalité. Mais je crois que ça, tout le monde le sait déjà.

Nous sommes encore hélas dans une société patriarcale, dans laquelle se joue une relation du dominant sur le dominé. Je pense qu’il est important de réfléchir à ce que représentent les femmes en 2021, car l’idée de “Femme” dans notre société est à mon goût un peu archaïque. Il en existe une infinité et c’est aussi important de l’affirmer.

C’est important de rappeler que le féminisme est un mouvement dans lequel plusieurs individus à travers le monde partagent les mêmes idées et ambitions : une totale égalité entre les êtres humains. Que ce soit dans le domaine social, politique, culturelle, ou des mœurs et bien d’autres… Il est important d’affirmer qu’il ne s’agit pas tant de renverser et d’inverser un système déjà instauré que de se questionner, d’échanger, de changer les mentalités sur le rôle des femmes.

Sandra Berrebi

Créatrice de costumes, 45 ans

Être une femme aujourd’hui, c’est avoir le choix de ne plus l’être, tel qu’on nous a définis depuis longtemps. Nous ne sommes pas que des corps reproducteurs, ni des corps marchandises, ni au service de quelqu’un. Toutes nos histoires ont été écrites de la main de l’homme et notre représentation comme femme est biaisée par nos éducations aux valeurs patriarcales.

Depuis, les femmes ont pris la parole pour défendre leurs droits, redéfinir qui elles sont, dénoncer les maltraitances du pouvoir et enfin, elles ont écrit leurs propres versions de l’histoire. Cependant, je n’ai pas envie d’être reconnue parce que je suis une femme, mais parce que je suis une individu singulière.

Je ne sais pas si les attributs généralement donnés aux femmes comme l’intuition, la douceur, la bienveillance, le soin, l’empathie, sont vraiment le propre des femmes. Ce sont des facultés humaines qu’elles ont développé pour faire survivre l’espèce. Les hommes ont besoin de développer ces qualités non genrées et humaines. Elles sont la clé pour une relation en paix.

Et puis quelle magie d’être une femme. La matrice, le sein nourricier, le lait qui guérit, donner la vie. J’aime penser qu’on entre dans l’ère Utérin, comme on entre dans l’ère du Verseau. L’ère du clitoris politique. Un temps d’introspection. On travaille la matrice, là où tout se crée, ou la forme se décide, en gestation. Où le plaisir est multiple, lié au mot et à l’image. Penser la base, l’éducation, être tuteur, de quelles valeurs ?

Celles qui donnent de la lumière. En rêve, fini le phallus, la violence du pouvoir, les rapports pyramidaux, les forces qui écrasent. Maintenant, essayons d‘imaginer d’autres façons de s’élever, de se nourrir, de prendre soin, d’être libre et vivant. C’est cela une pensée de femme ? Ou juste celle d’un individu bienveillant.

J’aime beaucoup travailler avec des femmes photographes. Je mets en scène avec elles mes costumes. Mon travail est-il féminin pour autant ? Il est sensible, onirique. Les personnages sont souvent hybrides et mystérieux.

Kéziah Lavel

Écolière, 10 ans

Pour moi, être une fille reste quelque chose de désavantageux car les inégalités entre filles et garçons sont encore très présentes, même lorsque l’on a 10 ans. Il y a encore trop de clichés genrés : on suppose que les garçons sont censés faire du foot et les filles de la danse. Je souhaiterais que ces clichés ne soient plus normalisés. Je discute souvent de ces questions avec mes copines et ma famille.

Je n’aime pas l’image que l’on me renvoie au sein de mon école, car on me demande de correspondre à certains critères de beauté qui ne sont tout simplement pas moi. Parfois, je fais semblant de m’en moquer mais cela m’atteint. On ne m’évalue qu’à travers cela, j’aimerais que ça change pour que l’on ne me définisse plus que par ça !

Marie Mc Court

Réalisatrice, 30 ans, @mariyonce

Ça me paraît absurde d’essayer de définir ce qu’est une femme, quand j’essaye justement de m’affranchir du cadre et des codes qu’on nous a inculqués. Ça m’a limité dans la construction de mon identité. Aujourd’hui je veux me rêver ailleurs, pour ouvrir mon champ des possibles. 

J’ai été éduquée à ne pas remettre en question la norme et à rester discrète, mais j’ai trouvé un terrain d’expression à travers le cinéma. Si je fais des films immersifs, c’est pour transmettre mes idées à travers des émotions. Grâce à elles, nous pouvons nous rencontrer vraiment, car c’est une des rares choses qui nous appartienne totalement et qui reflète notre singularité.

J’essaye d’être un maximum consciente des mécanismes de domination qui m’ont modelée, pour en être le moins victime possible. La vision de la femme, forgée par la société, mène à une politisation du discours féminin. On la retrouve dans les films de deux façons : d’une part en abordant la condition de la femme elle-même ; d’autre part dans le dévoilement de rapports politiques là où on ne s’y attend pas.

Face à un patriarcat violent, il est contre-productif de s’opposer frontalement. J’écris donc des films immersifs, afin d’utiliser l’empathie comme outil de déconstruction de la banalisation de la violence.

Mariana Benenge

Danseuse et designer, 30 ans, @mariana_benenge

J’aime être une femme, je me sens powerfull. J’aime la force qu’on a de plus en plus aujourd’hui, notre sensibilité, notre douceur, notre détermination. Pourtant être une femme, reste compliqué encore aujourd’hui. Encore plus être une femme noire. En tant que femme noire, on doit se battre encore plus, pour avoir les choses simples que tout être humain mérite. Ces combats ont  forgé mon caractère. Je n’ai jamais eu de problèmes pour me faire entendre face à un homme. Je ne leur laisse pas le choix. 

On se bat toutes pour ne pas leur laisser le choix. Personnellement, c’est dans ma culture. Je suis originaire du Congo et chez nous, la femme occupe une place très importante dans la société. C’est la figure décisionnaire. 

Être une femme aujourd’hui, c’est aussi essayer d’être inspirante pour les femmes de demain. J’ai été inspirée par des femmes comme Michelle Obama, j’ai envie de transmettre cette motivation, cette joie d’être une femme.

Au Congo, les filles s’habillent de manière sexy et c’est accepté. Personne dans la rue ne porte de jugement ou de regard sur la manière dont les filles s’habillent. Je suis arrivé en France il y a 8 ans et j’ai tout de suite senti ce changement. Les gens me regardaient dans la rue et ça m’a plutôt perturbé dans un premier temps. J’ai été blessé par le regard des autres.

Je suis arrivée en Picardie, dans une école privée, où j’étais la seule noire et en plus j’étais sexy… Tous les regards étaient braqués sur moi ! C’était difficile à vivre, je me sentais seule. J’avais perdu toute confiance en moi. Avec le temps, j’ai réussi à changer le regard que j’avais de moi et à me sentir forte de nouveau ! En grandissant, j’ai assumé qui j’étais et je me suis libéré. Aujourd’hui, plus personne ne me fait de remarques car je sais qui je suis et je m’aime comme je suis. 

Je suis danseuse et designer. La danse, est pour moi un moyen d’expression. Quand je monte sur scène, je veux être vue. Quand je rentre sur scène, je sais que les gens ne voient pas la danse en premier. Ils voient d’abord une femme, une femme noire. Une femme noire avec des formes, puis, pour finir, une femme noire avec des formes qui danse.

Njeri Njuguna

Photographe, 24 ans, @njeri_n

Être une femme aujourd’hui signifie pour moi la même chose qu’hier, avec plus de liberté de droits et d’émancipation. Mais cela est venu avec la force, le courage et la détermination qu’elle représente.

Mes pratiques créatives me permettent de m’exprimer en tant que femme en montrant les différentes beautés, silhouettes, personnalités à travers mes photos.

J’ai toujours eu du mal à me positionner dans l’environnement dans lequel j’évolue. “L’habit ne fait pas le moine” est l’une de mes expressions préférées, car que ce soit personnellement ou professionnellement parlant, il me semble que l’on m’a souvent plus assimilé à quelque chose d’autre que la personne que je suis réellement. 

La photo me permet de m’exprimer tel que je le souhaite et d’affirmer mes choix et mes positions, tout en respectant ceux des autres. 

Tallulah Cassavetti

Actrice et céramiste, 19 ans, @tallu_tm

Je ne me sens pas femme. J’ai été élevée comme une femme, tout le monde me voit comme une femme, me rappelle que j’en suis une, mais ce n’est pas ce que je ressens. J’ai toujours été dérangée par le fait d’être sexualisée. La femme est une construction, nous ne devrions pas être définis par notre sexe. Je préfère être un clown qu’une femme ou un homme. 

J’ai l’impression de vivre dans un microcosme. J’ai grandi et j’évolue dans un milieu privilégié, dans lequel je me sens hyper-safe. Pour ce qui est du cinéma, j’ai joué dans De l’Or pour les Chiens d’Anna Cazeneuve Cambet. C’est un film qui parle de consentement et de sexualité, on me l’a beaucoup renvoyé, alors que moi je n’y pensais pas. En tant qu’actrice, je pense que j’ai été hyper sexualisée, pas par la réalisatrice, mais par le public. On réduisait mon rôle à la scène de sexe dans le film, alors que ce n’est pas le sujet du film. Ça me fait un peu peur. J’ai envie d’être actrice, mais je n’ai pas envie d’être seulement renvoyée à mon corps. 

Mes projets créatifs me permettent de m’exprimer, je les considère comme de la méditation, que ce soit mes travaux en céramique ou en tant qu’actrice. Je me sens hors du temps à ces moments. Je cherche à créer et à laisser sortir mes émotions telles qu’elles sont.


Retrouvez l’exposition “Visions” du 13 mars au 20 mars 2021 à la galerie Oddity, 27 rue Notre Dame de Nazareth 75003.

Vernissage samedi 13 mars de 12h – 18h

Talk 14h – 16h / “Genre, identité et création : comment ces trois dimensions se croisent-elles, se superposent ou se défient-elles au prisme des expériences de chacun.e.s ?” modéré par Elise Kravets