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Guy2Bezbar, flamboyante remontada


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Avec Coco Jojo, un premier album énergique et lumineux, le natif du 18ème arrondissement lance sa carrière pour de bon.

 

Coupe de champagne à la main, Guy2Bezbar savoure sa journée promo. Il reçoit dans un cadre luxueux, le salon privé d’un palace parisien. Veste Nocta gris perle sur le dos et Nike x sacai aux pieds, le rappeur arbore ses célèbres nattes collées, une coiffure signature qui lui donne un air de Bow Wow. La comparaison l’amuse et le flatte. Il avoue avoir en partie façonné son style en l’honneur de la star des années 2000. 

Sur ses lèvres, un large sourire se dessine. Touchant de sincérité, le natif de Barbès est à l’image de sa musique : solaire et enjoué. Guy2Bezbar profite de chaque seconde. Le lendemain de cet entretien, il sortira son premier album Coco Jojo. Un aboutissement pour cet artiste qui ne cache pas avoir charbonné pour en arriver là. 

Malgré la séquence d’euphorie qu’il est en train de vivre, le rappeur n’oublie pas le chemin parcouru. Les galères, les déceptions et les défaites, Guy ne les dissimule pas. Bien au contraire. 

À une certaine époque, je ne souriais jamais, j’avais carrément l’impression d’être maudit.

C’est vrai que tu te destinais initialement à une carrière dans le football ?

   

J’ai longtemps baigné dans le foot. C’était quelque chose de primordial, surtout pour mon père. Il était plus impliqué que pour l’école. Je suis passé par plein de clubs : le Paris FC, le Red Star, j’ai joué à Alfortville, à Trélazé aussi, juste à côté d’Angers. J’ai joué 10, milieu gauche, 8, 6, arrière-droit et attaquant. J’étais assez polyvalent grâce à mon gabarit : mince, grand, rapide, endurant. J’avais une bonne vision du jeu, j’étais partout.

Quand tu étais à fond dans le foot, quelle place occupait le rap dans ta vie ? 

C’était une passion. Quand je regardais des matchs avec mon père, j’avais mon casque en même temps, j’écoutais ma musique sur la PSP. La première fois que j’ai eu un casque, ça a changé ma vie. Même quand j’allais courir, j’étais avec mon casque. Je dormais même avec. Ma daronne, quand elle me voyait le casque sur la tête, elle l’enlevait direct. J’écoutais tout le temps du son. Je me tuais à la rumba congolaise, au rap français et beaucoup de sons américains : Jay-Z, 50 Cent, Pharrell Williams, Nas, Tupac, Snoop Dogg, Dipset… J’étais branché sur tout ce qui venait d’Harlem.

C’était quoi l’ambiance à la maison à ce moment-là ? 


J’ai grandi dans une famille très soudée, toujours dans la bonne ambiance. Je n’ai que des sœurs ! À la maison ça parlait pour rien, tu connais les meufs comment elles sont (rires, ndlr). Ça regardait Desperate Housewives avec la daronne. Toi, tu as ton match sur France 3, c’est la Coupe de France, Paris joue, mais tu dois aller de l’autre côté avec le daron. Ton daron est un peu méchant. Les darons sont durs quand t’es petit, ils ne rigolent pas.

 

Comment s’opère le choix entre tes deux passions ?


Sans faire la star, vers la fin, ça me soulait de jouer au foot à haut niveau. J’avais signé dans un bon club, mais le coach ne me faisait jamais jouer. À cette même période, j’ai eu une baisse de foi, ça n’allait pas très bien à la maison. J’étais en plein burn out. J’ai tout arrêté d’un coup, j’avais besoin de souffler, mais je ne savais pas encore où j’allais.

Quand tu décides de te professionnaliser dans le rap, quelle est la réaction de tes parents ? Notamment ton père, qui était impliqué dans ta carrière. 


Ils ont découvert que je rappais avec l’un de mes clips où il n’y avait que des couteaux. Mon daron a serré, il ne s’y attendait pas. Il a vraiment pété un câble. Il m’a demandé si je ne voulais plus jouer et j’ai dit que si, comme quand on a peur de répondre (rires). Ma mère était plus compréhensive, elle m’a dit : « Si tu aimes bien ça, fais-le. » Finalement, mon père a compris que j’avais trouvé ma voie ailleurs.

Tu évoquais le burn out qui a conduit à ton arrêt du foot. Tu as vécu des moments de souffrance similaires dans le rap ?


J’ai vécu beaucoup de burn out, ça n’a pas toujours été rose. À une certaine époque, je ne souriais jamais, j’avais carrément l’impression d’être maudit. Je faisais de la musique que les gens n’écoutaient pas. Quand tu vois d’autres artistes qui arrivent, et qui, en une semaine, font disque d’or et remplissent un Zénith, ça crée un peu de frustration. Toi tu restes là et tu te dis : “Je suis une grosse merde, je ne joue plus au foot, dans le rap ça ne marche pas, je n’ai pas de fric.” J’ai eu de la chance d’avoir des potes et des producteurs qui ne m’ont jamais lâché. Ils m’ont toujours dit : “T’es un boss, l’histoire sera belle.”


Après le succès de “Bebeto”, tu as commencé à te faire connaître en dehors de ton quartier. Quelle stratégie as-tu mise en place pour exploiter ce succès naissant ? 


Après ce morceau, j’étais toujours dans l’optique de faire de la musique pour délirer. On a fait deux-trois clips dans la foulée et on a vu que ça devenait sérieux. À partir de là, on a commencé à réfléchir et à ne plus poster n’importe quoi sur les réseaux.

Guy2Bezbar Photo
Guy2Bezbar Photo
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Tu as réussi à te créer une identité artistique reconnaissable. C’est quelque chose que tu as travaillé de manière spécifique ? 

 

La seule chose que je bosse vraiment, ce sont mes gimmicks. Par contre, pour mon producteur, c’est un gros enjeu. Ils voulaient vraiment qu’on arrive à m’identifier en tant qu’artiste. Quand les gens écoutent ma musique, il faut qu’ils se disent : “Ah c’est Guy !”

 

Dans tes morceaux, on sent beaucoup l’influence de la musique congolaise. C’est important pour toi de mettre en avant tes origines, ton héritage culturel ?

 

Oui, dans le Freestyle Booska’Flingeurs, je sample une partie de « Tindika Lokito ». Dans un autre titre, j’ai aussi repris une petite gimmick de Celeo Scram, un chanteur de Werrason, qu’il a fait dans le son « Alerte Générale ». On kiffait danser sur ça quand on était petit. À l’ancienne, tout le monde se levait quand ces musiques passaient. J’ai voulu faire un petit big up aux anciens.

 

On a l’impression de vivre à l’heure des rappeurs congolais dans le rap francophone, avec Niska, Ninho, Damso, toi… Quel regard portes-tu sur votre domination ? 

Je ne veux pas caricaturer la scène rap en France, mais c’est vrai que les rappeurs congolais sont nombreux dans le game. Et c’est une bonne chose. Maintenant, c’est à nous de chercher l’union et de faire en sorte que tout le monde flingue. Ce serait un plaisir de participer à un projet commun entre nous. Si les autres sont chauds, moi aussi. Après, je reste sélectif, je ne me vois pas chanter avec tout le monde non plus. 

Il y a deux ans, je n’avais pas autant de visibilité, ni l’opportunité de raconter ma vie ou que l’on s’intéresse à moi. Je savoure chaque instant, même quand je travaille. Je suis un acharné. 

C’est intéressant que tu utilises le mot « chanter ». Quand on écoute ta musique, on remarque que tu n’es pas juste là pour kicker.

 

Pour te dire la vérité, j’ai toujours voulu chanter. J’aime trop l’auto-tune, créer des vibes en chantant. Mais le public a fait son choix. C’est pour ça que je fais des feats avec des artistes comme Tayc, pour justement revenir à ce registre que je kiffe à la base. Quand j’étais petit, j’écoutais les sons de Faith Evans, Alicia Keys, Lauryn Hill. Ça lovait en cachette sur “Let Me Hold You” de Bow Wow et Omarion. C’est quand on sortait qu’on s’ambiançait sur 50 Cent (rires).

 

On sent que ce sont des artistes qui t’ont également influencé sur ton apparence physique. 

 

C’est chez les cain-ri que je m’inspirais, j’aimais trop leur style. Bow Wow, quand je l’ai connu, j’ai serré. Il était trop frais pour moi, ça m’a bien marqué, avant que je connaisse Nelly et tout ça. Ses tresses, son bandeau, ses débardeurs, ses longs t-shirts, sa voix un peu cassée… C’était trop ! Je pouvais dead pour Lil’ Romeo aussi, son histoire, le fait que ce soit le fils de Master P. Un vrai ‘G. Maintenant je m’habille à ma manière, mais il y a toujours une influence des States. Je suis heureux quand je vois des mecs sur TikTok avec des nattes collées. Tu sais que c’est moi qui ai relancé la mode ? On entend carrément des gens dire : “Sappé comme Guy.” Ça fait trop plaisir.

À Barbès, c’est comme avant. Pour eux, je suis toujours le Guy qui gratte des clopes, qui rigole, qui fait des vannes, qui va jouer au foot toute la journée.

Ton public t’apprécie pour ta musique, mais aussi pour la sympathie que tu dégages. On a l’impression que tu fais de la musique pour rendre les gens heureux.

Ça me fait plaisir que les gens soient de bonne humeur quand ils m’écoutent. Les fans sont contents quand ils me voient, ils ont le sourire. Avant, ce n’était pas le cas. Les gens n’osaient pas trop m’approcher, surtout quand j’étais en équipe. Aujourd’hui, ils se disent : « Lui, ça se voit qu’il est vraiment cool dans la vraie vie. » Donc les gens viennent me parler, même les mamans me demandent des vidéos pour leurs enfants !

Avec la notoriété, comment ça se passe au quartier ? 


À Barbès, c’est comme avant. Pour eux, je suis toujours le Guy qui gratte des clopes, qui rigole, qui fait des vannes, qui va jouer au foot toute la journée. Ils m’aiment toujours comme je suis.

Justement, dans quel état d’esprit est le Guy d’aujourd’hui ?


Je kiffe les moments comme ça, à me retrouver ici pour faire une interview. Il y a deux ans, je n’avais pas autant de visibilité, ni l’opportunité de raconter ma vie ou que l’on s’intéresse à moi. Je savoure chaque instant, même quand je travaille. Je suis un acharné. Même en vacances, j’ai toujours besoin d’un studio, d’être tout le temps branché pour bosser.

Selon toi, c’est cette mentalité de hustler qui te fait tout vivre intensément, les hauts comme les bas ? 

J’ai conscience que demain tout peut rechuter. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve. L’important, c’est de toujours rester positif, d’avoir un bon mental, de faire les choses en étant en accord avec soi-même. Ne pas faire les choses uniquement pour que ça pète. Il faut prendre du plaisir, faire en sorte qu’on t’aime avant tout pour ce que tu es.

L’important, c’est de toujours rester positif, d’avoir un bon mental, de faire les choses en étant en accord avec soi-même. Ne pas faire les choses uniquement pour que ça pète.

CRÉDITS

Interview : Maëlys Kapita

Photographe : Alexandre Mouchet

Graphisme : Noémi Bonzi

Set Design : Alexandre Mouchet, Tony Raveloarison & Zakaria Vergerolle

Production : Julien Bihan