Ronisia pour Views, par Moïse Luzolo

Ronisia : “Les quelques femmes noires qui arrivent dans la musique, on va les comparer”

Le premier album n’est jamais anodin dans une carrière d’artiste. Première introduction au public, premières sessions en studio, premiers hits ou premiers faux pas… Pour certains c’est une expérience qui, même lorsqu’elle s’avère être une réussite, reste une occasion d’apprendre pour revenir encore meilleur. 

Une vérité qui s’applique bien à Ronisia. Propulsée sur le devant de la scène après son premier hit, “Atterrissage”, la jeune femme d’origine capverdienne et timide de nature, a pris son temps avant le premier album. Comme une présentation, une première rencontre, ce projet, sorti en janvier 2022, porte son nom “Ronisia” et installe les bases de sa musique : celle d’une jeune pépite, dont les toplines s’adaptent aussi bien aux rythmes du zouk qu’à ceux de l’afro. 

Presque 2 ans plus tard, ce n’est plus une pépite mais une star qui s’est présentée à Views quelques jours avant la sortie de son deuxième album, “era 24”. Un projet qui se veut être celui qui confirme son nouveau statut. Plus expérimentée, plus affirmée dans son identité visuelle et surtout dans sa musique, Ronisia nous y offre une palette de sonorités encore plus larges, plus accentuées qu’auparavant. Elle navigue ainsi dans ce qu’elle appelle elle-même “un cocktail” d’influences musicales où les sonorités afros ou afro-caribéennes se mêlent à la culture RnB et même au rap. 

Pour Views, la chanteuse revient sur ce nouvel album, sur ses inspirations et sur son statut de femme noire dans l’industrie musicale française.

Top et jupe Rabanne

Tu as choisi d’appeler ton album era 24 par rapport à ton âge. En quoi ce step des 24 ans était important pour toi ?

J’e l’ai senti que je passais une étape dans le sens ou, dans ma vie personnelle ou professionnelle, j’ai eu beaucoup plus de responsabilité. J’ai senti que je n’étais plus une jeune femme qui découvre le milieu de la musique mais que je commençais à être mon propre chef. Ça ne veut pas dire que je ne prenais pas de décision avant mais j’ai surtout compris à quel point ces décisions ont un impact sur ma vie et sur la suite de ma carrière. Je drive ma propre vie et j’en ai conscience.  

Sur Ronisia, tu étais un peu considérée comme une future pépite, en tout cas c’est le souvenir que j’ai de la sortie de ce premier album. On attendait de voir ce qui allait se passer et je pense que tu as su convaincre et tu as acquis un nouveau statut. C’est quelque chose qui t’as mis plus de pression pour faire ce nouvel album ? 

J’ai l’impression que le deuxième album, c’est toujours le plus stressant pour un artiste. Il y a eu beaucoup de critiques pour Ronisia, il faut le savoir parce qu’on relève souvent qu’il a fonctionné mais il y a eu des retours négatifs aussi. Ce sont des remarques que j’ai retenues et j’ai essayé de m’en servir pour le deuxième album. Donc oui, j’ai eu beaucoup plus de pression pour era 24, c’est même incomparable avec le premier. En plus, je suis une personne qui se focalise beaucoup sur ce qui ne va pas. Je ne voulais pas décevoir et je sais que sur ce deuxième album, on en attendait plus de moi.

Quelles critiques tu as retenues par rapport à Ronisia et qu’est ce que tu as pu améliorer en conséquence ? 

C’était surtout au niveau de l’écriture. On trouvait mon écriture un peu légère. Bon, après je ne vais pas me transformer en Kery James ou Youssoupha. Leur écriture laisse tomber, c’est un truc de fou ! Je sais que je ne pourrais pas faire comme eux, mais j’ai essayé de m’appliquer un peu plus là-dessus, d’être plus précise et plus explicite sur ce que je voulais exprimer. On n’a peut-être pas compris le message que je voulais envoyer sur Ronisia alors que je sais ce que j’ai voulu transmettre. Donc pour era 24, j’ai essayé de me mettre à la place des autres pour faire en sorte d’être comprise. 

C’est surprenant, tu parles de Kery James et de Youssoupha en premier par rapport à l’écriture, alors que ce sont des rappeurs qui ont une proposition assez éloignée de la tienne.

Oui c’est vrai, ce sont des rappeurs mais ils sont connus pour bien écrire. Après, j’aurais pu te citer d’autres artistes. Il y a Vitaa, Nej aussi je kiffe vraiment la façon dont elle écrit… Mais Kery James et Youssoupha, je les cite parce que ce sont vraiment des références pour moi en termes de rap et en termes d’écriture tout court. 

Je trouve que ton nouveau statut va aussi avec une certaine assurance chez toi. Ca transparaît dans ton image notamment dans les vêtements que tu portes. La mode, c’est quelque chose dans lequel tu as trouvé plus d’intérêt entre la phase durant laquelle on t’a découverte et aujourd’hui ?  

Oui, beaucoup plus parce que j’ai pris conscience que le visuel et l’image avaient une grande importance dans la carrière d’un artiste, à égalité ou presque avec la musique. Alors j’ai envie d’être reconnue pour ma musique mais l’image doit suivre aussi. C’est ce que font les exemples de femmes que j’ai dans l’industrie. Une Rihanna par exemple, c’est quelqu’un qui a réussi sur tous les plans autant dans la musique que dans la mode ou l’entrepreneuriat. Elle maîtrise son image. Je voulais que ça prenne plus de place pour moi aussi, et si tu l’as ressenti je suis contente. 

Dans le même esprit, ta cover tranche un peu avec celle de Ronisia. Tu as l’air plus sûre de toi, une nouvelle personne. Comment vous avez eu l’idée de cette pochette et quel message tu as voulu envoyer avec ? 

À la base, quand j’ai donné mes idées pour la cover, j’ai dit que je voulais une pochette assez nonchalante, shootée à l’argentique pour que la qualité fasse un peu ancien. Je voulais aussi des couleurs plus froides. Ensuite, avec mon équipe, on a retravaillé ça en mélangeant nos références de photos, on s’est envoyé beaucoup de choses ! Et à partir de ça, j’ai commencé à vraiment trouver la direction de l’album. C’est un album dans lequel j’ai osé proposer ce que je voulais, notamment en termes de sonorités RnB. Je voulais que ça se ressente sur la cover. C’est réussi je trouve parce que ça fait très RnB des années 2000, notamment avec le stylisme. J’aime beaucoup. 

Tu parles de RnB et le sujet central de ton nouvel album comme pour le premier, c’est l’amour. Est-ce que la musique te sert d’exutoire par rapport à l’amour ? 

Un petit peu. Mais tous mes morceaux ne sont pas autobiographiques. Après l’amour, c’est un thème universel donc j’en parle à toutes les sauces. Je raconte différentes phases amoureuses. Le lundi, je vais poser un morceau dans lequel je vais raconter que j’aime trop mon mec, qu’il est trop beau, qu’il est génial. Et le lendemain, je vais écrire un nouveau morceau dans lequel je vais raconter que les gars, ça ne sert à rien. 

C’est le ressenti que j’ai eu en écoutant l’album avec des morceaux très “love to love” et d’autres complètement à l’opposée.

Oui ! C’est ça ce sont les différentes phases amoureuses. En plus nous les femmes, on a nos humeurs etc, donc forcément ça va un petit peu dans tous les sens mais le thème principal, ça reste l’amour parce que c’est ce que j’ai le plus de facilité à aborder. Surtout les dramas, c’est ce que je préfère écrire. Tout ce qui est mélancolique, ce sont des titres que j’aime écouter et que je trouve souvent beaux. 

Je sais que tu es très proche de tes copines et que tes proches te conseillent parfois en studio. Si ce ne sont pas les tiennes, ce sont leurs histoires qu’on entend parfois sur tes morceaux ? 

Bien sûr, ça arrive. Mais parfois, c’est simplement mon imagination aussi, parce que ce que je raconte, ce ne sont pas des choses extraordinaires. Ce sont des choses qui peuvent nous arriver à tous. C’est en fonction du mood du jour, j’arrive en studio et je me dis “aujourd’hui je vais parler de ça”. 

Ta force à mon sens, ce sont tes toplines. Comment tu crées ces mélodies ou simplement comment se déroule une session studio avec Ronisia ? Et est-ce que ta méthode de travail a évolué depuis ton premier album ? 

Pour cet album là, ça s’est passé assez différemment par rapport au premier. Je ne le dis pas de façon péjorative, mais je trouve que j’avais une façon de travailler assez mécanique pour Ronisia dans le sens où, à l’époque, j’avais appris à travailler d’une certaine façon en studio, donc j’ai travaillé tout mon premier album comme ça. Je n’ai pas essayé de chercher d’autres méthodes de travail ou quoi que ce soit. C’était : j’arrive en studio, on te fait une prod, “tu aimes bien ? Ok, vas-y tu fais la topline et tu écris”, dans cet ordre là. Aujourd’hui, quand je vais enregistrer, je peux déjà me poser pendant au moins une heure au studio avec mon équipe et on est là, on écoute du son juste pour avoir d’autres inspirations, entendre d’autres sonorités. On se demande “toi tu as écouté quoi ces derniers temps ? tu écoutes quoi en ce moment… ? Vas-y, fais moi écouter comme ça j’aurai d’autres inspirations”. C’est du partage, c’est de l’échange comme ça avec tous les gens qui m’accompagnent en studio que ce soit une copine, un ingé son, un compositeur, mon producteur… Et puis j’ai changé ma façon d’écrire aussi. Quand avant, je faisais toujours la topline avant le texte, pour era 24, j’ai beaucoup fait l’inverse. Je commençais par écrire mon texte et la topline, la mélodie je la trouve en direct une fois devant le micro. C’est une méthode qui me laisse plus de liberté au niveau des textes, plus de place pour écrire. C’est une méthode de travail que m’ont inspiré beaucoup d’artistes qui fonctionnaient comme ça. 

Quels artistes t’ont marqué en termes de méthodologie ? 

Ce sont surtout les rappeurs. 

C’est vrai que c’est un fonctionnement de rappeur d’écrire avant de poser. D’ailleurs, souvent les rappeurs notent leurs lyrics, leurs punchlines pour arriver en studio avec des phases qu’ils aimeraient glisser dans leurs morceaux. Ca t’arrives aussi de noter des choses auxquelles tu penses pour les mettre dans un titre ensuite ? 

Non, pas encore. Franchement quand je suis en dehors du studio, je ne pense plus musique, je fais ma vie. Je m’autorise à décrocher et à dissocier ma vie privée. Quand je suis dehors, je vis et c’est comme ça que je nourris mes morceaux, que je peux raconter des choses dans ma musique.

Manteau Rabanne
Soutien-gorge et jupe Jean Paul Gaultier
Souliers Off-White

Tu fais partie des artistes qu’on attribue à la pop urbaine. C’est une catégorie musicale qui brasse beaucoup de sonorités différentes et dans laquelle on classe de nombreux artistes. Est-ce que c’est un terme qui te convient pour définir ta musique et si non, comment tu la définirais ? 

Il ne me va plus du tout. Et c’est là que je vois toute la différence entre la période de mon premier album et ce qui se passe maintenant. Avant, si tu m’avais posé la même question je t’aurais répondu “ah oui, pop urbaine, ok. Oui ça me va, je fais de la pop urbaine”, mais quand j’ai essayé de comprendre ce qu’est la pop urbaine…. C’est quoi en vérité ? On ne sait pas vraiment ce que c’est ! Par rapport à ça, je me suis aussi dit “est-ce que je suis obligé de classer ma musique dans une case ?” Une case dans laquelle je ne sais même pas ce que je fais, je ne sais même pas ce qu’elle représente. D’autant plus que j’ai beaucoup d’influences, j’écoute et je fais beaucoup de styles de musiques différents. Donc lequel je dois donner en premier quand on me demande ce que je fais ? Je pourrais répondre “du zouk”, mais non parce qu’en fait, sur mon album il y a autant de morceaux RnB que de zouk. Ou alors on va me dire “tu es une chanteuse d’afro” mais non parce qu’il y a aussi de la kizomba dans l’album. Donc ce truc de se forcer à se mettre dans une case, je suis plutôt contre. Moi, je dirais que je suis un cocktail d’influences musicales. 

C’est peut-être parce que les gens ne connaissent pas les musiques dont tu t’inspires. Et du coup, ils vont prendre un son kizomba ou afro pour du zouk

C’est vrai qu’en général les singles que je sors, c’est souvent à sonorité zouk. Donc on peut vite me mettre dans la case “ chanteuse de zouk”. Mais je ne veux pas. Et justement, je me dis que l’album sert à ça en fait, à montrer l’étendue de ma palette.

Pourquoi ce sont des morceaux de zouk que tu priorises pour les singles ? 

Parce que j’ose moins prendre de risque sur les singles, en toute honnêteté. Peut-être qu’à l’avenir je ne le ferai plus mais je me dis que le zouk, ça parle à tout le monde, c’est la musique actuelle…. Ce n’est pas perché, tu n’es pas obligé d’écouter le morceau trente fois pour capter la vibe, tu la captes tout de suite. C’est du zouk quoi ! Les gens sont habitués, c’est presque commun. C’est pour ça que je considère que je ne prends pas trop de risques sur le zouk. 

Total look Off-White

Il y a beaucoup de femmes qu’on range dans la catégorie “pop urbaine”. Parfois, il y a des ressemblances dans vos musiques, parfois non. Par exemple pour toi, il y a beaucoup de comparaisons avec Aya Nakamura… Comment tu gères ces comparaisons là et est-ce que ça t’affecte ? 

J’essaie de ne pas trop y prêter attention parce que les gens font vite des raccourcis. Tu es une femme noire, il y a une autre femme noire, on en avait pas vu beaucoup avant dans la musique donc les quelques-unes qui arrivent en ce moment, on va les comparer. Surtout que pour mon cas, ce sont des univers similaires. Même si ce n’est pas la même musique, il y a des références communes. Après, moi je fais ma musique, je fais ce que j’aime. De toute façon tu vas faire du rock, on va te comparer à un autre artiste qui fait de la soul juste parce que vous avez la même couleur de peau, même si ce que vous faites n’a rien à voir. 

Le fait d’incarner la femme noire qui réussit, tu le ressens ? Et si oui, est-ce que c’est une pression pour toi ? 

Oui parce que justement, on me le dit souvent en interview. J’ai limite l’impression que j’ai un poids sur les épaules parce qu’on me répète que je fais partie des seules alors que moi, comme j’ai conscience du nombre de femmes talentueuses qui n’ont pas d’exposition. Et il y en a beaucoup, je me demande pourquoi on ne les voit pas. 

Tu as le sentiment d’être une inspiration pour des jeunes femmes comme toi, qui peuvent se dire “Si Ronisia le fait je peux le faire” ? Tu considères que tu fais partie de celle qui ouvre la voie pour ces jeunes femmes ? 

C’est une responsabilité, hein ! Je ne dirais pas que j’ai ouvert la porte, mais je peux faire partie de celles qui inspirent, qui donnent envie d’y aller. 

Gilet et pantalon : Loewe
Ceinture et souliers : Maison Margiela

Tu as dit tout à l’heure que tu étais un cocktail d’influences musicales, je trouve ça très vrai. J’ai l’impression qu’en ayant compris ça, tu adaptes tes choix de beatmakers en fonction du style musical. Quand il y a des morceaux zouk, j’entends souvent Max et Seny par exemple. Est-ce que tu choisis les beatmakers en fonction des genres musicaux, tu sais déjà dans quels genres qui va pouvoir te faire la meilleure prod ? 

Oui, je sais que quand je vais voir Max et Seny, ils vont me faire une dinguerie niveau zouk, ou même afro ! Quand je vais voir un mec comme Nate, un compositeur que j’ai rencontré cette année sur la fin de ma tournée, je sais qu’il va me faire du RnB de dingue. Parce qu’en fait, je connais leurs influences musicales et je sais sur quelle sonorité ça peut matcher avec eux. Donc oui, j’ai un peu ciblé les compositeurs avec qui je voulais travailler sur chaque type de morceaux. Au total, il y a une petite dizaine de beatmakers je crois qui ont travaillé sur le projet. 

Toutes les influences musicales qu’il y a sur ton projet, ce sont des musiques que tu écoutais déjà petite ?

Oui c’est vrai pour toutes les musiques, le zouk notamment, ça tournait à fond. Mon père il est grave fan de zouk, il écoutait tout ! Le RnB aussi avec mon frère. Mais pour te dire la vérité, le RnB comme je le fais, c’est en grandissant que je l’ai découvert. C’est un R&B plus actuel, pas old school. 

C’est vrai que par exemple sur “Ne réponds pas” en fin d’album, c’est une vibe très Party Next Door ce qu’on entend…

Exactement ! C’est vraiment le type d’artistes que j’ai découvert en grandissant et ils m’ont beaucoup influencé dans ma musique. 

Il y a un seul rappeur sur l’album, c’est Niska, pourquoi l’avoir choisi ? 

Parce que Niska, c’est un artiste que j’écoute depuis des années, depuis que je suis au collège même comme beaucoup de gens de ma génération. A la base, je voulais qu’il pose dans la réédition de Ronisia mais ça n’a pas pu se faire. Ça a pris le temps que ça devait prendre mais je savais qu’on ferait un morceau. La connexion s’est faite assez rapidement au final : c’est un mec du 91, il me connaissait, il aimait bien ce que je faisais donc on est allé en studio assez naturellement. Et je kiffe en studio avec lui, il a une énergie de dingue ! Il apporte un vrai groove à un morceau, avec sa voix, ses ambiances, c’est assez fou ! J’avais besoin de ça sur le projet. 

Tu es capverdienne et on connait ton amour pour le pays. Sur le précédent projet il y avait déjà un morceau dont le refrain est en créole cap verdien. Sur celui-ci c’est carrément un morceau entier. Tu pourrais faire un projet uniquement en créole capverdien un jour ? Ça t’a peut-être déjà traversé l’esprit ? 

Non, parce que je me pensais déjà incapable de faire tout un morceau en créole cap-verdien. Il faut savoir que je suis allé le faire au Portugal ce morceau, parce que je voulais le faire avec les bonnes personnes, celles qui pouvaient vraiment m’apporter la vibe qu’il faut, le vocabulaire qu’il faut (le créole capverdien et le portugais se ressemblent, le cap vert étant une ancienne colonie portugaise). Parce que je parle le créole capverdien couramment mais il y a des choses que j’oublie, je peux faire des petites fautes, ils ont un argot particulier que moi je ne connais pas, en France… Du coup pour moi, fière d’être Capverdienne, c’était hyper important de trouver les bons mots avec les bonnes personnes. 

Il y a d’autres morceaux que tu es allé enregistrer ailleurs pour sortir de ta zone de confort, trouver la bonne inspiration ? 

Oui à Londres, le morceau avec Amaria BB. Il y avait une big vibe en studio, c’était lourd. 

Les Londoniens sont un peu au centre de l’attention, on les voit, on les entend partout. En studio c’est une vibe différente par rapport à la France ? 

J’ai travaillé avec une seule artiste là-bas, donc je ne peux pas généraliser mon ressenti. Mais il n’y avait pas de timidité, c’était super spontané. Au niveau des arrangements, tu sens qu’ils ont d’autres influences ne serait-ce que dans la façon dont ils jouent les instruments, ce qu’ils vont rajouter sur la prod, etc.

Il y a une influence qu’ils ont beaucoup, c’est la Jamaïque. Une influence que tu partages avec eux puisqu’il y a une référence à un grand chanteur de dancehall jamaïcain sur l’album : Vybz Kartel, sur le morceau “Vybz”. En France, ce n’est pas un artiste très reconnu au vu de son statut. Comment ce morceau s’est fait et pourquoi tu avais envie de faire ce clin d’œil à Vybz Kartel ? 

Au feeling, sans me poser de questions ! La dancehall, j’en écoute depuis jeune. Ce sont des morceaux qui passaient beaucoup dans mon entourage, donc c’est un son que je connais. Quand on a fait le morceau je suis allé en studio comme d’habitude, juste j’ai vraiment kiffé la prod et on est parti là-dessus. Et comme c’était de la dancehall on a choisi de l’appeler comme ça par rapport à Vybz Kartel. D’ailleurs, ça me surprend qu’il ne soit pas connu ici parce que c’est un chanteur que j’ai beaucoup écouté. 

A part Vybz Kartel, il y a d’autres chanteurs de dancehall que tu écoutes ? 

Il y en a plein ! Mais l’un de mes préférés c’est Popcaan. Et puis même s’il n’est pas Jamaïcain, j’aime beaucoup Admiral T aussi. 

Il y a deux feats sur le projet : Amaria BB dont on a déjà parlé et Lisandro Cuxi. Ils ne sont pas très connus en France, en tout cas, je ne les connaissais pas, contrairement aux feats qu’il y a eu sur Ronisia. J’imagine que ce sont des artistes que tu écoutes beaucoup s’ils sont sur l’album. Tu avais envie, en les choisissant, de leur donner une certaine visibilité ? 

Non, franchement je ne me suis pas dit que j’allais les mettre sur mon projet pour leur donner de la visibilité. Je ne m’estime pas assez big pour leur donner de la force. C’est juste que je kiffe leur univers et ce sont deux artistes que j’écoutais et que j’écoutes toujours énormément. Je me suis dit qu’il pouvait m’apporter une vibe dans l’album, une couleur que je cherchais, et ils l’ont très bien fait hein. 

J’ai l’impression que pour era 24, tu avais l’envie d’aller chercher plus de diversité musicale, de te challenger, d’aller plus loin dans ta proposition artistique.

Et de me faire plaisir, surtout. Parce que j’ai mis plein de morceaux qu’on ne va pas considérer comme des tubes mais ce sont des titres que je kiffe et des styles musicaux qui me parlent. Donc je me suis vraiment faite plaisir et c’est aussi pour ça que, quand tu me dis que tu ne connaissais ni Amaria BB ni Lisandro Cuxi, ça ne me dérange pas et ça ne me choque pas non plus. Mais je l’ai fait pour leur musicalité. Je me suis fait kiffé et voilà je vous offre ça.

Est-ce qu’un jour on peut s’attendre à ce que Ronisia nous parle d’autre chose que d’amour ? 

Oui, le dernier morceau de l’album, “Mon ami”, il ne parle pas d’amour mais d’un ami. En fait, je parle de musique, je parle du showbizz, je parle de “on sourit mais en vrai, on kiffe pas”. C’est un peu le morceau pour expliquer mon état d’esprit actuel. 

Ca raconte quelque chose que tu as vécu ? 

Oui c’est moi, c’est ce que je pense, c’est ce que je ressens et pour le coup c’est vraiment un titre autobiographique. C’est pour ça que j’ai mis la voix de ma mère dans le morceau.

La réalisation de ce morceau a été difficile ?

C’était hyper simple (rires) et très spontané ! A mon avis, c’est parce que c’est raconter ce que je vis, ce que je ressens actuellement donc ça a été facile : les mots sont venus tout seul. Jai juste raconté ce que j’avais en tête, je n’ai pas essayé de le formuler de tel ou tel façon ou de me poser trop de question. Je pense que c’est aussi pour ça que le couplet n’est pas très long. Je n’allais pas écrire un livre, je n’ai pas encore la carrière de Beyoncé, mais le peu que j’ai déjà vécu, ça tient sur un couplet alors j’ai tout lâché. 

Interview : Lucas Désirée
Photographie : Moïse Luzolo
Assistant lumière : Alexandre Mouchet
Direction artistique : Iris Gonzales
Stylisme : Iris Gonzales
Production : Alice Poireau-Metge et Nicolas Pruvost
Graphisme : Naël Gadacha
Maquillage : Camara Wande
Coiffure : Diarra Fanta
Set design : Ditte Benjaminsen et Nanna Greiersen

Remerciements : Sofia Sakal