Dimanche 10 janvier 1999. Sur la chaîne du câble HBO, l’Amérique fait la connaissance d’un nouveau protagoniste : Tony Soprano, charismatique mafieux du New Jersey, en pleine crise existentielle. Il est le personnage principal de la série Les Soprano. Œuvre majeure qui a révolutionné les codes des séries télévisées. Entre drame et comédie sur fond de gangstérisme, avec Les Soprano, HBO a installé des normes télévisuelles inédites. Pas d’interruption publicitaire. Aucune censure. Le sexe et la violence sont autorisés. Une nouvelle forme de narration est permise. C’est l’ouverture du champ des possibles.
Tony Soprano, incarné par le regretté James Gandolfini, crève l’écran. Il est l’anti-héros qui met ses qualités au service du mal, presque malgré lui. Tony marque un renouveau dans le développement des personnages principaux de séries. D’une complexité remarquable, intimidant tout en demeurant attachant, il sert d’inspiration à toute une vague d’anti-héros. Sans Tony Soprano, pas de Dexter, ni de Walter White. Il agit pour les intérêts de ses proches. D’un côté, sa femme Carmela et ses deux enfants Meadow et Anthony Jr. De l’autre, la Mafia DiMeo. Deux sphères familiales qui s’entremêlent. C’est ce qui fait toute l’universalité des Soprano.
La mafia démystifiée
La série s’inscrit dans un contexte social et politique en mouvement. Dans les années 1990 aux États-Unis, de nouveaux questionnements émergent. Ces années ont la particularité d’être marquées par une forte critique des rapports de domination et de l’hégémonie des hommes blancs, hétérosexuels, issus des classes moyennes et supérieures au sein de la société. Et c’est dans cette société en mutation qu’évoluent les personnages des Soprano.
Dans cet univers emblématique, les mafieux ne sont pas de gros durs infaillibles, mais des hommes en pleine crise d’identité, et, de fait, dépassés par ce qui les entoure.
La singularité de la série réside notamment dans sa démystification de l’archétype du “mafioso” souvent caricaturé dans les œuvres audiovisuels. Surtout, la déconstruction de la figure du “parrain” y est remarquable. David Chase expose la santé mentale dans un environnement dans lequel elle est taboue. Il fait de Tony un être vulnérable, victime de crises d’angoisses, contraint d’entreprendre une psychanalyse.
Le pouvoir de l’identification
Impossible de parler des Soprano sans souligner la qualité exceptionnelle du casting pour interpréter des personnages d’une grande ambivalence. La série a introduit une approche novatrice dans la représentation des membres de la mafia, de leurs proches et de leurs interactions sociales à l’écran. Malgré la criminalité imprégnant leur quotidien, ils sont confrontés à des dilemmes moraux et se montrent capables de manifester des qualités humaines, ce que l’on a pu observer par séquences avec Vito Corleone dans Le Parrain. Un constat bien loin des mises en scènes traditionnelles des bandits froids et impassibles.
Forte de son authenticité, la série continue encore aujourd’hui de séduire de nouveaux spectateurs, comme en témoigne l’engouement récent sur les réseaux sociaux autour du style de Tony Soprano. La popularité de “l’esthétique Soprano” réside dans son étonnante simplicité. Pas de costumes trois pièces ; le “capo” est loin d’être propre sur lui. Sa garde-robe composée principalement de polos et pantalons amples, de joggings, de chemisettes imprimées et son attitude nonchalante font écho à une jeunesse désabusée, parfois encline à romantiser le mal-être et la dépression à travers la meme culture.
Véritable phénomène culturel, et reconnue à la hauteur du chef-d’œuvre qu’elle est, la série capture une époque en 86 brillants épisodes. Et 25 ans après sa première diffusion, Les Soprano fait échos à des préoccupations encore d’actualité.
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