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Lesram : “Le seul truc que j’ai, c’est le rap”

Les cracheurs de feu, les rimeurs, les techniciens… Lesram fait partie de cette école. Celle du rap sport, des freestyles et des Open Mic, celle où les enchaînements de rimes font l’effet d’un crossover ou d’un passement de jambe, où la technique soulève les foules, où l’on écoute le MC débiter les sourcils froncés. 

Ce rap là, au parfum des années 2000, de Salif, de Nessbeal ou de Mister You, c’est celui qui a séduit Lesram dès le collège. À l’image d’un joueur de foot à l’entraînement, il a répété les gammes de ce rap et ses schémas de rimes, en équipe tous les jours. D’abord avec quelques camarades au Pré-Saint-Gervais, puis ensuite en intégrant LTF (Les Tontons Flingueurs) et surtout le Panama Bende. Plus discret qu’un PLK ou qu’un Aladin 135, le Gervaisien a pris son temps avant de s’engager dans une carrière solo après la fin de ces groupes. Mais ça en valait la peine. 

En 2020, il fait son retour avec un premier EP G-31 puis une mixtape qui porte le nom de son gimmick phare Wesh enfoiré en 2022. Deux projets dont le rap pointu porte en lui des années d’Open Mic et d’entraînement. Un rap si réaliste qu’il raconte le Pré-Saint-Gervais, le fief de Lesram, mieux qu’aucune caméra, qu’aucun appareil photo ne pourrait le faire. Un rap qui a tapé dans l’oreille des amateurs de belles rimes et des amoureux de freestyle. 

Fort de son succès d’estime, arrivé au sommet de sa technique, Lesram n’a plus besoin d’impressionner personne mais plutôt de casser le plafond de verre que ses schémas de rimes presque trop pointus lui ont imposé. C’est la proposition du premier album du rappeur, Du peu que j’ai eu du mieux que j’ai pu. Et s’il manie toujours la rime comme un virtuose sur ce projet, c’est maintenant un rap accessible, lisible, que le rappeur veut offrir pour que les streams du public lui offrent à lui, une chance de goûter non plus au succès d’estime mais au succès tout court.

Avant qu’on ne se rencontre, j’ai cherché d’anciennes interviews de toi. Je n’en ai pas trouvé ou alors très peu et elles étaient en groupe. Pourquoi tu choisis de t’exprimer maintenant et pourquoi pas avant ? 

Avant, je trouvais qu’il n’y avait pas assez de choses à dire. J’avais déjà eu quelques propositions d’interviews mais je trouvais que c’était trop tôt, trop précipité et je n’avais pas envie d’en faire 10 000 parce que je sais que ça peut être redondant. Et puis aujourd’hui, j’ai fait un EP, une mixtape et là on passe à l’album en solo. C’est une vision, un aboutissement, un bel évènement. Mon équipe et moi, on voulait l’accompagner de tout ce qui est possible, tout ce qui peut nous aider à booster ça. Je pense que c’est aussi le bon moment pour m’exprimer, ça marque le coup. 

Pour revenir un peu au début de ta carrière, la première fois que tu as commencé à rapper, c’était quand et c’était comment ? 

Au début, c’était comme tous mes potes. On écoutait du rap, Booba etc, ça passait à la télé. À l’époque, j’écoutais mais sans trop écouter. Quand tu es jeune, tu ne comprends pas tout mais tu t’ambiances. J’ai commencé à vraiment aimer le rap au début du collège avec des groupes comme la Sexion d’Assaut ou des artistes comme Mister You et j’ai aussi commencé à capter comment marche l’écriture. J’ai commencé à écrire des petits trucs dans ma chambre, dans mon coin mais sans trop le dire à personne. Je faisais ça jusqu’au jour où j’ai trouvé un ami qui faisait pareil. On a mis nos textes en commun et vers la fin de la 5ème on a fait un petit groupe à nous. On avait même sorti un morceau clippé ! 

Justement on a pu trouver les morceaux du groupe ! Il y avait déjà cet amour du rap des années 2000, même tout jeune. 

Oui, déjà à l’époque j’aimais grave ça. Moi c’est la Sexion, Mister You, des rappeurs comme ça qui m’ont donné envie de rapper ! Ensuite j’ai beaucoup diggé j’ai découvert plein d’autres rappeurs old school etc. Mais oui, j’aimais ce délire de freestyle en live, ça kick, ça écrit un nouveau texte… C’est mon truc. 

Tu commences avec eux, et puis ensuite tu fais deux autres groupes parisiens, LTF (Les tontons flingueurs) et surtout le Panama Bende. A quel moment tu quittes le Pré-Saint-Gervais pour aller voir ce qui se passait ailleurs ? 

En fait, c’est en entrant au lycée, je suis parti du Pré pour aller dans un établissement à Stalingrad (Paris). Il y avait plein de gens du 19e arrondissement, du 20e arrondissement. C’est là que j’ai d’abord rencontré les mecs de LTF. On a commencé à faire des open mic partout dans Paris. A l’époque tous les mecs qui rappaient un peu faisaient des open mic, on se connaissait tous, on avait tous un lien. C’est en allant rapper là-bas que j’ai aussi rencontré le Panama Bende. 

C’est ce que j’ai déjà entendu dans des interviews des membres de L’Entourage que tu connais pas mal et qui ont eu, j’ai l’impression, une influence sur vous. 

Oui, c’était une génération un peu au-dessus de nous donc on se croisait quand même un peu moins. Mais les mecs de Panama et ceux de L’Entourage viennent plus ou moins des mêmes endroits de Paris donc ils se connaissaient bien et ça a été assez formateur pour eux. C’est grâce à Panama que je connais les gars de L’Entourage et tout le monde le sait pour nous, c’est la famille, ce sont des mecs qui nous ont influencés et on ne s’en cache pas. 

La culture de l’open mic, ça correspond à ce côté très freestyle qu’il y a dans ton rap. Est-ce que les open mic ont fait naître ou ont renforcé cet amour du freestyle ? 

Oui, je l’avais déjà mais ça a poussé mon amour pour cette forme de rap là. Et puis il y a autre chose, c’est qu’à l’époque on n’avait pas d’argent donc pour aller en studio, c’était compliqué. Maintenant j’y vais quand je veux mais avant ce n’était pas comme ça ! C’était plus simple de montrer nos textes dans la rue comme ça en direct, quitte à le filmer et à le poster comme ça. Et puis ce que j’aimais avec les open mic, c’est que c’était de la bonne compétition. Tous les soirs je rentrais, il fallait que j’ai un nouveau texte pour le montrer à mes potes le lendemain. C’était ce délire. 

J’ai l’impression, quand je parle avec des rappeurs qui, comme toi, sont beaucoup dans la technique, il y a ce rapport très compétitif, presque comme du sport entre vous. 

C’est ça ! Tu as envie d’être le meilleur et que les gens voient que tu es bon. Et puis tous ces groupes là, je t’avoue qu’on avait tous plus ou moins la même vision du rap un peu technique. Je pense que ça nous a tous rendu forts. Le fait que tu découvres une technique de rimes chez lui, un délire de placement chez lui… En fait ça t’instruit, ça te montre que tu ne connais pas tout, que tu peux apprendre des autres et en même temps, tu as quand même envie d’être le meilleur. Donc vraiment, je pense qu’on s’est tous boosté vers le haut. On a appris énormément de chacun. 

C’est ce qui t’as fait aimer les groupes ? 

Je pense qu’il y avait aussi un truc où c’est plus facile, tu te sens moins observé dans un groupe. Moi, depuis petit j’ai toujours été un peu discret, un peu introverti. Je ne suis pas un mec qui se montre beaucoup. Par rapport à ça, c’est rassurant un groupe. Tu as ton équipe avec toi, tu sais que tous les yeux ne sont pas braqués sur toi. Et puis même en termes de rap c’est plus facile aussi. Écrire un 16, une intro, un autre 16 pour faire un morceau entier, c’est beaucoup plus difficile que de balancer 12 mesures au milieu de tous tes potes. C’était plus simple et à l’époque il y avait beaucoup plus de groupes, c’était plus logique. Maintenant les petits, ils ont envie de péter en solo directement. Et c’est tout à leur honneur ! Mais les mentalités ont un peu changé, je trouve qu’à l’époque on était plus solidaires. 

Ce truc de solidarité, on le retrouve encore une fois pas mal dans les années 90 avec les groupes et même dans les années 2000 où les rappeurs défendaient leur fief et leur quartier. C’est ce qui t’a attiré dans ces esthétiques de rap là ? 

Oui j’aimais beaucoup cet esprit. C’est sérieux, on ne se la raconte pas trop, on parle de nos vies sans exagérer. Après il n’est pas mort du tout, ce rap. Aujourd’hui, le rap est toujours représentatif des quartiers, ça dépend juste de qui on choisit d’écouter parce que maintenant, il y a du rap pour tout le monde. C’est hyper diversifié et je ne te mens pas, j’aime aussi beaucoup le rap d’aujourd’hui avec très peu de mots, pas forcément de message concis mais ça rappe bien, il y a une ambiance. Je trouve que des fois tu peux dire des trucs de fou avec très peu de mots et j’aime bien ce délire là aussi. 

Je trouve que c’est un peu la marque des rappeurs qui ont dépassé le rap technique pour la technique. Arriver à créer une image avec 2 ou 3 mots c’est aussi fort qu’une multi-syllabique. 

C’est exactement ça ! Un exemple : juste avant l’interview on parlait de 13 Block. Dans le groupe, un mec comme Zefor il est trop fort pour dire trois mots et sortir une bête de phase. Je sais que ce n’est pas forcément le préféré de tous dans le groupe, mais vraiment je le trouve impressionnant. Il dit des choses puissantes en très peu de mots. Ça rend le rap digeste, accessible mais ça reste technique d’une certaine façon. 

C’est quelque chose vers lequel tu essaies d’aller quand tu écris aujourd’hui, un rap plus digeste ? 

Oui. Je sais que je suis très catalogué rappeur technique. Ce n’est pas dérangeant du tout, ça me fait grave plaisir mais je sais que ça peut m’arriver de parfois forcer sur la rime. Avant, je pouvais en perdre du sens même si je me suis toujours cassé la tête pour véhiculer quelque chose dans mes textes. Aujourd’hui, je trouve plus intéressant d’arriver à faire un rap lisible, compréhensible et si ça doit casser une rime, tant pis.

Depuis quand tu as pris conscience de ça ? 

En écoutant ce que j’aime, ce qui me parle, en discutant aussi avec d’autres gens, même d’autres rappeurs. Par exemple, un mec comme Limsa d’Aulnay a cette vision là du rap. On se rejoint beaucoup dessus. Parce que lui aussi était beaucoup dans ce truc technique et je sais qu’il essaie aujourd’hui de se faire comprendre et il y arrive super bien. 

Le processus d’écriture pour toi, ça se passe comment ? 

Je n’ai pas vraiment de processus particulier. Ça m’arrive de tout gratter en studio mais c’est vrai qu’en général, ça retombe souvent sur un fonctionnement où je fais mes affaires, je marche dans la rue, je vais avoir une phrase qui me vient en tête ou lire un panneau, je vais avoir une idée et je vais la noter. Et puis quand je vais aller au studio ou trouver des prods, j’aurai déjà des démarrages, des enchaînements de rimes qui vont me permettre de trouver la suite d’un texte et de construire un morceau. Les phrases de potes, ça m’arrive souvent aussi. Je vais discuter avec eux, ils vont dire une expression qui va me marquer et je vais la ressortir dans un texte. 

On parlait tout à l’heure de ton créneau de rap assez précis, ce côté assez années 2000, freestyle. Est-ce que ça t’as déjà traversé l’esprit de changer ça ? 

Plein de fois, j’ai essayé plein de trucs. Moi je m’enregistre tout seul, j’ai le micro à la maison donc forcément je teste tout le temps. Par exemple, la drill j’aime beaucoup mais ce qui m’a dérangé pour en faire moi, c’est que tout le monde a pris cette vague là. Si j’avais été dans le début de la vague, ça ne m’aurait pas trop gêné mais je ne voulais pas prendre le truc parce que c’est une mode, être le suiveur qui voit un mouvement qui marche et qui s’y met. J’écoute beaucoup de drill mais je n’ai pas envie de faire quelque chose que je n’avais pas vu venir. 

Le studio dans ta chambre, ça fait longtemps ? 

Depuis G-31

Donc ça correspond aussi au début de ta carrière solo ? 

Oui, j’ai vu que tout le monde allait devoir rester chez soi pendant le confinement, j’ai acheté tout ce qu’il me fallait : matos, micro etc… Et je me suis fait mon petit EP. Après ça ne veut pas dire que la totalité de mes projets sont fait chez moi. Par exemple, quand je veux ramener des gens, des feats dans de bonnes conditions, je préfère louer un studio. Il y a des refrains autotunés que je ne vais pas très bien maîtriser chez moi, ça aussi je préfère poser en studio. En fait souvent je teste, j’enregistre chez moi et si besoin ensuite je repose au studio. C’est vraiment chez moi que ça commence le plus souvent. 

Le fait d’avoir le studio chez toi, comment ça a contribué à améliorer ta musique ? 

Il y a beaucoup plus de spontanéité et puis maintenant je sais que je peux bosser quand je veux. À une certaine époque, je voulais aller en studio un soir et j’étais obligé d’en appeler 3 et souvent, il n’y avait pas de place. Ça me frustrait beaucoup de devoir attendre le lendemain, le surlendemain voire après pour rapper. Parce que c’est la passion pour moi et je n’ai que le rap. Poser quand je veux, ça change tout et je pense que ça rend ma musique meilleure. Et puis, je me tape des délires parfois j’enregistre des potes à moi, même ceux qui ne rappent pas ! J’ai fait un son l’autre jour avec 35 gars du quartier, que des mecs qui ne rappent pas. Et c’est des putains de souvenir au final, le morceau je vais le réécouter dans 10 ans, je serai mort de rire. 

Je voulais parler de ton retour en 2020, avec cet EP justement G-31. Cette année-là est super importante pour toi, tu sors cet EP, après on t’entends sur la Don Dada mixtape, je crois même qu’en 2021 tu te retrouves dans les 11 rappeurs à suivre de Booska P… C’est allé très vite. Qu’est ce qui t’a poussé à te remettre dans cette mécanique là, alors que finalement ça faisait longtemps qu’on ne t’avait pas vu ? 

Après Panama, il y a eu une assez longue pause de 2 ans et demi ou 3 ans. Je me suis vu prendre de l’âge. Le temps passait, mes potes commençaient à construire une vie, à devenir des adultes. A cette période, c’était la débrouille hein ! J’étais beaucoup dehors à faire des conneries, faire mon argent. C’était ça. J’ai eu pas mal de problèmes et à un moment je me suis dit “Ce n’est pas ça ma vie, je n’ai pas envie de faire ça. Le temps passe il faut que je me lance.” Moi je n’ai pas de diplôme, je n’ai pas de travail… Le seul truc que j’ai, c’est le rap. Donc vas-y, j’y vais à fond. Et il y a Nono, chez qui on est aujourd’hui, qui est mon producteur, mon manager, mon frère, c’est le mec qui m’aide à tout faire. Il m’a beaucoup poussé. Le fait d’avoir un ami comme ça qui s’est lié au projet et qui y croyait dur comme fer, ça m’a poussé dans mes idées et ça m’a convaincu. On est deux, donc tu t’impliques aussi pour l’autre. Il fallait foncer et c’est ce que j’ai fait. 

Il y a eu un vrai succès d’estime directement après le premier projet. Comment tu l’as vécu ? Tu t’y attendais ? 

Non honnêtement. À l’époque avec le Panama Bende, je voyais déjà qu’il y avait un peu de succès. Ca parlait un peu de nous et justement, j’avais plutôt peur d’avoir attendu trop longtemps, je me demandais s’ il y avait encore de l’engouement et si les gens m’avaient oublié. Et quand j’ai sorti le truc ça n’a pas pété mais il y a eu un succès d’estime et j’étais déjà super content. Les gens aimaient bien dire que je suis “le secret le mieux gardé du rap” ou des trucs comme ça, ce qui est hyper flatteur donc ça m’a motivé à pousser le truc et à continuer. 

Aujourd’hui tu as envie de dépasser ce succès d’estime ? D’aller plus haut ? 

Oui fort, j’aimerais beaucoup, c’est même l’objectif. Je sais que je suis capable de faire plein de choses et j’aimerais le montrer, que les gens assimilent que je ne suis pas juste un technicien. Après, je suis conscient qu’à trop vouloir t’écarter de ta musique tu peux te perdre aussi donc j’essaye de ne pas changer du tout au tout, de faire ça petit à petit. C’est une sorte d’équilibre.

J’ai l’impression que ça se sent dans l’album, encore plus qu’auparavant, dans le choix des prods, les gimmicks, des voix plus autotunées et même dans l’écriture dont on a parlé… Il y a cette volonté d’être plus accessible. 

Carrément. C’est voulu. On y a beaucoup réfléchi. Déjà je ne voulais pas faire le même projet que Wesh Enfoiré. Je voulais aussi ajouter plus de chaleur, ouvrir un peu le projet et essayer d’élargir le public. Je sais que ça passe par des choses comme ça. 

Ça a été difficile pour toi, un mec de freestyle, comme processus ? 

Surtout au niveau des refrains. Il y a des fois où j’ai dû me creuser la tête, reprendre, essayer des choses mais toujours sans me forcer ou faire quelque chose que je n’aime pas. Par exemple, sur “En mode”, il n’y a pas de refrain parce que je n’en ai pas trouvé qui me correspondait. J’en ai essayé deux, c’était pas mal mais je ne sentais pas le truc, ça faisait vraiment refrain pour en faire un, donc on l’a mis comme ça et j’en suis super content. Quand ça colle, on n’hésite pas mais si on ne le sent pas tant pis, il ne faut pas forcer le truc. 

Il y a un morceau qui m’a surpris dans l’album et qui va dans cette optique d’ouverture je trouve, c’est celui avec Josman. Parce que c’est quelqu’un qui a réussi à allier le kickage en étant accessible. Comment s’est faite la connexion, pourquoi tu l’a choisi ?  

On se croisait un peu déjà à l’époque dans des open mic sans vraiment se connaitre mais je savais qu’il avait cette vision du rap un peu similaire à la mienne. On a démarré avec les mêmes codes. Je l’écoutais plus jeune, il est arrivé avec des multi syllabiques et des choses dans son rap qui me parlaient. Je le trouve super chaud, il a grave su ouvrir son public, rendre sa musique accessible et même au niveau des mélodies, il maîtrise ça super bien. Donc niveau codes, ça me faisait kiffer de le ramener et sur le morceau ça amène une pièce, une couleur qui manquait sur mon album. En plus de ça, il a respecté. Il a envoyé un refrain de fou. 

Il y a une phase qui m’a marqué c’est : “Si je ne fais pas de streams je floppe, je retourne chercher un petit plug”. C’est ton premier album et j’ai déjà l’impression que c’est celui de la dernière chance ? 

Oui, on ne va pas se mentir. Je le vois comme ça parce que jusqu’à maintenant, tout a été bien reçu mais c’était des cartes de visite et ça reste du succès d’estime, mais pas du mainstream à fond. Là, c’est un peu une bascule pour moi. Soit je reste un peu dans mon truc de niche. Et j’aime bien ! Je ne serais pas vraiment déçu que ça reste une niche mais ce serait cool que ça prenne vraiment. Parce qu’aujourd’hui je ne peux pas pleinement vivre du rap. 

Ton album reste très mélancolique et axé sur la vie au Pré-Saint-Gervais, c’est même une constante de ton rap en général. “30 ans passés t’as jamais quitté la ville, t’es un vrai mais en vrai t’as niqué ta vie.” Tu considères que tu ne peux pas réussir en restant au Pré-Saint-Gervais ? 

Il faut partir frère. Après j’aurais toujours un pied ici. C’est ma maison, j’ai tous mes proches, mes amis… Toute ma vie je serai lié au Pré-Saint-Gervais. Mais oui, je ne me vois pas finir ici, le monde est trop grand pour ne pas bouger, moi j’ai envie de voir plein de choses. On dit que l’eau qui reste sur place moisit et que celle qui circule reste propre. Là c’est la même chose. Moi je ne veux pas moisir au même endroit, il faut bouger. 

J’ai l’impression que ta ville pour toi, c’est à la foi cette maison, un endroit chaleureux et puis en même temps c’est aussi une sorte de malédiction. Tu ressens cette ambivalence là ? 

C’est une ville de maudits ici, je t’avoue. On a tous du talent mais il ne se passe rien, il y a beaucoup de problèmes de gens qui ne s’entendent pas entre eux, il y a beaucoup de conflits… J’ai trop d’amour pour cette ville mais au final on en fait rien et on la salit, la ville. On pourrait faire mieux mais c’est notre ville et on l’aimera toujours. 

Est-ce qu’aujourd’hui tu es satisfait de ta carrière et si tu ne l’es pas encore est ce que tu penses qu’un jour tu le seras ? 

Ce serait mentir de dire que je ne suis pas satisfait quand même parce qu’à la base, arriver là où j’en suis, ça me semblait impossible. Donc je suis content mais je vois qu’il y a plein de choses à faire. Le chemin est encore très long. je pourrais m’arrêter demain mais je n’en ai pas du tout envie. Je n’ai pas vraiment d’objectif précis. Je pense que ramener une certification à la famille, ça ferait kiffer mais même ça, ce n’est pas vraiment un but ultime. Je ne sais pas…. En vrai, quand je serai satisfait je vous appellerai et on refera une interview. 

Photographie : Felix Devaux
Assistant photo : Alexandre Mouchet
Direction artistique : Noémi Bonzi
Stylisme : Luca Delombre
Production : Nicolas Pruvost
Journaliste : Lucas Desirée