Lpee, extension artistique

L003 2K24 aux pieds, Lpee pose avec assurance devant l’objectif acéré du photographe, il prend la pause, occupant l’espace autour de lui. L’artiste parisien se fond dans une palette de couleurs glaciales tandis que le thermomètre extérieur affiche des températures négatives. Ironie face à la personnalité chaleureuse qui caractérise Lpee.

Après deux heures passées sous les flashs, la séance photo se conclue. Place à la suite, au temps de la réflexion, dans la grandeur d’un appartement haussmannien. L’exercice de l’interview, Lpee le connaît parfaitement. Depuis dix ans déjà, des journalistes l’interrogent, lui et sa musique. Retour sur le chemin parcouru par cet artiste polyvalent.

Faire ses armes en groupe

Son histoire commence à Paris, où Lpee, naît en 1996. “J’ai grandi à Paris, et cette ville-là m’inspire beaucoup. Elle me fait me questionner, aussi”. Précisément, c’est le 20ème arrondissement qui façonne l’artiste. Il se passionne pour différentes formes d’art, surtout, pour la danse et la musique. C’est dans un environnement multiculturel qu’il explore toute l’étendue de sa créativité. Lpee est tout juste majeur quand il se prend au jeu de la scène avec ses neuf acolytes du groupe LTF (Les Tontons Flingueurs). Ensemble, ils partagent, se comparent, apprennent, grandissent. “Pour moi, LTF, c’était une école de formation, clairement. C’est le groupe avec lequel j’ai évolué, avec qui j’ai commencé à sortir des morceaux sur Internet. On a réussi à accomplir de nouvelles choses ensemble. D’abord à une échelle parisienne, et puis, après, à une échelle nationale”.

Les débuts, désormais une décennie derrière, sont le point de départ de tout. Il se rappelle des Open Mic instructifs, mais à l’organisation “un peu bancale”. Les premiers pas dans la musique lui évoquent une nostalgie entremêlée à la fierté des accomplissements collectifs et individuels. “C’est de très jolis souvenirs. Donc c’est vrai que maintenant, évoluer en solo c’est différent. Des fois on se rappelle de l’époque”. Une époque marquante pour le rap français, en plein second âge d’or. Lpee trouve alors son public, témoin de sa progression.

La confirmation solo

Vient évidemment le moment où le jeune artiste prend son envol. Dès 2018, il enchaîne les projets solo. Son premier EP, Monochrome sort le 27 avril de cette même année. Puis la suite Monochrome 2.1, le 21 mai 2021, qui, comme un tableau de Pierre Soulages, peintre qu’il admire, témoigne du désir de Lpee de trouver la lumière dans l’obscurité. L’artiste continue de faire ses gammes, jusqu’à sa participation à l’émission “Nouvelle École”, diffusée sur Netflix en 2023 qui le fait connaitre au plus grand nombre. L’émission marque inévitablement un tournant dans sa carrière. Lpee se hisse jusqu’en demi-finale, aussi à l’aise à l’audition qu’en freestyle tout au long de la compétition. Son audience s’élargit alors, mêlant les anciens fidèles aux nouveaux auditeurs, dont il peut compter sur la curiosité. “Il y a plein de gens qui m’ont découvert via l’émission et qui sont retournés écouter des plus vieux projets, des anciens albums”.

Le grand public découvre son talent versatile. Principalement inspiré par les flows d’artistes anglais, par toutes les possibilités que permet la langue française, et pouvant poser sur tout type d’instrumental, Lpee rejette l’absurdité des étiquettes, bien trop étouffantes pour celui qui est en quête infinie de liberté artistique. “C’est assez rare de retrouver une seule esthétique sur un album. Les rappeurs qui viennent du boom rap, ou de la Jersey, très rapidement s’essaient à d’autres trucs, tout est mélangé. On a beaucoup tendance à vouloir catégoriser mais je trouve ça un peu ridicule”.

L’EP Intermède, sorti mi-2023, se révèle être une pièce maîtresse. Un projet qui annonce une nouvelle ère musicale, comme une respiration profonde avant l’acte suivant. Il se confie sur les coulisses de ses prochains morceaux, un prochain EP : “J’ai quand même envie de proposer quelque chose d’assez consistant, et surtout de revenir avec un univers bien marqué. Je vais travailler avec le compositeur Prinzly, que je trouve hyper talentueux. Et le but c’est d’essayer de travailler cette nouvelle couleur, cette nouvelle pâte musicale ensemble. J’ai déjà des idées bien précises de ce que j’ai envie d’amener. Reste plus qu’à mettre tout ça en pratique”. Les défis post Nouvelle École se révèlent comme une métamorphose, où l’artiste, submergé par la lumière soudaine des projecteurs, doit composer avec sa nouvelle notoriété. Il a rempli la Boule Noire à Paris, chez lui, l’élément central de son monde artistique. La scène, c’est ce qu’il attend le plus, pour rétablir la connexion avec le public.

La mode, un nouveau défi

Puisque la mode et la musique se nourrissent aujourd’hui mutuellement, le style fait naturellement partie intégrante de l’esthétique de Lpee. Comme une performance, une toile sur laquelle le rappeur peint une nouvelle forme d’expression artistique. De la danse de sa jeunesse, aux vibrations sur scène, tout cela fusionne avec son intérêt pour les vêtements. Le touche-à-tout étudie ce milieu, en autodidacte, pendant des années, il s’essaie même brièvement au stylisme. “J’ai compris que c’était un métier à part entière (rires). On m’a fait la proposition parce que les gens voyaient bien que j’aimais les vêtements. J’avais habillé des rappeurs pour des clips, et travaillé avec des marques d’accessoires, aussi. Ça a duré 6 mois. J’ai tenté le coup, je me suis dit que ce serait dommage de pas tenter l’expérience”.

L’évolution c’est aussi le parcours tracé avec Lacoste. Le passage de client à celui de collaborateur avec la marque. La première pièce Lacoste à l’adolescence, c’est symbolique pour Lpee. “Déjà à l’époque, c’était un investissement, et j’avais pas d’argent donc quand t’achetais la pièce t’étais content, tu la gardais dans un coin, tu faisais attention quand tu la repassais. Lacoste c’est une marque qui est autour de nous depuis qu’on est tout petit, portée par nos grands frères, nos oncles, nos parents… ça allait du polo chic à l’ensemble de survet’”. L’artiste exprime cette complicité naturelle avec la marque, notamment lorsqu’il évoque la paire L003 2K24, dont le coloris blanc, précisément, a su immédiatement captiver son attention. “Ce qui me plait le plus dans cette paire, c’est son identité marquée”.

2024 sera une année charnière pour Lpee, l’année des aspirations, de nouvelles concrétisations pour l’artiste en constante évolution. “On peut me souhaiter que la construction du projet se passe bien, (parce qu’on a tendance à s’arracher les cheveux en studio), plein de concerts, et que je sois toujours aussi épanoui dans ce que je fais. Normalement il n’y a pas trop de doutes. Surtout, qu’on s’échange beaucoup d’amour en concert quand on se voit, et à travers la musique. C’est le plus important”. Lpee continue d’écrire son histoire.