Zamdane : “J’ai toujours été dépendant de mes efforts”

On n’échappe pas aux épreuves de la vie. Et si elles ne sont pas toujours faciles à surmonter, elles peuvent se révéler parfois être un moteur, un propulseur vers de nouveaux horizons à explorer. “Même un soleil triste peut illuminer le monde”. C’est avec ces mots que Zamdane a présenté son nouveau projet à son public, SOLSAD, sorti le 23 février. Une formule qui fait office de rappel ; dans les moments les plus sombres subsiste une lueur d’espoir.

Sur les prods mélancoliques et entrainantes de DANCE, Othmanemh, Skary, Lucky, JY Prod, Gancho, Eazy Dew, ou encore les notes de piano de Sofiane Pamart, Zamdane a mis des mots sur ses souffrances, dans une période marquée par la convalescence de son accident de la route qui a servi d’électrochoc. SOLSAD, ce n’est pas que le deuxième album d’un rappeur déjà bien confirmé, c’est aussi le récit brut et sincère d’un artiste qui vacille parfois, mais ne flanche jamais sous le poids des difficultés, bien conscient de la valeur inestimable de chaque instant vécu, même dans l’obscurité.

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Dans quel état d’esprit tu étais pendant la création de SOLSAD ?

La création de SOLSAD, au début, c’était un peu compliqué, en vrai. J’avais du mal à imaginer que ce projet verrait le jour. J’était dans un état compliqué. Je n’avais pas toutes mes capacités physiques. J’étais souvent shooté aux médicaments. C’était compliqué d’aller au studio dans cet état. SOLSAD, à la base je voulais le travailler comme une mixtape, et pas comme un deuxième album. Mais, tout ce qui s’est enchainé dans ma vie personnelle, je me suis dit qu’il fallait que ce soit un album. SOLSAD, je l’ai travaillé dans un état d’esprit plus serein, malgré mon état physique. 

Quelle ont été les différences avec l’album précédent, “Couleur de ma peine”, dans le processus créatif de ce projet ?

Quand tu fais de la musique, on va dire que chaque détail a son importance. Moi, je pose souvent debout pour l’énergie. Du coup, là, j’ai fait pas mal de morceaux où j’étais obligé d’être assis. Quasi la moitié de l’album. Pour le morceau Millions, j’étais sous opium quand je l’ai fait (rires). Donc, ouais, c’était différent.

SOLSAD est sorti le 23 février. Ton album précédent était aussi sorti à cette période de l’année. Il comprenait notamment le morceau “Incomplet comme février”. Tu as un rapport particulier au mois de février.

Je crois que c’est mon destin février ! Parce que c’est vrai que le premier, on l’a sorti en février dans l’urgence, sans calculer le timing.  Et là, en calculant le timing, on le sort en février. Pile deux ans après en plus, incroyable !

J’aimerais qu’on parle de la cover de SOLSAD. C’est une illustration de Dexter Maurer, qui a récemment réalisé pas mal de covers marquantes. Comment vous avez travaillé sur ce visuel ?

C’est Antoine Laurent qui m’a proposé Dexter. Moi, à la base, je voulais faire une photo. Je pensais à un shooting où j’enlacerais le soleil, et le soleil me brûlerait. Tu vois ? Aux endroits où il y a contact. Ou bien, on prend une photo du soleil et le soleil a mes yeux. Parce que la dernière prise de parole, c’était “Bientôt, je vous regarde dans les yeux”. Mais Antoine m’a dit que c’était des idées éclatées au sol. Et quand on me dit que c’est éclaté, j’accepte. Donc, il m’a proposé Dexter. On a fait plusieurs essais. Et on est repartis sur l’idée de créer un “personnage soleil”. Donc Dexter l’a dessiné. Et à la base, l’idée, c’était qu’il éclaire tout ce qui est derrière lui, mais qu’il brûle tout ce qui est devant lui. C’est une illustration de ce qu’est un artiste. Il fait du mal à tout ce qui est près de lui et il éclaire tout ce qui est loin de lui.

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Dans SOLSAD, on retrouve Thug Dance dans pas mal de tracks. Vous formez presque un binôme aujourd’hui. Tu peux me parler de votre relation ?

DANCE, C’est mon frère ! Déjà, c’est un très très bon ami. A la base, quand on a commencé à faire de la musique ensemble avec Dance, on avait une ambition qui est totalement différente de ce qu’on fait aujourd’hui. On voulait créer un mouvement à Marseille où on proposait autre chose que ce que les gens avaient l’habitude d’entendre dans la ville. On voulait représenter une scène qui n’avait pas forcément la parole. On a commencé à faire beaucoup de trap et de drill, mais avec les mêmes codes que les gens qui font ça depuis longtemps. Et au fur et à mesure des sessions, des sons, et de l’évolution de chacun dans sa vie personnelle et tout, on s’est retrouvés à faire de la musique différente de ce qu’on voulait faire de base, parce que tous les deux, on était convaincus que c’était ça qui nous correspondait le mieux. Si je collabore autant avec Thug Dance, c’est parce qu’il est trop fort. Il me comprend trop bien. Parfois, je suis posé et je me dis “je sais pas ce que je veux mais je veux un truc qui me transcende”, et il me fait écouter trois loops et les trois elles me transcende. Et c’est là que je me dis qu’il est vraiment fort. Il me connaît par cœur. C’est automatique entre nous. En ce moment, j’essaie de m’en détacher, surtout pour la suite. Mais à chaque fois que je me retrouve en studio avec lui, ça repart.

Tu as aussi collaboré avec Pomme, sur “Le grand cirque”. Un son très doux, très imagé. Comment s’est faite la connexion avec cette artiste ?

J’adore les animaux. Ça part de là. Un jour, je suis tombé sur son clip “à perte de vue” où elle chante sur un beluga. Elle a fait un son pour les baleines. Et les revenus de ce son vont au sauvetage des baleines. Ce son, il est incroyable. Tu chantes des chansons sur les baleines, toi ? (rires). Moi non plus ! Mais celui-là je le connais par coeur ! La démarche m’a traumatisé. Après, je suis allé voir tout ce qu’elle faisait et j’ai été choqué. Surtout par sa reprise de l’OST du “Voyage de chihiro”. J’ai pété les plombs. Je n’avais jamais fait de morceau avec une fille, donc je me suis dit que c’était le moment d’en inviter une. Et à ce moment-là, la personne que j’admirais c’était Pomme.

Comment ça s’est passé au studio avec elle ?

Elle est arrivée avec un instrument bizarre, que je n’avais jamais vu ! Vraiment, je pense que personne ne connait. C’est son instrument à elle, elle essaie de lui trouver un nom, et tout. Je lui ai donné des pistes mais c’était nul. Elle est partie en cabine. Elle a posé en un coup, puis une deuxième fois. Et elle est partie. Et nous, on a utilisé sa voix comme un sample. On a ajouté une rythmique trap, et on a accéléré le BPM. Avec Thug, on a construit à partir de sa base.

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Quelles artistes féminines tu écoutes en ce moment ?

J’écoute Mademoiselle Lou. J’aime beaucoup j’écoute Zaho, c’est incroyable. Jäde, j’aime bien ce qu’elle fait. Et à Marseille, il y a Asinine, c’est une crack, j’aime trop ce qu’elle fait aussi !

Il y aussi un morceau en featuring avec Kekra.

C’était le match retour !

Comment ça s’est fait ce deuxième son avec lui ?

Il faut savoir que Kekra et moi, on est très proches dans la vie de tous les jours. Donc c’était normal. C’était naturel. Le premier son, on l’a fait pour son album Stratos, et le deuxième on l’a fait début mai, juste avant que je parte en Espagne et qu’il m’arrive ce qui m’est arrivé. On travaille tous les deux avec les mêmes personnes au Maroc. On a les mêmes équipes. C’est normal pour moi de faire de la musique avec Kekra. C’est l’un des seuls artistes avec qui je pourrais faire un projet commun en une semaine. 

Vous en avez déjà parlé ?

Je suis sûr et certain que si un jour il y en a un des deux qui se réveille et qui dit “Viens on le fait”, bah on le fait.

Les projets communs se multiplient entre rappeurs français en ce moment.

Ouais, j’aime bien ce format ! C’est pas quelque chose que j’ai envie de faire en ce moment, mais ça me parle. 

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Tu as des exemples de projets communs que tu as écouté et que tu as aimé dernièrement ?

J’ai écouté Zola et Koba, j’ai bien aimé. Isha et Limsa, aussi. Mais, j’ai pas trop écouté de musique récemment. En tout cas, ces projets je les ai trouvé très bien, dans la façon dont ça a été amené. Gazo et Tiako aussi. C’est incroyable. 

Pour ce projet-là particulièrement, qu’est-ce qui t‘as inspiré ? 

Il a été fait à plusieurs moments. A des étapes différentes de ma vie. Du coup, à chaque fois, des choses différentes m’inspiraient. Il y a des morceaux qui datent d’une certaine période. D’autres qui ont été pensés par rapport à ce qu’il manquait dans l’album. D’autres qu’on a mis pour les transitions. Ca a vraiment été construit comme un ensemble. Je pense que c’est surtout le deuxième album d’un artiste qui a un peu pris en maturité depuis son premier album. En tout cas, quand je m’entends sur ce projet-là, c’est comme ça que je le ressens.

Il y a un featuring avec TIF qui a été annoncé. Vous l’avez dévoilé en exclusivité lors de son concert à l’Elysée Montmartre. Est-ce que tu as le sentiment que vous vous ressemblez ?

C’est sûr qu’on a la même histoire. Même si il est algérien et moi marocain. Musicalement, on est dans deux démarches différentes. Mais je trouve aussi qu’on est complémentaires. Même dans la vie de tous les jours, on est complémentaires. On est deux opposés, mais on est pareil dans le fond. Le feat avec TIF, il arrive, j’ai hâte qu’il sorte.

Et la collaboration avec Josman ?

J’admire le parcours de ce gars. Je le trouve super fort dans ce qu’il fait. Plus le temps passe, plus il est grand, dans les yeux des gens, dans la musique et les visuels qu’il propose. Il commence réellement à avoir la reconnaissance qu’il mérite. J’adore ce qu’il fait et je lui ai envoyé un message un jour. Je lui ai dit “Je pense que toi et moi, on peut faire un joli morceau narratif”. Il m’a direct dit oui. C’est Sofiane Pamart au rode, et Eazy Dew à la rythmique. Ca s’est fait très naturellement. On s’est donné un thème sur la banquise et le froid. Il s’est vraiment adapté à mon couplet et à mon refrain.  Il est trop fort, c’est là que tu vois qu’il a une grande expérience. J’ai été impressionné par sa méthodologie de travail.

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Tu es particulièrement engagé, notamment auprès de l’association SOS Méditerranée. Pourquoi ça te tient à coeur ?

Dès que j’ai commencé à avoir un peu de lumière, j’ai ressenti un obligation de m’engager pour quelqu’un d’autre de moi. Sinon, tu deviens fou en tant qu’artiste. Tout tourne autour de toi, la vie de tes proches aussi, tourne autour du projet. Avec Momo, on vient tous les deux de loin, et on voulait faire quelque chose pour les gens à notre échelle. On voulait faire du caritatif. Et je voulais faire un truc pour SOS Méditerranée. C’est trop bien parce que ça fait du bien à tout le monde. Ça fait nous fait du bien, en tant qu’équipe, de faire quelque chose qui dépasse nos intérêts et notre égoïsme, on va dire. Tu vois ? Et ça fait du bien à des gens qui sont loin de nous, ça fait du bien au monde. Et, après l’accident, j’ai appelé Antoine, tu vois. Je lui ai dit “Tu sais quoi ? Vas-y, on va le faire !”. Et merci à tous les artistes qui ont répondu présent. Il y en a aucun qui a chipoté. C’est incroyable. C’est incroyable. Rassembler autant de jeunes autour de cette cause, c’est incroyable. À l’heure d’aujourd’hui, c’est le plus beau moment de ma carrière et du travail qu’on a fourni, qu’on fournit ensemble avec l’équipe. Ouais, un sentiment de fierté immense.

En parlant de fierté, quand tu regardes ton parcours, si tu avais le Zamdane d’il y a sept ans devant toi, qu’est-ce que tu lui dirais ?

Je lui dirais qu’il ne faut pas avoir honte de soi-même, prendre un maximum de plaisir et ne pas oublier que c’est le voyage le plus important, pas le résultat. Passer plus de temps avec les siens, aussi. Parce que la musique c’est qu’un fichier MP3 à la fin.

C’est des conseils que tu n’avais pas appliqué dès le début ?

Au début non. Il fallait que j’aille faire mes preuves. Il fallait que j’aille chercher l’argent. Il fallait s’en sortir. Chez nous, t’es un homme quand t’es capable. Si t’es pas capable, t’es un fardeau. Surtout quand tu vis le ghorba (déracinement), quand tu vas en France, et tout. Moi, j’ai jamais été dépendant de qui que ce soit. J’ai toujours été dépendant de mes efforts. Il y a eu des moments où j’ai mis de côté les gens qui sont proches de moi, ma famille. Mais je me construisais aussi en tant qu’adulte.

Interview : Leïla Ghedaifi
Photographie : Tony Raveloarison
Direction artistque : Antoine Mougenot
Assistant photographie : Moïse Luzolo
Coordination artistique : Iris Gonzales
Retouche : Joshua Peronneau
Production : Alice Poireau-Metge & Nicolas Pruvost
Stylisme : Luca Delombre
Makeup : @mathilde.makeupartist
Coiffeur : @jeremyg_hairstylist