Les amours meurtris ne sont jamais aussi douloureux que la nuit. Seul dans votre lit, lorsque les lumières s’éteignent et les masques tombent, les blessures encore trop vives laissées par les ex ressurgissent et les rêves de crushs inavouables enflamment les songes. C’est dans ces nuits de réflexions torturées que Sonny Rave et son R&B nous emmènent.
Depuis le début de sa carrière, Sonny raconte ainsi les tourments de sa vie amoureuse sur des prods aux allures trap&B ou trapsoul sur lesquelles un PartyNextDoor ou un The Weeknd, deux de ses principales influences, auraient pu étaler leur talent et leur toxicité. Après quelques morceaux ainsi qu’un mini-EP, c’est en 2023 que Sonny nous embarque pour la première fois dans son EMOTIONAL ROLLER COASTER sur un EP entier.
Pour son deuxième projet, plus long, plus personnel, c’est loin dans les tréfonds de son propre cœur que le chanteur est allé chercher l’inspiration, sous l’emprise d’une muse inaccessible. Comme la page la plus intime de ses notes, AU CŒUR DU MIEN raconte ainsi tout ce qu’on rêve de déclarer à un amour perdu sans le pouvoir.
Assumée dans le fond comme dans la forme entre toplines suaves et références à Aaliyah, la proposition de R&B pur de Sonny Rave arrive au moment où cette musique tente son ultime comeback sur une scène française qui n’a jusqu’ici jamais voulu d’elle.
Dans ce que tu dégages, ta communication, ta D.A, tu as l’air assez mystérieux. D’ailleurs, je crois que c’est ta première interview alors que tu as déjà sorti plusieurs projets. Pourquoi ce mystère ?
Je suis naturellement comme ça, je ne joue pas forcément de rôle. Avec les gens que je côtoie souvent et mes proches évidemment, je suis plus ouvert. Mais j’ai toujours été un peu mystérieux et c’est quelque chose que j’aime chez moi.
Tu as commencé la musique quand et comment ?
La musique, ça a toujours été présent dans ma vie parce que j’ai une famille de musiciens. Ma mère était chanteuse et mon père faisait de la basse. Mon frère est aussi multi-instrumentiste. Donc il y avait vraiment plein de choses qui tournaient à la maison et il n’y a pas forcément d’âge où j’ai commencé la musique. Je me souviens juste de la première fois que j’ai touché un instrument, je devais avoir 5 ou 6 ans. Mon père et mon frère m’ont appris à faire de la batterie, ensuite, ils m’ont inscrit dans une école de musique pour apprendre le clavier et de là, j’ai commencé à faire des prods sur FL Studio. À côté de ça, je chantais déjà avec mon frère et ma mère. On a eu la chance d’avoir un don avec la voix de ma mère. On chantait sans faire de compositions, on faisait surtout des reprises avec mon frère, on chantait pour des mariages, ce genre de choses. Au bout d’un moment, j’ai voulu composer pour moi et chanter. Je devais avoir 16 ans. La transition entre la composition uniquement et l’interprétation, ç’a été très court. J’ai vite compris que j’avais une passion pour le chant et l’écriture.
J’imagine qu’on écoutait plein de choses chez toi, quand tu étais plus jeune ?
C’était super varié ! Mes deux parents viennent de Madagascar donc il y avait beaucoup de variété malgache. Après ça a été du Luther Vandross, du Whitney Houston pour ma mère avec beaucoup de ABBA aussi. Du côté de mon père, il y avait du George Benson ou du Al Jarreau. On avait déjà un gros bagage avec mon frère. C’est lui qui m’a éduqué niveau R&B avec des artistes comme Boyz II Men, Mariah Carey, Usher et puis il y a eu ce côté rap aussi avec 50 Cent, l’époque de G-Unit, The Game, Nelly, Jermaine Dupri…. Tout ça, toutes ces influences mélangées m’ont permis de développer mon propre son.
Comment tu le définis aujourd’hui ton son ?
Je me vois comme un chanteur, c’est vraiment ce que je suis. Je chante, je fais de la mélodie et je pense que mon processus de création correspond à celui d’un chanteur plus qu’à celui d’un rappeur. Là où tu peux voir ce côté rap, c’est surtout chez les compositeurs avec lesquels je travaille. C’est volontaire parce que je veux amener les gens dans un univers qui parle à tout le monde comme le rap le fait, sauf que je veux le faire en ayant ma personnalité R&B. Pour illustrer ça, je prends souvent l’exemple de Don Toliver qui a cette partie hyper R&B comme il peut être en pétard ! Il gère cet équilibre super bien. C’est ce que je veux aussi faire.
Tu t’es déjà posé la question de rapper ?
Oui. J’ai essayé, il y a des tentatives, des maquettes dans mes disques dur. Mais chaque chose en son temps, je suis dans mon era R&B pour le moment. C’est vraiment ce que j’aime faire et puis rapper c’est un grand mot. Si je le fais, ce sera un rap très mélo, un peu comme peut le faire un Future.
Comme il y en a qui le font un peu ici et qu’on range dans une case de rappeur. Je pense à un Hamza par exemple qui oscille parfois entre rap et R&B.
Exactement. Hamza, il fait vraiment ça à la perfection, il arrive à aller sur tous les créneaux sans forcer et en même temps, il a sa propre sauce.
J’ai l’impression que c’est un peu par ce genre d’artiste là, Hamza, Tayc… Des artistes qui ne sont pas vraiment brandés R&B mais qui en font dans leurs albums et ça marche. À ton avis pourquoi le R&B vendu en tant que tel ne marche pas encore en France ?
Je pense que c’est le fait de parler ouvertement d’amour et de sexe qui dérange ici. Il y a toujours eu une forme de tabou autour de ça en France. Du coup, ça a été dur pour certains artistes d’en parler. Et puis il y a la proposition aussi, peut-être que dans le paysage musical au niveau des producteurs et de l’industrie, c’est un genre qui a été un peu délaissé. On n’y a pas vraiment cru alors qu’au final, tout le monde écoute du R&B, tout le monde a une playlist R&B. Il faut juste redonner vie à ce genre. Et puis il y a aussi la langue. Parce que la langue française se veut très classe. On veut que ce soit soutenu etc, ça ne va pas toujours avec le propos tabou du R&B.
Dans ton processus d’écriture, le fait d’avoir l’anglais ça te permet d’aller plus loin dans l’émotion et de t’affranchir de ce côté tabou qu’on a en France ?
Exactement. En fait le truc, c’est que j’ai même commencé par écrire en anglais. J’ai tout enlevé parce que je voulais repartir de zéro mais j’ai commencé par l’anglais. Et au moment où j’ai rencontré mon D.A Thomas, on s’est dit qu’il fallait faire du français. Ç’a été un vrai challenge pour moi. Mes premières maquettes en français, c’était incompréhensible : que ce soit au niveau des mots ou de la diction, je n’étais pas à l’aise. Avec le temps, je me suis vraiment rendu compte que le français est riche et que ça me donnait accès à des mots uniques. Et puis, là où je trouve que c’est un avantage de topline en anglais et ensuite de réécrire avec le Français, c’est que j’ai cette plage ou je rebosse mon texte, avec les deux langues pour arriver à retranscrire précisément les émotions que je veux exprimer.
Même si le R&B n’a jamais percé en tant que tel, j’ai l’impression qu’il y a une nouvelle scène qui se forme de jeunes chanteurs qui se revendiquent R&B ou même qui se rebrandent R&B comme Wejdene récemment. Tu penses que le R&B français est prêt à casser son plafond de verre ?
En fait, c’est un peu un pari à mon avis. Le R&B, il y en a deux types. Il y a le R&B passion et le R&B commercial “mainstream”. Je pense que c’est dur de faire semblant de faire du R&B parce que c’est un truc que tu sens. Le fait que des personnes plus exposées, plus mainstream, se mettent à faire cette musique, c’est profitable aux autres, ceux qui sont dans la passion du R&B mais qui n’ont pas d’exposition. Parce qu’il y a des musiciens et des chanteurs R&B qui sont trop forts mais qu’on ne connait pas parce qu’ils n’ont pas la D.A, les visuels qui vont bien ou parce qu’on ne leur donne pas les outils pour monter. On ne leur donne pas de lumière. Et le fait de mettre en avant le R&B, ça contribue à ce que ces gens qui font cette musique par passion, et je me classe dans ces chanteurs-là, puisse faire leur propre son sans travestir ou brider leur proposition en essayant de se rendre plus accessible. C’est pour ça qu’un artiste comme Monsieur Nov fait beaucoup de bien au R&B : parce qu’il n’a jamais dévié de sa ligne de conduite, il a toujours fait du R&B. Quand d’autres noms identifiés assumeront le R&B et se revendiqueront de cette musique, on pourra peut-être voir une vraie scène s’installer en France.
Avec tes compositeurs, comment tu fonctionnes en studio ? Comment ça se passe une session avec Sonny Rave ?
Déjà, on arrive et on chill, on parle un peu de tout. Avec mes gars, c’est vraiment de l’humain avant tout : s’il n’y a pas l’humain qui se crée, ça ne fonctionne pas. Je parle surtout des gens avec qui je n’ai jamais travaillé quand j’arrive en session. Il y a ce processus de mettre à l’aise, de discuter et surtout d’écouter du son. C’est super important de savoir ce que la personne aime, ses influences, ses inspirations. À partir de là, on va chercher des synthés, on commence à composer… Mais en règle générale, on part toujours de zéro. C’est super rare, ce n’est limite jamais arrivé qu’il y ait une prod déjà pré-établie quand j’arrive en studio et qu’on parte là-dessus directement.
Une fois qu’on a la prod après avoir composé, je topline en cabine directement en anglais, en yaourt et ensuite j’écris. Sinon, si c’est une prod que j’estime plus tranchante, plus sincère pour laquelle je n’ai pas besoin d’être dans la vibe, mais plutôt de parler en facts, je vais écrire directement et je vais poser après pour la mélodie. Autre chose : je trouve ça super important de prendre du recul après qu’on ait fini une maquette, de l’écouter à tête reposée. Parce que lorsque tu passes des heures dans un studio avec le même son, tu n’es plus lucide à la fin. Si avec ce recul, tu reprends la même tarte qu’à la sortie de la session studio, c’est que le son est bon.
C’est un fonctionnement que tu as fait évoluer par rapport au début de ta carrière ?
Ce qui a évolué, c’est peut-être l’efficacité et la façon de travailler, mettre la priorité sur des choses utiles, notamment en ce qui concerne les conditions de travail. C’est-à-dire que le premier projet, EMOTIONAL ROLLER COASTER, on l’a beaucoup travaillé en appartement quand j’habitais à Lyon. Pour Au cœur du mien, ça a beaucoup été fait en studio et je trouve qu’il y a une dynamique de travail qui n’est vraiment pas la même. Tu es conditionné à taffer alors que bon quand tu es chez toi, tu as FIFA qui est à côté… (rires). Cet esprit de se mettre au travail, ça a changé. Et ce qui a changé aussi, c’est que les gars et moi, on upgrade tous ensemble. On apprend à se connaître de plus en plus, on sait comment on fonctionne les uns et les autres et on s’écoute. Personne ne se bride que ce soit les compositeurs avec lesquels je bosse, mon D.A, les réalisateurs qui font mes clips qui sont aussi de vrais créatifs pour moi… C’est super important que chacun puisse s’exprimer. Qu’on se bride, c’est un peu ma hantise.
Il y a un morceau que j’aime beaucoup sur AU CŒUR DU MIEN c’est “R&B PLUTO FREESTYLE”… Une référence évidente à Future ?
Bien sûr !
Au vu du personnage qu’est Future, ce caractère de toxic boy qu’il a développé et ses baby mamas multiples… Est-ce qu’il n’aurait pas pu être chanteur de R&B ?
Mais clairement. Pour moi, je te le dis avec un peu d’humour, mais c’est un chanteur de R&B. Ça reste le plus gros trappeur, il est intestable mais quand il commence à se frotter à des trucs R&B… il est fort. Rien que dernièrement sur son projet collaboratif, dès qu’il se met à chanter un peu ou sur “WAIT FOR U” son feat avec Tems et Drake, on sent à quel point il maîtrise ce terrain-là un peu plus plus R&B. C’est fou. Il a aussi cette façon de délivrer avec une facilité impressionnante, un peu à l’image de Party finalement. Typiquement l’un des morceaux qui m’a le plus fait kiffer en termes de R&B, c’est “Loveeeeee song” sur lequel il est en feat avec Rihanna. Ils arrivent à se compléter d’une manière unique. C’est normal de lui faire ce clin d’œil parce que c’est une très grosse référence pour moi.
Plus que Future, avec ta musique j’ai l’impression d’entendre quelqu’un qui a beaucoup écouté des artistes R&B de Toronto comme The Weeknd et surtout PartyNextDoor. Cette scène, elle a une importance particulière pour toi ?
Oui, The Weeknd c’est une grosse référence pour moi, mais pas depuis le tout début. C’est vraiment au moment de Starboy que je me prends une tarte, en 2016 donc assez tard finalement. Après, je n’ai jamais quitté le train. Des albums comme Afterhours… Ça, c’est un putain de chef-d’œuvre. Et puis même au niveau de la D.A visuelle, The Weeknd c’est quelqu’un qui nous a beaucoup inspiré bien sûr, mon équipe et moi.
Mais mon vrai GOAT, c’est PartyNextDoor. Au niveau de la musicalité, tu as l’impression qu’il est toujours à 20%. C’est ce qu’il laisse paraître, mais il est tellement minutieux et en même temps, il a cette capacité à lâcher des sons en mode “je balance ça comme ça”, c’est facile. Tu sais qu’il est trop fort, qu’il sait réellement chanter, mais dans les ¾ de ses morceaux, il vibe. C’est sur quelques mesures, quelques lines qu’il va te montrer à quel point il chante bien et tu vas prendre ta claque. C’est pour ça que ce gars-là me transcende.
Justement cette façon de viber, c’est un truc qui revient beaucoup chez toi aussi depuis les premiers morceaux. Parfois, on a du mal à comprendre tout ce que tu chantes, mais j’ai presque l’impression que dans ces moments, c’est volontaire.
Oui, je veux vraiment faire comprendre mes émotions, les dégager à travers mes mélos et la façon de délivrer, la forme que prend le son. L’émotion prend une autre dimension. PartyNextDoor par exemple, sur certains morceaux dans son dernier projet si tu écoutes bien, ça arrive qu’il fasse deux fois le même couplet dans un titre, mais en changeant ses flows, ses intonations et tu vas te le reprendre une deuxième fois de manière différente alors qu’il a dit la même chose.
Cette façon de jouer sur la vibe, tu la cultives depuis le début de ta carrière. Mais je trouve que sur Au cœur du mien, plus qu’avant, il y a cet équilibre avec des moments où tu as voulu mettre ta voix en avant. Tu voulais qu’on t’entende un peu plus ?
C’est aussi une espèce d’évolution. Sur EMOTIONAL ROLLER COASTER, c’était plus expérimental au niveau de la manière d’aborder les morceaux, il y avait un peu moins de place pour ma voix, c’était comme un élément de la composition avec beaucoup de vibe justement. Là pour le coup, je voulais vraiment passer en mode lead voix avec la prod qui m’accompagne et ne pas être sans arrêts dans cette fusion avec l’instrumental. C’est un équilibre aussi parce que qu’il y a également des morceaux très prod, très vibe qui laissent la place au travail de composition. Et c’est important aussi quand tu bosses avec des génies comme Sectra, Kosei, Taemintekken, Hofmann….
Tu viens de le citer, il y a un compositeur qui est crédité sur presque toutes tes prods, que ce soit sur “AU CŒUR DU MIEN” ou même avant. C’est Sectra. Comment s’est faite la connexion avec lui et pourquoi vous avez un lien particulier ?
Sectra, c’est mon Metro ! C’est fusionnel. On s’est rencontré via mon D.A. Et il s’avérait qu’on habitait à Lyon tous les deux, à 2 petits kilomètres l’un de l’autre. Quand on s’en est rendu compte, on a tout de suite voulu bosser ensemble en mode “ah mais tu es à côté en fait ? Mais passe à l’appart, viens, on fait du son !” Et la première fois qu’on s’est vu, c’était fluide directement. Maintenant, c’est devenu un vrai ami. Notre relation va loin au-delà de la musique et c’est encore mieux, c’est rare les connexions comme ça, c’est une chance.
Et puis il est trop fort ! On l’associe au milieu rap, mais c’est un R&B lover de fou ! Plus que le rap ou le R&B, c’est un passionné de musique en général. Dernièrement avec lui par exemple, on a écouté beaucoup de pop, même indie. On a cette passion commune pour la musique et on s’ouvre à plein de choses et plein de genres musicaux.
Tu composes depuis longtemps, mais tu n’as jamais été aussi impliqué que sur ce dernier album. Tu es crédité au mix et sur toutes les prods. Tu n’as pas peur de trop t’éparpiller en t’impliquant autant ?
Justement le fait d’être trop dedans ça ne me dérange pas, au contraire. Je préfère ce cas de figure plutôt que d’être frustré et de finalement sortir un projet en me disant que j’aurais préféré que tel titre soit comme ci ou comme ça, parce que je n’ai pas eu la main sur certains aspects de la création du morceau. J’ai la chance d’avoir le vocabulaire pour parler avec des ingénieurs du son ou des beatmakers, contrairement à d’autres artistes qui peuvent peut-être avoir des difficultés à comprendre ou expliquer leurs idées clairement. Du coup, je me suis grave impliqué parce que j’aime trop la production et la réalisation.
Réaliser des albums à l’avenir, c’est quelque chose que tu aimerais faire ?
J’aimerais trop. Je suis beaucoup inspiré du modèle américain, les producers, les ghostwriters… Il y a des gens qui sont impliqués dans beaucoup de métiers de la musique. Un PartyNextDoor ou un Ne-Yo, ils ont écrit pour pleins de gens par exemple.
Et moi, c’est vraiment vers ce rôle de réal que je veux tendre, être capable de m’impliquer dans toute la création et pas seulement l’interprétation. Sur “Au cœur du mien” déjà, l’interlude de Kay [The Prodigy], il y a déjà un peu de réalisation. C’est-à-dire qu’on était en séminaire et Kay, Sectra et Taemintekken étaient en train de faire ce morceau au moment où j’entre dans le studio. Je me suis dit “non mais attend, c’est quoi cette dinguerie-là ?” (rires). Et tout de suite, j’ai capté qu’il fallait que les gens entendent Kay chanter. Ça libère une facette d’elle incroyable. Elle a vraiment le sens des mélodies, ça se sent, c’est facile pour elle. C’est une chance et un kiffe d’avoir cette facette d’elle sur ce projet.
J’étais surpris de la voir dans ce registre de chant et surtout surpris qu’elle ait un morceau pour elle seule. Ça m’a rappelé certains interludes, celle de Kendrick Lamar sur Take Care par exemple. À la base, tu avais prévu de poser sur le titre aussi ou tu savais dès que tu as entendu la maquette que ça prendrait cette forme-là ?
À la base, je voulais poser dessus. Finalement, je n’ai posé que des ambiances. Je voulais juste soutenir la dinguerie qu’elle venait de faire, pousser le truc au max. C’était volontaire de lui laisser cet espace-là, un peu sur le modèle américain encore une fois, les Skepta interlude, Jorja interlude… Il y a plein d’exemples et je trouve ça super parce que c’est un peu comme un tribute à un artiste. C’est montrer son affection à la qualité artistique de l’autre et pour moi, c’est vraiment un plaisir de faire ça.
L’interlude s’inscrit aussi dans la même énergie nocturne, très vibe du projet et en même temps, il répond au propos développé sur toute la mixtape, celui d’un cœur brisé. On a l’impression d’y entendre la femme dont tu parles tout le projet te répondre.
Pour le coup, c’est une vraie coïncidence, on n’a rien coécrit ou quoi, tout est venu d’elle. En entendant le morceau, je me suis dit “mais attends, tu écris ce qu’il y a dans ma tête là” (rires). Ça ne pouvait pas mieux coller.
En écrivant les morceaux de la mixtape, c’est toujours la même femme que tu as eu en tête ?
Oui, ce projet, c’est une ode à une femme.
Tu parles exclusivement de femmes depuis le début de ta carrière. À quel moment tu as commencé à écrire sur elles et pourquoi tu en as fait le cœur de ta musique ?
Par mes inspirations et mes relations. On parle souvent de nos histoires vécues et des fois, on peut aussi créer des histoires. J’ai commencé à écrire sur les femmes très tôt, c’était quand j’ai eu ma première copine. À l’époque, c’était vraiment des sons d’amour, donc il n’y avait pas le côté torturé qu’il y a maintenant. Ensuite, je me suis mis à écouter beaucoup de morceaux de cœur brisé et ça a commencé à me toucher. Et puis surtout en parallèle, je me suis séparé de cette première copine après une longue relation. Depuis, même si je n’écris plus forcément à propos de ce premier amour, j’écris ce que je ressens. Donc, on est sortis du domaine de la love story et souvent, je raconte ce que je vis avec mon lot d’amours impossibles.
On dit parfois qu’il faut écrire ce qu’on ressent quand on se sépare de quelqu’un. La musique a cet effet-là pour toi ? Comme un journal intime ou tu peux écrire à la personne tout ce que tu ne peux pas lui dire dans la vie réelle ?
Fort. C’est exactement ça. Ça me permet d’extérioriser mes émotions. Et je vais même plus loin, c’est encore plus réel quand tu composes aussi, quand tu fais tout de A à Z. Tu es là, tu te sens mal, tu te sens seul, tu fais une prod, tu poses dessus… Et ça libère vraiment, c’est limite thérapeutique. Je me sens mieux après.
Le dernier morceau pour lequel ça t’es arrivé ce processus de journal intime, c’était quand ?
C’était pour AU CŒUR DU MIEN, l’intro du projet. Pour la petite histoire, on a pris six mois pour boucler la mixtape et l’intro, on l’a enregistrée en dernier. On avait déjà fini la phase de création, d’enregistrement des morceaux etc… et à ce moment-là, on était déjà dans une phase de mix des titres. Un jour, je suis posé avec Sectra et je reçois un message. Un message qui m’a fait très, très mal, un vrai coup au cœur. J’ai compris tout de suite qu’il fallait que je fasse du son et on s’y est mis le jour même avec Sectra. C’était organique la création de ce morceau, en 2 ou 3 jours tout était bouclé. On avait déjà une autre intro, mais c’était tellement chaud qu’on a viré l’ancienne (rires).
Ce sont un peu ces réflexions qu’on a à propos d’un amour perdu seul à 3h du matin ce que tu racontes. Des réflexions assez intimes finalement. Je trouve que ton son a vraiment cette énergie un peu nocturne. C’est la nuit que tu composes tes morceaux ?
Tout se passe la nuit, on dort peu. Parce que la nuit, c’est là qu’on se découvre vraiment. Je crois que c’est Travis Scott qui le disait : “le jour tout le monde joue un rôle, mais la nuit tout est vrai.”
Tu finis ton projet sur un morceau qui s’appelle “Véritable love”, j’ai l’impression que l’idée du morceau, c’est d’aller chercher ce “love” là. C’est quoi du coup pour toi le véritable love ?
Ce sont deux personnes qui sont bien dans leur tête, bien avec eux-même et qui ont une connexion unique. Une connexion d’énergie. Si tu es en accord avec toi-même, que tu as envie de faire du bien à la personne qui est en face de toi et que c’est réciproque, c’est que tu l’as trouvé ce véritable love.
Interview : Lucas Désirée
Photographe : Tony Raveloarison
Direction artistique : Naël Gadacha
Coordination artistique : Iris Gonzales
Production : Nicolas Pruvost & Alice Poireau–Metge