Le 15 juin dernier, la maison Givenchy publiait sur son compte Instagram une note vocale signée Matthew M. Williams. Le designer américain y annonçait prendre la direction artistique de la maison française, succédant ainsi à Clare Waight Keller. Fort logiquement, cette nouvelle n’a pas tardé d’enflammer le monde de la mode. Le créateur de la marque indépendante 1017 ALYX 9SM réalise ici le rêve d’une vie et ajoute la haute-couture à un CV déjà bien rempli. D’abord connu pour son travail avec des stars comme Kanye West ou Lady Gaga, c’est aujourd’hui en solitaire que Matthew M. Williams continue son ascension. Retour sur le parcours de cet autodidacte, qui promet à Givenchy une direction artistique à la hauteur de ses expériences.
Né en 1985, Williams grandit en Californie et développe très tôt son goût pour la mode. Vers l’âge de 17 ans, le jeune homme découvre le métier de créateur et décide d’arrêter ses études pour tenter sa chance à New York. Il décroche ses premiers jobs au sein de différentes enseignes de retail et amorce ainsi son apprentissage de designer. Comme pour beaucoup de success story, ce premier pas dans l’industrie de la mode sera suivi d’un coup du destin que le jeune Williams saura transformer en carrière internationale.
Il a 20 ans quand le styliste de Kanye West le remarque et lui propose une collaboration des plus inattendues. La première d’une longue série entre le créateur et Ye, qui deviendra par la suite son mentor et ami. En parallèle, Lady Gaga va également faire appel à lui, convaincu par le travail que le designer a déjà abattu aux côtés du rappeur. Il prendra la direction artistique de Haus of Gaga, un collectif d’artistes choisis par la reine de la pop pour créer une sorte de Factory d’Andy Warhol moderne. Il fera ses classes dans le milieu très technique, et probablement très formateur, de la création de costumes de scène. À ce stade, le jeune californien possède déjà quelques belles réussites à son actif. Parmi elles, la veste du live de Kanye West en featuring avec les Daft Punk aux Grammy Awards 2008 et bien sur sa collaboration simultanée avec Yeezy et la Mother Monster en devenir.
Après avoir été nommé Directeur Artistique de Studio Donda, une agence de création fondée par Yeezy et avoir arrêté de travailler régulièrement pour Lady Gaga, d’autres projets se profilent pour Williams à la fin des années 2010. Toujours à l’affut de nouvelles opportunités, il trouve en la personne de Nick Knight de quoi se sustenter. Le couturier des stars s’envole alors pour Londres et rejoint le photographe anglais, connu notamment pour son travail avec Yohji Yamamoto et récemment auteur du clip de Jesus is King. Une parenthèse qui permettra à Matthew M. Williams d’apprendre à créer des images esthétiques et à manier tout ce qui les composent. Le nouvel atout du groupe LVMH n’a peut-être pas fait d’école de mode, mais il a su s’entourer des meilleurs pour apprendre les rouages de celle-ci.
Avant de se lancer dans son projet solo, le designer de 25 ans fonde le collectif Been Thrill, en collaboration avec Virgil Abloh et Heron Preston en 2010. Deux designers que l’on ne présente plus, aujourd’hui également à la tête de grandes maisons de luxe. Nul doute que la création de ce label artistique, notamment soutenu par A$AP Rocky et Kanye West, a accéléré l’ascension de ces trois créateurs stars, qui finiront par prendre des chemins différents après le déclin de la popularité de Been Thrill en 2014.
Matthew Williams, alors âgé de 30 ans, fonde sa propre marque ALYX en 2015, un clin d’œil au nom de sa fille ainée. On y découvre le talent brut d’un créateur dormant, qui a jusqu’ici toujours travaillé pour le compte d’un tiers. Le natif de la côte ouest s’épanouit enfin, près de 10 ans après avoir débuté sa carrière dans la mode. Il crée d’abord pour les femmes, avant de se lancer dans l’homme en 2017. Le chemin le plus simple pour aboutir sur une marque mixte selon le designer. Ses collections prennent des allures streetwear-luxe et proposent des pièces devenues cultes, comme la boucle Rollercoaster tout droit sortie de l’univers des parcs d’attractions californiens ou encore son fameux sac tactique aux inspirations militaires, notamment adopté par Travis Scott. ALYX connait donc un succès fulgurant et laisse présager un avenir brillant pour son créateur.
L’année suivante, Williams continuent son ascension et accède à la finale du concours LVMH. Un coup de projecteur mérité, qui finira d’asseoir sa légitimité sur le devant de la scène mode. Les collections ALYX plaisent, tandis qu’il enchaîne les collaborations avec des enseignes comme Nike ou Moncler. Des victoires que Matthew M. Williams remportent grâce à son talent de designer, mais aussi grâce à sa manière d’appréhender la mode qu’il veut raisonnable et utile. Il fait en effet partie de cette nouvelle vague de designers qui ne se concentrent pas uniquement sur l’esthétisme de leur travail. Il explique d’ailleurs lui-même sa volonté de créer des pièces qui apportent quelque chose, qui ne soient pas juste des vêtements de plus dans un paysage déjà saturé par la sur-consommation. Matthew M. Williams, c’est aussi le souhait de créer pour tous et pas seulement pour une partie de la population, une précision qu’il apporte dans le message enregistré pour annoncer son arrivée chez Givenchy. Des mots qui résonnent particulièrement fort dans le contexte actuel.
Le maitre du “luxe subverti par les contre-cultures” ouvre donc aujourd’hui un nouveau chapitre, celui de la haute-couture à la française. Une aventure aussi intéressante et formatrice pour lui que pour Givenchy, au cours de laquelle vont se confronter deux visions de la mode, l’une sexagénaire, l’autre âgée d’à peine 15 ans. Cette collaboration pressentie depuis le mois d’avril, a été confirmée par LVMH ce lundi. Le conglomérat d’enseignes luxe réforme ses maisons de modes depuis quelques années déjà, avec des designers toujours plus innovants et populaires, à l’image d’Hedi Slimane chez Celine ou de Virgil Abloh chez Louis Vuitton. Un parti-pris adopté une fois de plus cette année, avec la nomination de Williams chez Givenchy. Cependant, les fans de la marque peuvent être rassurés, le designer californien qui rêvait depuis toujours de diriger les collections d’une maison de haute-couture affiche un profond respect quant à l’histoire de la marque.
Bien qu’étant foncièrement avant-gardiste, Matthew M. Williams semble vouloir respecter l’héritage de l’enfant terrible de la couture, Hubert de Givenchy, tout en y ajoutant les valeurs et la modernité qui lui sont propres. Rendez-vous en octobre pour découvrir ses premières collections à la tête de la direction artistique de la mythique maison française.
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