Originaire du Canada, Emily Oberg a su devenir au fil du temps à la fois une influenceuse et une créatrice reconnue. Après s’être faite remarquée par Complex et avoir travaillé avec Kith Women, l’ambitieuse jeune femme de 24 ans se consacre désormais à sa propre marque, Sporty&Rich tout en collaborant régulièrement avec Tidal. Via son influence et ses différents projets professionnels, Emily Oberg est désormais une personnalité très importante de la culture urbaine. Elle a accepté de répondre à nos questions, à la fois sur son parcours, ses expériences et sa vision de la culture actuelle.
Tu as travaillé avec Complex, Kith Women et maintenant tu travailles avec Tidal en plus de te concentrer à ta propre marque… Peux-tu nous expliquer comment ta carrière a commencé ? Quels cursus scolaire as-tu suivi et quels jobs as-tu eu pour en arriver là ?
J’ai été dans une école de mode et de marketing pendant un an puis j’ai été styliste à Vancouver. Complex m’a remarquée puis offert un job pour participer à des formats vidéos à New-York.
Lorsque tu travaillais chez Complex, ton documentaire sur Supreme a été un moment clé dans ta carrière. Quelles ont été les conséquences de cette vidéo à ce moment là, par rapport à ton expérience et ton impact sur cette culture ?
J’ai reçu beaucoup de haine, les gens ont dit que j’ai lancé la folie du resell mais ça a commencé bien avant qu’on fasse ce documentaire. On a juste mis ce sujet à la lumière du jour. Mon travail était de raconter les faits et c’est ce qu’on a fait avec cette vidéo. Aucun documentaire sur le streetwear n’avait été fait avant ça, c’était le premier en son genre. Il y en avait eu sur les sneakers, mais pas spécifiquement sur le streetwear. Les gens auront toujours quelque chose de négatif à dire. J’en ai vu tellement, mais je m’y attendais. Je pense que nous avions réussi à capturer un moment spécial dans ce documentaire, c’était l’apogée du resell, et, ironiquement, le déclin du streetwear.
Suite à ton départ de Complex, Tu as récemment déménagé à Los Angeles. Pourquoi as-tu choisi de quitter New-York après toutes ces années et pourquoi as-tu choisi Los Angeles comme nouvelle maison ?
New-York est devenu ennuyeux et épuisant. Au début de mon emménagement j’ai adoré, j’étais obnubilée par l’activité qu’il y avait, tous les buildings, tous les métros et Time Square. Je suis originaire d’une très petite ville du Canada, alors les opportunités professionnelles ainsi que l’activité de la ville m’avaient séduite, parce que je n’avais rien connu de tel avant. Mais au bout d’un moment ça devient très fatiguant et j’ai réalisé que je voulais une meilleure qualité de vie. Quant à Los Angeles, j’y suis allée plusieurs fois avant et je n’aimais pas la ville. Puis, il y a un an et demi, j’y suis retournée pendant une semaine après avoir quitté mon poste à Complex et je suis tombée amoureuse de L.A. J’ai su que je voulais emménager là-bas. J’ai vu la ville sous un autre angle et ça m’a plu. Je n’ai jamais eu l’impression d’être chez moi à New-York. Ça m’a toujours semblé temporaire, alors que je me sens chez moi à Los Angeles. Je pense rester là-bas pour un moment..
Tu as créé la marque Sporty&Rich. Beaucoup de personnes peuvent penser que cela représente une personne aisée et sportive, mais ce n’est pas ce que la marque signifie pour toi. Peux-tu nous expliciter l’idée globale qui se cache derrière Sporty&Rich ?
À la base, c’était juste un terme que j’employais en rigolant pour décrire mon train de vie ainsi que celui de mes amis. Quand on s’est mis à porter des sneakers avec un survêtement et une Rolex on disait “Oh, that’s sporty… and rich!” Et puis ça a pris, alors j’ai décidé de le broder sur des t-shirts. Ils rendaient bien alors je me suis dit que je pouvais en faire quelque chose. Depuis, Sporty&Rich est devenu bien plus qu’un simple style. C’est une véritable idée, celle de créer un mode vie luxueux et heureux. Si tu regardes le compte Instagram de la marque, tu verras que chaque image est une description d’un mode de vie et d’une mentalité “Sporty&Rich”. Il y a tellement de choses différentes. Ça peut être une maison d’été en Europe, une femme avec un corps naturel et parfait, un ancien film qui te rend triste mais d’une façon douce, cela peut être tes rappeurs favoris avec des chaînes. Je pense que c’est un bon équilibre parmi plusieurs mots, et pour les personnes qui suivent la marque et moi-même, c’est le goût que nous donnons à tout ce qui est imaginable.
Pourquoi as-tu décidé de créer un magazine papier ? Surtout de nos jours, beaucoup de personnes pensent que le papier est en train de mourir.
J’ai travaillé pour un magazine alors ça m’a beaucoup inspiré pour créer le mien, après avoir vu combien c’était cool. Quand j’ai commencé, il y avait énormément de nouveaux sites qui voyaient le jour alors si je créais mon propre site web, il n’aurait rien eu de spécial. Je voulais quelque chose de tangible, que je pouvais tenir et donner physiquement à quelqu’un, quelque chose qu’on peut avoir sur sa table en buvant son café, qu’on peut garder plusieurs années. J’y ai consacré beaucoup de temps et d’énergie car pour moi c’est une passion, ça me rend heureuse de travailler dessus. Je pense que c’est important d’avoir quelque chose pour soi et qui ne soit pas basé sur le profit. J’adore faire ça et je suis passionnée du contenu que je crée, pour moi c’est pur.
Que souhaites-tu véhiculer avec ce contenu ?
Simplement les valeurs de Sporty&Rich, le mode de vie, l’esthétique, de bonnes histoires, des points de vue uniques et des conversations avec des personnes dont on ne parle pas souvent. Je veux juste créer un ouvrage qui est beau et qui fait ressentir quelque chose aux personnes qui y jettent un œil.
Quelle a été ta plus belle expérience dans ta carrière jusqu’ici ?
Lorsque j’ai interviewé Pharell, parce que je suis fan de lui depuis que j’ai 11 ans. J’admire son travail et son style, et plus globalement ce qu’il est en tant que personne. Il ne vient pas de ce monde c’est certain. L’autre expérience, plus récente cette fois, a été lorsque j’ai interviewé Kendrick Lamar, dont je suis également très fan. C’est arrivé par hasard et au début j’ai refusé parce que je suis tellement fan, ça me stressait ! C’était plutôt cool malgré tout, d’autant plus que je n’avais pas d’expérience dans tout ça à la base, c’est génial d’avoir pu faire quelque chose de différent de ce que je faisait jusqu’ici. Au fond, c’est irréel. Chaque expérience est géniale.
Pour rebondir sur la musique, peux-tu nous expliquer ton travail chez Tidal ?
Mes deux meilleurs amis (Speedy Morman et Brandon ‘Jinx’ Jenkins, NDLR) et moi avons un groupe de conversation de groupe depuis un moment maintenant, et un jour on a commencé un podcast parce que ce que nous disions dans le groupe nous paraissait intéressant. On a alors discuté de l’idée avec Tidal et ils étaient partants. On a fait la 1ère saison et maintenant on discute pour faire une nouvelle saison.
Désormais, presque 300 000 personnes te suivent sur les réseaux sociaux. Peux-tu nous expliquer comment tu le ressens, et surtout, quelles responsabilités impliquent ce rôle d’influenceuse ?
C’est cool, mais pour moi 300 000 abonnés ce n’est pas tant que ça quand certaines personnes en ont 300 millions. Ça reste tout de même cool, c’est flatteur de me dire que les gens aiment ce que je suis et ce que je fais. Je suis reconnaissante pour ça ! Pour moi, je pense qu’une personne avec de l’influence sur une plateforme se doit de parler de ce qui est important pour elle ou de ce qu’il se passe dans le monde pour en informer ses followers. Je dis toujours que c’est une chance d’avoir de l’influence sur une plateforme, pas un privilège. Alors je me dois d’être responsable de ce que j’en fais. Tu peux l’utiliser pour poster des photos de toi ou de toutes les choses coûteuses que tu as acheté ou qu’on t’a offert, mais tu peux aussi aider les gens à travers ce que tu fais. Mettre un coup de lumière sur les problèmes de ce monde, guider tes followers sur le droit chemin. Les gens sont très influençables de nos jours, autant en tirer l’avantage et leur donner du contenu agréable et utile.
Tous ces gens qui te suivent sur les réseaux le savent, tu es véritablement fan de streetwear et de sneakers. Comment es-tu devenue passionnée ?
Mon père était un skater et un grand fan de sneakers durant mon enfance et il l’est toujours. Il m’a toujours parlé de marques comme Stüssy, X-Large, Nike… Il m’a introduit à ce monde là. Ensuite, autour de mes 13 ans, on a déménagé à Hawaii. Je n’avais pas beaucoup d’amis et j’avais le mal du pays. Je passais mes journées sur les blogs, à la période où les blogs comme Hypebeast, Highsnobiety et bien d’autres commençaient seulement à exister. Je voulais être au courant de tout, je lisais tout et poussais mes recherches sur toutes les marques, toutes les collaborations, toutes les sorties, tous les coloris… je savais tout. À cette période, le streetwear était encore une petite secte, il n’y avait pas autant de personnes qui faisaient partie de ce mouvement qu’aujourd’hui. J’ai l’impression que l’explosion du mouvement a quelque peu terni les choses aujourd’hui et que ce n’est vraiment plus la même chose, mais je suppose que c’est ce qui devait arriver. Tu ne peux pas être triste ou en colère parce que le streetwear s’est développé en cet énorme mouvement qu’il est aujourd’hui.
Cette explosion du streetwear a eu le mérite d’étoffer les gammes pour femmes, au fur et à mesure. Surtout durant ton travail avec Kith Women, tu as du le remarquer. Que penses-tu de cette évolution ?
Je pense que c’est génial quand tout est plus global ! C’est génial d’inclure tout le monde, et c’est sympa que les femmes puissent se prononcer de la manière dont elles le souhaitent. Les racines du streetwear ne sont rien d’autres que le rap et le skate et, naturellement, ces cultures sont dominées par les hommes, mais il y a une place pour les femmes aussi dans ce milieu. On peut finalement le constater.
Quels sont les plus gros obstacles que tu as rencontré lorsque tu travaillais chez Kith ?
Sans doute la peur que ce que je crée ne plaise pas. Je pense que c’est important de douter de soi et de son travail, ça te permet de te dépasser. Si tu es toujours en confiance et que tu penses toujours faire les choses parfaitement, comment peux-tu trouver la motivation pour t’améliorer et faire encore mieux ? C’était sans aucun doute la plus grande difficulté. On doit parfois se forcer à sortir de sa zone de confort. Je pense avoir réussi à le faire et ce que j’ai fais à Kith a été bien mieux accueilli par le public que je n’aurais pu l’imaginer, donc je suis très heureuse de ce qu’on a pu faire ensemble.
Lorsque l’on se penche sur ton parcours professionnel, on constate qu’il réunit régulièrement mode et musique. Que penses-tu du lien qui existe entre ces deux mondes ?
De nos jours, il semble que ces deux mondes sont toujours connectés. Avec par exemple le merchandising, des rappeurs/chanteurs deviennent plus que jamais des icônes de la mode et ces deux mondes se retrouvent complètement liés l’un à l’autre. Mais les rappeurs ont toujours écrit sur des marques, même dans les années 80. Ils ont toujours été des icônes de la mode, il n’y a rien de nouveau. Mais maintenant on voit des gens qui cherchent à ressembler à leurs rappeurs favoris, en achetant les mêmes pièces jusqu’aux chaussettes. Et de plus en plus d’artistes sont impliqués dans le design ou dans le monde de la mode. Ce ne sont que des bonnes choses.
Pour terminer, quels conseils donnerais-tu à une personne qui est au début de sa carrière et qui veut entreprendre et influencer comme toi ?
Aujourd’hui, si quelqu’un veut devenir un influenceur, je lui dirais vraiment de viser plus haut. Ce n’est pas et ça ne devrait vraiment pas devenir une “vraie” profession. Si tu aimes ce que tu fais, que tu es bon dans ce que tu fais, tu influenceras naturellement le public. Tu ne deviens pas un influenceur en ne faisant rien. Je dirais d’abord qu’il faut trouver sa passion, trouver ce pour quoi on serait prêt à tout donner, quelque chose qu’on pourrait faire gratuitement : c’est ça le vrai amour et c’est de ça qu’il faut partir. Le plus important dans la vie est d’être heureux et si tu trouves ça c’est absolument fabuleux. Les gens ont cette idée du succès : être célèbre, posséder énormément de choses, mais ce n’est pas ça qui va rendre quiconque heureux. Et parfois, pour atteindre ça, il faut apprendre à se connaître. Fais ce que tu aimes et soit une bonne personne, c’est aussi simple que ça.