Larry est un artiste pour qui la réussite se conçoit auprès des siens. Après le succès de sa mixtape Cité Blanche, il se frotte à l'épreuve du premier album avec Petit Prince.
Si Larry se présente dans notre studio armé de sa bonne humeur communicative, on perçoit vite que sa ville lui manque. Temporairement expatrié à Paris le temps d'une séquence promo intense, l'Alsacien préférerait sans doute profiter de la fraîcheur de l'automne sur ses terres, à la cité de l'Elsau.
S'il arrive accompagné de deux attachés presse, sa mère et un proche ont également fait le déplacement. Rien d'étonnant pour ce rappeur habitué à évoluer en cercle restreint. Larry s'est construit en solitaire, mais Abdelmalik accorde une importance particulière aux siens. Son propre label, Gotham Records, est ainsi directement géré par ses deux parents, qui habitent toujours à Strasbourg, comme lui.
Lors du shooting, ses poses pleines d'attitude témoignent de son nouveau statut, acquis avec le disque d'or de sa mixape Cité Blanche et le single de platine de "Woin Woin." Ce succès ne semble pas perturber l'autoproclamé Petit Prince, qui se plie à l'exercice promo avec beaucoup d'aisance.
Au moment de la sortie de Cité Blanche, tu expliquais vouloir proposer un premier album en phase avec les attentes de tes fans. Tu penses avoir réussi ?
Je suis content des résultats de Cité Blanche. On a réussi à choper une certification et j’ai eu de bons retours du public. Petit Prince, ça n’a rien à voir, il faut confirmer. Cité Blanche, c'était la carte de visite. Sur ce premier album, il y a une volonté d'avoir moins de sons, d'être plus diversifié, d’aller explorer d’autres univers.
On sent que musicalement tu t’autorises plus de choses sur Petit Prince que sur Cité Blanche.
Cité Blanche m’a permis de voir ce que les gens kiffaient chez Larry. Avant Cité Blanche, je n'avais fait que du freestyle, le public me connaissait dans un registre purement kické. J’ai vu que des tracks comme "Enfant Compliqué" et "Maman me disait" avaient bien marché, donc je me suis permis d’avancer dans cette direction et de travailler un peu plus ce côté musical.
" Personne ne peut écouter un album avec que des sons kickés, des basses et des 808’s. "
Cette musicalité qu’on retrouve sur pas mal de morceaux de Petit Prince, c’est quelque chose que tu as toujours eu en toi ou que tu as appris à développer ?
J’ai senti que le public attendait d’autres choses de moi. Un son comme “Enfant Compliqué”, ce n’est pas ce que je sais faire de base. Avant de faire un “Enfant Compliqué”, j’ai peut-être essayé 3-4 sons comme ça. Et ensuite, j’ai choisi le meilleur. C’est avec beaucoup de travail que j’ai pu faire d’autres sons dans ce délire sur Petit Prince.
Comment tu recueilles ces retours du public ?
D’un peu partout. Il y a ce qu’on me dit en face à face, ce que je lis sur les réseaux… Mais en vrai de vrai, je ne me concentre pas sur ça. Je crée ma musique au feeling, en faisant d’abord ce que j’aime. Après, c’est sûr que sur un album, tu ne peux pas faire que des freestyles. Il fallait faire des sons kickés, du “Larry de base”, mais il fallait aussi que je fasse autre chose, que je me diversifie. Je suis obligé. Personne ne peut écouter un album avec que des sons kickés, des basses et des 808’s. Au bout d’un moment, ça fait mal à la tête (rires, ndlr). On attend tous d’un artiste qu’on kiffe qu’il évolue, qu’il aille sur d’autres choses.
Tu appréhendais le fait d’essayer de nouvelles choses musicalement ?
Sur Cité Blanche, carrément. J’avais un peu cette appréhension de me dire : “Ah peut-être qu’ils ne vont pas kiffer, qu’ils vont me trouver bizarre quand je ne suis pas là à kicker” Sur Petit Prince par contre, pas du tout, j’ai eu un déclic.
À quel moment vous vous êtes lancés dans le projet Gotham Records, le label que tu gères avec ta famille ?
On voulait d’abord éviter que je sois mal encadré. Dès que j’ai senti que j’avais l’équipe nécessaire, je me suis dit : “Pourquoi pas partir en indé ?” Et c’est ce que j’ai fait. C’est sûr que si j’avais été tout seul, avec un gars de mon quartier qui ne connaît rien aux papiers, qui ne connait pas les bonnes personnes, j’aurais peut-être signé un contrat d’artiste ou autre chose. J’ai eu la chance d’avoir une vraie équipe, ma famille, pour fonder tout ça.
Ta famille a toujours été derrière toi dans le rap ?
Tu connais… Quand j’ai commencé la série #Freeberiz, il fallait que je prouve à mes parents que j’étais sérieux. Dès qu’ils ont vu que c’était le cas, ils m’ont tout de suite suivi. Ce n’est pas tous les artistes qui ont la chance d’avoir des parents jeunes et compréhensifs. J’ai eu cette chance-là, donc j’ai sauté sur l’occasion. On a découvert le milieu du rap français en même temps et on apprend encore tous les jours, tout le temps.
Arriver très jeune dans une industrie complexe comme celle du rap français, comment tes parents l’ont vécu ?
Tu es obligé de le prendre comme ça vient (rires). Au début, on ne connaissait rien à cette industrie. Pour moi la musique, c’était aller en studio, sortir un clip et fini. Après, j’ai appris qu’il y avait des interviews, des négociations, des contrats… De l’extérieur, je ne pensais pas que c’était un milieu autant axé sur le business. Je pensais que tu envoyais un son et voilà, tu attendais de voir si ça pétait. Je ne savais même pas qu’avec les plateformes de streaming, tu devais envoyer tes tracks en avance ! Tu apprends sur le tas constamment.
" Le public ne voit que Larry. Abdelmalik, je le garde pour ma famille. "
Dès tes premiers freestyles, il y a eu un intérêt pour ta musique. Comment as-tu géré ce changement de statut, toutes les sollicitations ?
En famille. J’ai reçu plein de demandes, de la part de beaucoup de labels. On s’est cassé la tête sur le choix à faire. Il fallait trouver la bonne structure, celle qui allait nous laisser le plus de liberté. On a réfléchi, on a étudié les contrats, on en a discuté… Toujours en famille. On s’est tous mis d’accord et on a foncé.
Avoir tes parents à tes côtés pour t’aider dans ta carrière, ça a toujours été une évidence pour toi ?
C’est un truc de chez nous. Mes parents viennent de grandes familles, ils ont beaucoup de frères et sœurs. Quand il était plus jeune, mon père ne trainait qu’avec ses frères. Ma mère, pareil, elle ne traînait qu’avec ses sœurs et ses frères. On a toujours eu cette mentalité : la famille, la famille, la famille. C’est une chance.
Ça leur arrive d’intervenir sur la partie artistique ?
La musique, je gère ça seul. C’est-à-dire que si je veux bosser avec tel beatmaker ou tel artiste, ça va être mon choix. Ils sont plus là pour me protéger. Ils gèrent la paperasse, ils gèrent un peu mon argent, ils essaient d’investir pour moi. La musique, c’est éphémère, ça peut s’arrêter du jour au lendemain. Mes parents prennent mes sous et les investissent, pour que, dès que la musique s’arrête, je n’ai pas besoin d’aller bosser au McDo. Il faut avoir un temps d’avance, bâtir quelque chose de durable.
C’est une volonté que vous avez eu dès tes premiers succès?
Ouais, on a directement été dans cette mentalité-là. Les premières thunes qui sont arrivées, on s’est dit qu’il fallait les investir, que ce n’était pas pour aller chez Gucci. Ma mère a pris les sous, elle a investi dans la pierre, direct.
" On a toujours eu cette mentalité : la famille, la famille, la famille. "
Vous avez établi plan de carrière ?
Non, zéro plan. La musique est éphémère, donc tant que ça marche, je continue. Le jour où je sentirai qu’on a plus besoin de moi, je rendrai le tablier.
Tu es du genre à passer rapidement à autre chose ?
Je suis un gars qui se lasse assez vite (rires). Je ne dis pas que je suis lassé de la musique, loin de là ! Mais je me lasse vite. Je peux tomber amoureux seulement deux jours, la vérité ! Après, je vais en avoir marre.
Dans une précédente interview, tu avais évoqué ta timidité avec les filles. Être timide et artiste, ça peut être délicat à gérer. Tu bosses là-dessus ?
Non, je m’en fous. Abdelmalik (son prénom), c’est Abdelmalik. Larry, c’est Larry. Larry est une partie d’Abdelmalik. Abdelmalik est quelqu’un d’observateur, de calme. C’est quelqu’un qui prend beaucoup sur lui. Larry, c’est l’autre partie, celle qui a besoin de tout évacuer, dès qu’il y a un surplus dans Abdelmalik. Le public ne voit que le Larry. Abdelmalik, je le garde pour ma famille.
Donc quand les fans viennent te voir, prendre des selfies…
(Il coupe) Ça, ça me fait plaisir. Je reste un humain, donc parfois, je me lève du mauvais pied et je n’ai pas envie de faire des photos. Mais bon, dans n’importe quel taf il y a du bon et du moins bon. Tu fais avec, ça fait partie du boulot et tu dois l’assumer. Dans ma tête, je me dis : “Maintenant tu es ce que tu es, c’est là que tu as voulu être, apprends à gérer.”
" Mes parents prennent mes sous et les investissent, pour que, dès que la musique s'arrête, je n'aie pas besoin d'aller bosser au Mcdo. "
Ta notoriété implique forcément un devoir d’exemplarité pour les petits de l’Elsau, la cité dont tu es originaire ?
Dès que je parle avec les petits de la cité, j’essaie de leur expliquer ce qui est bien et ce qui n’est pas bien dans mes clips, dans ma musique. S’il est malin, le petit saura prendre seulement ce qui est bon. Au lieu de voir les clopes, les caisses ou les meufs, il verra un mec qui a bossé dur pour en arriver là. C’est aux petits d’être intelligents. On a tous regardé Scarface, pourtant on ne prend pas tous de la coke.
Ces valeurs de travail, d’acharnement, c’est ce que tu as le plus envie transmettre ?
Clairement. Et surtout, de faire confiance uniquement aux bonnes personnes. Rester en famille, c’est important. C’est même ce qu’il y a de plus important.
STYLISME
Tenue 1
Veste : Homme Plissé Issey Miyake Pantalon : Scotch & Soda Lunettes : Gucci
Tenue 2
T-shirt : Stone Island Pantalon : Scotch & soda Casquette : Under Armour Lunettes : Gucci
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CRÉDITS
Interview : Julien Perocheau
Photos : Félix Devaux
Assistant photos : Alexandre Mouchet
Direction Artistique : Selim Moundy
Production : Julien Bihan
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