Il y a 5 ans aujourd’hui, Joey Bada$$, alors âgé de 17 ans, lâchait sa première mixtape 1999 qui s’apparentait alors à un gros paris. Et contre toute attente, l’entrée en matière s’avéra parfaite.
Tel un ouragan dans l’industrie, Joey a débarqué avec une mixtape puisant ses origines dans l’âge d’or du rap new yorkais tout en lui offrant enfin des perspectives d’avenir. 5 ans après, c’est devenu très clair : 1999 est l’une des toutes meilleures mixtapes des années 2010.
Passionné de poésie et rêvant d’un avenir d’acteur, le rap n’était pas vraiment le destin que Joey s’imaginait. Pourtant, lorsqu’au lycée il découvre la dure réalité du métier d’acteur et de ses nombreux comédiens qui se perdent dans l’immensité new-yorkaise à la recherche d’un rôle, l’ado prend un virage à 180 degrés qui sera la musique, et plus particulièrement le rap. Fort de sa rencontre avec Capital Steez, CJ Fly ou encore Nyck Caution au lycée, ils fonderont Pro Era, un crew de rappeurs producteurs et créateurs partageant tous un amour pour la culture hip-hop des années 1990. Après avoir attiré l’attention sur lui pendant deux ans sur Internet et lâché The Secc$ Tap.e, un projet avec Pro Era, Joey réalise alors qu’il est temps de débuter en solo.
1999 fait écho dès son titre à la décennie qui fascine Joey, symbolisant la dernière année de la décennie et d’une certaine manière que ce projet est la dernière chose qui symbolise cet âge d’or. Ce premier long format du gosse de Brooklyn fait l’unanimité à un tel point que la seule critique valable qui lui a été faite est que ce projet repose sur un vaste hommage à une décennie qu’il n’a pas vécu en tant que fan de rap puisque le jeune homme est née en 1995. En dehors de ça, 1999 a permis à Joey Bada$$ de réussir un tour de force impressionnant qui l’a immédiatement placé comme l’élu qui devait sauver le rap new-yorkais de son irréversible dégradation. Le rappeur évoque ici son quartier, son avenir parfois indécis ou encore ses rêves de gosse et d’adolescent dans des sonorités forcément très East Coast, à coup de prod boom-bap notamment, et via l’emprunt d’instrumentales aux légendes que sont MF Doom, J Dilla ou encore Lord Finesse. Leur rendant ainsi un bel hommage et de ce fait une mise à la postérité définitive du point de vue de la nouvelle génération. Au travers des 15 tracks, le jeune rappeur ne s’est pas contenté que d’hommages et a aussi mis en avant son crew avec notamment la présence du regretté Steez sur le titre « Survival Tactics »Entre egotrip et authenticité, Bada$$ rédige une copie parfaite sur la vision qu’il a de sa ville à une période où ce genre de performance était devenue rarissime, tout en y intégrant quelques hommages lyricaux tels que « I’m out for President to represent me » de Nas. La facilité et l’intelligence avec laquelle Joey s’est servi de la fibre nostalgique des années 1990 pour faire rentrer le public dans son oeuvre impressionne grandement. Il ne s’est pas contenté d’une simple réutilisation de quelques codes grossièrement intégré dans son rap, il a montré qu’à l’adolescence, il avait déjà saisi tous les tenants et les aboutissants d’un des courants musicaux les plus aboutis du siècle dernier.
Délivrant sa hargne et son ambition parfois même rêveuse, Bada$$ nous prend par la main presque de force et nous emmène dans le New York des années 2010 lorsque l’on est un jeune homme noir, prolétaire et ayant depuis longtemps enterré ses espoirs scolaires. En ce sens, la comparaison avec Illmatic ne peut que faire sens puisqu’avec ce projet, Nas a écrit un livre d’histoire sur la ville de New York duquel Joey Bada$$ n’a que tenté (et réussi) d’en écrire le chapitre suivant tout en y incorporant son innocence et sa modernité.
Et lorsque que l’oeuvre de Bada$$ finit jusque dans un papier du New York Times, la consécration est totale pour l’ado et le buzz se répand telle une trainée de poudre. Lorsque 5 ans plus tard, il retourne jouer sur la scène qui a marqué ses débuts, c’est dans le but de rendre hommage à ses fans de la première heure, à ceux qui n’ont jamais douté de l’impact qu’aurait 1999. Il n’y avait pas meilleure manière de célébrer ce 5ème anniversaire.
Entre hommage à ses premiers amours musicaux, appropriation et modernisation d’une facette du hip-hop et affirmation du statut de porte étendard du rap new-yorkais, l’impact qu’a eu 1999 dans la vie de Joey Bada$$ est incroyable. Le jeune homme née à Brooklyn rêvait il y a bien longtemps de s’épanouir à Hollywood ou sur les planches de Broadway, c’est au final au détour d’un 16 mesures et d’une prod boom-bap que Joey découvrira l’étendu de ses talents d’artistes.