Après Baby on Baby, son convaincant premier album porté par le hit “Suge”, DaBaby sortait ce vendredi un album sophomore vital pour concrétiser ses ambitions et enfoncer le clou sur son statut de nouvelle star du rap américain. La mission est accomplie dans les grandes lignes.
La chose immédiatement frappante avec Kirk, c’est sa volonté d’être plus personnel et introspectif que son prédécesseur. Le symbole de cette tendance, c’est bien sûr “Intro”, un choix de single courageux qui sert, comme son nom l’indique, d’entrée en matière à l’album. “Je pense à ma grand-mère alors que j’ai le morceau numéro un, ils me reconnaissent enfin / Ils deviennent fou en l’écoutant, ils bougent la tête alors que moi je suis juste ailleurs à penser à mon père” Sur fond de célébration douce-amère, DaBaby reconnait que son statut a changé mais se lamente surtout de la perte de son père, parti le même jour que “Suge” est devenu numéro 1 du Billboard “mainstream R&B/hip-hop”. On comprend alors l’une des raisons de la sortie si rapide de ce deuxième album : DaBaby a vécu beaucoup de choses marquantes, aussi bien positives que négatives, en très peu de temps. La musique devient donc à la fois une expiation de ses souffrances personnelles, mais surtout une célébration de son succès.
Une fois cette introduction très personnelle passée, l’album, qui utilise le nom de famille de l’artiste comme titre, reprend une ligne directrice plus proche de son prédécesseur. On y retrouve des bangers (“Vibez”, “Bop”), un potentiel tube (“iPhone”) et une sacré démonstration technique (“XXL”). Mais plus qu’un morceau, c’est le charisme omniprésent et l’énergie communicative du rappeur qui sautent aux yeux. Si la musique de Dababy était un film, ce serait Speed avec Keanu Reeves, si elle était une punchline, ce serait “J’n’ai qu’une vitesse, c’est la marche avant” de Booba. Le rap de DaBaby est urgent, spontané et diablement efficace, même lorsqu’il se veut plus profond dans son propos.
Évidemment, un album conçu aussi rapidement n’est pas exempt de tous reproches, loin s’en faut. Comme son prédécesseur, des choix de productions parfois génériques et une interprétation qui tend vers le monocorde viennent tirer quelque peu l’album vers le bas. D’un autre côté, ces compositions trap simplistes et ce fameux flow utilisé par DaBaby sont pratiquement devenus la signature de sa musique. Peut-on donc vraiment lui en vouloir de maximiser l’utilisation de sa formule qui a tant fait mouche avec “Suge” ? Chacun aura son avis sur la question puisque ses fans seront ravis de voir que le succès n’a pas dénaturé sa formule, pendant que d’autres regretteront que ses deux albums se ressemblent trop. Il faudra quand même répondre à ces derniers que se réinventer en 7 mois, aucun artiste n’est capable de le faire.
Même si Kirk ne dure que 35 minutes (ce qui est une bonne idée pour éviter de franchement tourner en rond), DaBaby ne se prive pas d’inviter beaucoup de monde. Il y a du très bon, comme avec Kevin Gates sur l’entêtant “Pop Star” et du vraiment dispensable comme “Raw S**t” avec Migos, qui semblent bien loin de leur forme étincelante de 2016-2017. À côté de ça, Chance The Rapper fait ce qu’il sait faire mieux dans une ambiance gospel, tandis que Nicki Minaj ajoute une touche pop à l’album. Sans être brillants, les collaborations permettent à l’auditeur de respirer quelque peu car ce n’est évidemment pas la tête brulée DaBaby qui va calmer le tempo.
Au final, que l’on soit fan ou pas de DaBaby, force est de constater qu’il s’est rendu incontournable en très peu de temps. À tel point que lorsqu’il faudra prendre du recul sur l’année rap 2019, il sera impossible de ne pas citer son nom tant son run est impressionnant : deux albums réussis en 7 mois, un hit pilier de sa carrière et une série de featurings où il est venu voler la vedette sur des albums de superstars (Chance the Rapper et Post Malone en tête). Quoi qu’il advienne de la suite de sa carrière, 2019 lui aura appartenu. Et si jamais le natif de Cleveland a la bonne idée de faire de sa performance sur “Intro” la voie à suivre pour la suite de sa carrière, il pourrait bien devenir l’un des artistes les plus marquants de sa génération. Dans le cas contraire, des albums de la trempe de Kirk auront toujours de quoi nous faire bouger la tête. Après tout, il serait malvenu de changer une formule gagnante.
L’album Kirk de DaBaby est à (re)découvrir ci-dessous.