Comment le sponsoring des plus grandes stars a permis à PUMA de se réinventer

Depuis 2013, après plusieurs années difficiles, la marque au félin investit massivement et intelligemment.

neymar puma

De 2011 à 2013, les bénéfices de PUMA chutent de 230 millions à 5 millions d’euros. Face à ces difficultés sans précédent, Jochen Zeitz, le patron historique de la marque, fortement critiqué pour privilégier la mode au détriment des articles sportifs, cède l’entreprise à l’été 2013 à Björn Gulden. L’ancien cadre dirigeant chez adidas et patron des bijoux Pandora arrive alors à un moment crucial pour le marché du sport : les adeptes de running et de fitness explosent au début des années 2010. Avec cette nouvelle clientèle potentielle et pour dépasser ses concurrents directs ASICS et Under Armour, PUMA se retrouve dans l’obligation de se démarquer en adoptant une nouvelle stratégie marketing, qui va principalement passer par la construction d’un exceptionnel roster d’égéries.

Redéfinir l’identité de la marque

Dès lors, l’identité de PUMA change. « En 2013, nous étions vraiment en mauvaise posture et nous avons dû réinventer cette marque. Nous savions que nous avions un super logo, une grande histoire et des gens formidables. Nous avons développé un concept de marque qui reflète tout cela et le met en perspective pour ce que nous voulions ensuite » explique Adam Petrick, le directeur général du marketing de PUMA. Durant cette période, la marque mise tout sur une personnalité — et pas des moindres — le sprinter le plus titré de l’histoire : Usain Bolt. L’athlète, ambassadeur de PUMA depuis 2003, n’avait que 16 ans lorsqu’il a signé son premier contrat avec la marque. Il s’agit d’une figure essentielle pour l’image de la marque, Bolt lui ayant rapporté 250 millions d’euros après les Jeux Olympiques de Pékin en 2008.

Puma a été à mes côtés depuis le tout début. Ils ont reconnu mon talent alors que j’étais très jeune et m’ont soutenu toutes ces années

Usain Bolt

Les grands moyens sont alors déployés par l’entreprise pour garder Usain Bolt dans ses rangs le plus longtemps possible. À titre d’exemple du dévouement de PUMA à son athlète, de 2010 à 2013, le contrat signé par Bolt s’élève à 8 millions d’euros par an, soit le montant le plus important jamais signé en athlétisme. En 2013, le doute plane quant au renouvellement de son contrat avec la marque en crise. Finalement, contre toute attente, le sportif signe de nouveau avec le groupe allemand : « PUMA a été à mes côtés depuis le tout début. Ils ont reconnu mon talent alors que j’étais très jeune et m’ont soutenu toutes ces années, particulièrement au début, quand j’ai rencontré des difficultés à cause de blessures. Je suis fier de les représenter et ravi de continuer avec eux dans les années qui viennent » explique-t-il cette année-là. PUMA garde donc la tête hors de l’eau en conservant son égérie, qui est aussi, accessoirement, l’une des personnalités les plus influentes du monde du sport. Une première victoire essentielle pour la marque.

PUMA choisit notamment à cette période de revoir sa stratégie de communication. La marque décide de lancer une campagne internationale mettant en scène des athlètes tel que Balotelli, Rickie Fowler, et bien sûr, Usain Bolt. Mais contrairement à ses concurrents, la marque allemande lance cette campagne après la Coupe du Monde 2014, dans le but d‘être plus visible. En effet, cette campagne démarre à un moment stratégique : la période d’inscription dans les clubs sportifs, qui est également le moment où sont renouvelés les équipements. Cette stratégie est fondamentale pour PUMA qui, à ce moment-là, cherche à revenir aux sources avec le sponsoring de clubs et de sportifs.

Féminiser son image

La marque allemande se lance ensuite un nouveau défi important pour son image. PUMA veut attirer une clientèle féminine. L’objectif de la marque est clair : se placer à mi-chemin entre sport et mode. Il faut alors chosir une femme possédant une réelle puissance médiatique et une forte influence dans le milieu de la mode. Au début de l’année 2015, Björn Gulden s’apprête à réaliser un tour de force immense pour sa marque, en recrutant Rihanna en tant que directrice de création. La chanteuse, à l’apogée de sa carrière musicale, et la marque au félin sortent le premier modèle de leur collaboration, les Creepers. Le succès est total. Les paires se vendent en seulement 35 minutes et remportent le prix de Shoe of the year aux Footwear News Achievement Awards en 2016.

Les Creepers de Fenty x PUMA

Les collections suivantes connaissent le même engouement et défilent à la Fashion Week de New York. Selon une étude du NDP Group, les fans de Rihanna sont 3,7 fois plus susceptibles d’acheter ses produits que les fans d’autres célébrités. Associer son image à celle de Rihanna est donc idéal pour PUMA. Ce qui fait le succès de PUMA x Fenty, ce n’est pas uniquement le produit, c’est l’histoire de la collaboration, et surtout, ce que représente Rihanna. La chanteuse a réussi à se créer une image d’icône tout en paraissant très accessible. C’est son nom de famille qu’elle met en avant, et non son prénom de superstar. Rihanna est en quelque sort la copine que tout le monde aimerait avoir, avec une personnalité affirmée et à laquelle de nombreuses femmes peuvent s’identifier. En proposant une gamme de produits aux prix abordables, elle créé un lien entre elle et les personnes (souvent très jeunes et avec des moyens modestes) qui l’admirent et qui souhaitent lui ressembler.

Affirmer sa place dans le sponsoring sportif et s’adapter à la crise sanitaire

Dans le monde du sponsoring sportif, PUMA peut se targuer d’être le partenaire exclusif de la Formule 1 depuis 2019. Un sport dont le regain de popularité est impressionnant depuis quelques années, notamment grâce à la série Netflix Drive to Survive. Aussi, sa présence dans le parrainage de sélections nationales de football n’est pas négligeable ; en Italie, en République tchèque, en Serbie, en Suisse, en Uruguay mais aussi et surtout en Afrique (la marque étant le sponsor officiel du Sénégal, de l’Égypte, du Ghana, ou encore de la Côte d’Ivoire). Côté clubs, PUMA est l’équipementier officiel de Manchester City (qui s’est engagé jusqu’en 2029, pour la modique somme de 650 millions de livres, soit 760 millions d’euros au total), de l’Olympique de Marseille et de l’AC Milan, entre autres.

En signant des clubs, PUMA signe également des ambassadeurs comme Payet à l’OM, Fernandinho à Manchester City ou encore Witsel à Dortmund. En plus de sa place importante dans le football professionnel, PUMA, grâce à l’influence de clubs, peut compter sur les footballeurs amateurs. Selon une étude datant de 2020 sur le football amateur, plus de 10% des joueurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur utilisent des crampons de la marque PUMA, équipementier officiel de Marseille. La stratégie des clubs a donc un réel impact dans tout le monde du football.

En 2020, la situation se complique. Sans surprise, cette année-là pose de grands défis à la marque. Avec la fermeture de tous ses magasins, des salles de sport ou encore des stades, PUMA voit son bénéfice net du premier trimestre chuter de 36,2 millions d’euros, soit une baisse de plus de 61% en comparaison avec la même période en 2019. Les ventes et la rentabilité de PUMA au deuxième trimestre sont fortement affectées par la crise du Coronavirus. « Le deuxième trimestre de 2020 a été le trimestre le plus difficile que je n’ai jamais connu. Le trimestre a commencé avec une baisse de 55% des ventes en avril, le mois de mai s’est amélioré, mais était toujours en forte baisse avec -38%. La véritable amélioration est survenue en juin qui n’a baissé que de 6% » affirme Björn Gulden dans son rapport annuel.

PUMA parvient donc malgré tout à limiter les dégâts en faisant preuve d’adaptabilité durant la crise sanitaire. En effet, pendant le confinement la marque fait preuve de créativité en s’associant à l’application de coaching sportif Fizzup pour proposer des cours de fitness sur Instagram ou encore en organisant un concert virtuel d’Alonzo sur Twitch. Contre toute attente, les ventes de PUMA rebondissent au troisième trimestre 2020 et augmentent de 13,3%. « Le troisième trimestre s’est bien mieux déroulé que prévu. Les magasins ont rouvert, les événements sportifs ont repris, la confiance des consommateurs s’est améliorée et nos ventes ont augmenté de semaine en semaine. Je pense que cette solide performance confirme la force à la fois de PUMA en tant que marque, et de l’industrie des articles de sport en général » explique le PDG de la marque.

Toujours plus de stars

La présence de PUMA sur les réseaux sociaux s’est multipliée ces dernières années, notamment grâce à Kylie Jenner (égérie pour la saison printemps-été 2016), BTS, Cara Delevingne, Selena Gomez ou encore Travis Scott, J. Cole et le regretté Nipsey Hussle. Depuis début 2019, PUMA est également lié avec la NBA et Jay-Z pour Puma Basketball. Et dernièrement, la marque a annoncé une collaboration avec la chanteuse Dua Lipa. En France, le choix des égéries est particulièrement orienté rap : Alonzo est choisi pour promouvoir les maillots de l’OM, PLK est l’ambassadeur de la Puma Rider, tandis que Shay incarne la Nova 90. En 2020, c’est Booba qui rejoint les rangs de la marque. La collaboration sonne alors comme une évidence. PUMA réussi un coup de com’ remarquable à base de fausse publicité dans une vidéo de Wil Aime et tous les éléments semblent réunis pour une collaboration fructueuse. Cependant, à la mi-décembre, le compte Instagram du rappeur aux 4 millions d’abonnés est supprimé par l’application de façon définitive. Un coup dur pour PUMA, qui n’avait pas anticipé cet événement et pour qui l’audience de son égérie était une cible parfaite.

C’est son père et son équipe qui nous ont approchés. Et, bien sûr, quand l’équipe de Neymar vous appelle, vous décrochez

Björn Gulden, le PDG de PUMA

Avec la retraite d’Usain Bolt en 2017, PUMA se retrouve sans réelle tête d’affiche sportive jusqu’en 2020, où la marque réalise un coup de force colossal en signant Neymar. Le troisième sportif le plus suivi sur les réseaux sociaux, après Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, devient le nouveau visage de PUMA. Estimé à 25 millions d’euros par an, il s’agit du plus gros contrat individuel de l’histoire. Le PDG de PUMA explique dans une interview accordée au journal l’Equipe : « C’est son père et son équipe qui nous ont approchés. Et, bien sûr, quand l’équipe de Neymar vous appelle, vous décrochez ».

Son départ de Nike, qui a massivement investi sur lui durant une quinzaine d’années, n’est pas si surprenant. Neymar correspond parfaitement la stratégie marketing de PUMA. En plus d’être l’un des meilleurs joueurs du monde, son nom est une marque et son influence s’étend bien au-delà du football. Les intérêts du joueur brésilien et PUMA coïncident parfaitement. Neymar ne souhaitant plus vivre dans l’ombre de Cristiano Ronaldo chez Nike, cette signature chez PUMA est l’occasion pour lui d’être le footballeur star de la marque. Pendant quatre années consécutives, Neymar est élu « sportif au plus grand potentiel marketing du monde » par le magazine Sports Pro. Ses maillots font partie des cinq plus vendus au monde. Avec Neymar, PUMA s’assure une visibilité sans précédent.

Entre valorisation de son héritage et renouvellement permanent

L’héritage de PUMA est un atout majeur, comme l’explique Adam Petrick : « Nous avons eu de la chance et des personnes influentes. Personne ne déteste PUMA et la notoriété de la marque est élevée. Nous avons le meilleur logo, tout le monde le sait et le reconnaît. Lorsque vous possédez cet héritage, les gens sont prêts à prendre le risque. » Pour justifier sa signature restée confidentielle pendant plusieurs mois, Neymar exprime son désir de suivre les pas de légendes du foot : « J’ai l’honneur de rejoindre la marque qui a aidé les plus grandes légendes du football à être ce qu’elles sont » affirme-t-il. Nombreux sont ceux qui ont brillé en PUMA. Parmi eux : Pelé, Cruyff et évidemment Diego Maradona. Les Puma King sont liées à la figure de l’argentin grâce à qui la valeur de la paire a explosé en 1986. C’est, en effet, avec cette paire que Maradona a inscrit son historique doublé face à l’Angleterre, match éternellement associé à la fameuse « main de Dieu ».

Au moment de la sortie de son album 4:44, JAY-Z revisite la Clyde, un modèle classique de PUMA. La paire PUMA Clyde x Jay-Z 4:44 sort en 2017 dans un coloris rappelant la pochette de l’album. En France, Booba est l’égérie de la PUMA Suède, autre paire emblématique de la marque. PUMA explique ce choix par le fait que Booba est le représentant absolu du hip-hop en France, et a su traverser les époques, tout comme la PUMA Suède. Mais PUMA ne se contente pas de se reposer sur ses paires phares. Son objectif est également de séduire une clientèle très jeune, en essayant de créer des rendez-vous sur de nouveaux produits à l’image de la Future Rider, dont l’égérie est PLK et qui est caractérisée par un design avant-gardiste et des couleurs très vives pour toucher une clientèle adolescente.

100 millions de dollars, c’est le prix de la signature de LaMelo Ball

En 2020, PUMA Basketball affirme une nouvelle fois son ambition de se placer comme une marque visionnaire et ajoute à sa liste un jeune athlète influent de 19 ans. 100 millions de dollars, c’est le prix de la signature de LaMelo Ball. La collaboration de PUMA avec le meneur de jeu des Hornets a pour objectif de brouiller les frontières entre le sport, la culture, la musique et la mode. Une collaboration qui dépasse donc le milieu du basketball, à l’image de cette nouvelle égérie. Étant évidemment très populaire sur les terrains de basket, LaMelo l’est tout autant dans les médias. Avec ses 6,5 millions d’abonnés sur Instagram, il est la star de la web-série de sa famille, Ball in the Family, diffusée sur Facebook depuis 2017.

Cette signature est, par ailleurs, une source de conflit au sein même du clan Ball. LaVar Ball, le père mégalomane de LaMelo et fondateur de la marque Big Baller, avait déclaré il y a quelques années que ce serait une « gifle » si l’un de ses fils signait avec d’autres entreprises de chaussures que la sienne, qu’il a créée pour ses fils, de surcroît. Un coup de poignard dans le dos du patriarche quand on sait à quel point LaVar Ball compte sur l’image de LaMelo pour promouvoir sa marque. La signature de LaMelo chez PUMA est en tout cas une évidence au vu des intérêts communs des deux partis. PUMA a tout à gagner en ayant la personnalité la plus prometteuse de la NBA dans ses rangs. LaMelo, quant à lui, marque son intention de se libérer et de débuter une carrière en s’affranchissant dès à présent de son héritage familial lourd à porter.

En 2021, la grande famille PUMA continue de s’agrandir avec les signatures de DJ Snake et Raphaël Varane. La marque poursuit donc sa stratégie agressive d’empilement des égéries, qui porte ses fruits ces dernières années. Les efforts entrepris pour l’amélioration de sa gamme de produits et ses résultats satisfaisants prouvent que PUMA est redevenu une référence dans le marché du sportswear. Si cette stratégie ne suffira pas à rattraper Nike et adidas de si tôt, cela lui a solidement assuré la troisième place dans le marché du sportswear. Björn Gulden aurait difficilement rêvé mieux à l’été 2013.