Daniel Kaluuya, la consécration d’un acteur exigeant et engagé

Retour sur le parcours de l’un des acteurs les plus talentueux de sa génération.

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La 93ème cérémonie des Oscars du Cinéma a été historiquement importante. Sa liste de vainqueurs plus diversifiée que jamais est une avancée majeure six ans après le viral #OscarsSoWhite. Dans la catégorie « Meilleur acteur dans un second rôle », la statuette dorée a été décernée à Daniel Kaluuya pour sa saisissante performance dans Judas and the Black Messiah. Il y incarne Fred Hampton, figure emblématique du Black Panther Party. Un rôle engagé, familier à Daniel Kaluuya qui brille par ses choix de rôles puissants et inspirants.

Lors de la conférence de presse des Oscars, Margaret Gardiner demande à Kaluuya ce que cela signifie pour lui d’être dirigé par Regina King. Or, Regina King a dirigé Leslie Odom Jr. dans le film One Night in Miami, pas Daniel Kaluuya. Face à une journaliste ayant du mal à distinguer deux hommes noirs nommés dans la même catégorie, l’acteur britannique vit le racisme ordinaire au moment le plus important de sa carrière. L’histoire de Daniel Kaluuya commence en 1989 à Londres. Né de parents ougandais, il grandit à Camden avec sa mère qui l’élève seule. Petit, Daniel soutient l’équipe d’Arsenal, prend le chemin de la St Aloysius Secondary School du Jay-Z dans les oreilles mais surtout, il se passionne pour le théâtre. Sa première pièce, Daniel Kaluuya l’écrit à l’âge de 9 ans en s’inspirant d’un épisode de la série comique Kenan & Kel. Celui qui introduit son travail par « juste des blagues sur une feuille » finira par jouer sa pièce à l’Hampstead Theatre de Londres aux côtés de comédiens professionnels. Fort de son succès théâtral local, le jeune Daniel décide de devenir acteur.

Des débuts prometteurs

Une dizaine d’années plus tard, le grand public le découvre dans Skins. La série enthousiasme toute une génération de jeunes anglais se retrouvant tous les jeudis devant E4 pour suivre le quotidien d’une bande d’adolescents tourmentés de Bristol. Portée par une génération de jeunes comédiens brillants, Skins ouvre les portes d’Hollywood à Hannah Murray, Dev Patel ou encore Nicholas Hoult. Ce succès devenu mondial réside dans l’authenticité du show, les co-auteurs sont aussi les acteurs de Skins.

Accusé à tort de trafic de drogue, il est violemment plaqué au sol par les forces de l’ordre avant d’être fouillé à nu au poste.

Parmi eux, Daniel Kaluuya tire son épingle du jeu. À 17 ans, il écrit et dirige deux épisodes entiers, devenant ainsi l’une des plus jeunes personnes à avoir écrit un épisode complet d’une série diffusée en prime time. « Daniel est venu avec une vision si claire de ce qu’il voulait écrire, et de son organisation. Il ne voulait pas nécessairement avoir trop d’instructions, il avait une certaine confiance dans ce qu’il voulait faire » explique Bryan Elsley, le créateur de Skins, au Telegraph. Bien qu’il joue un rôle secondaire à l’écran, Daniel Kaluuya s’avère être l’un des moteurs de la série.

Il décroche ensuite un rôle dans la série dystopique Black Mirror dans laquelle il attire l’attention du réalisateur américain Jordan Peele. À la même période, Kaluuya est arrêté dans un bus de Camden Town par des agents de police. Accusé à tort de trafic de drogue, il est violemment plaqué au sol par les forces de l’ordre avant d’être fouillé à nu au poste. Quelques années plus tard, encore profondément marqué par cet acte humiliant, injuste et raciste, Kaluuya passe le casting de Get Out. Jordan Peele lui offre alors le rôle principal qui changera sa vie.

L’impact “Get Out”

Jordan Peele est impressionné par le talent de Daniel Kaluuya au moment de son audition. Il joue la scène, désormais iconique de Get Out, dans laquelle le personnage principal figé se met à pleurer. « On a refait la scène plusieurs fois et à chaque fois ses larmes coulaient, je me suis dit : « J’abandonne, il est trop fort ! » » affirme Jordan Peele dans le Tonight Show de Jimmy Fallon lors de la promotion. Ce film d’horreur révolutionnaire montre des personnes noires prisonnières d’une famille blanche raciste. Si révolutionnaire que Kaluuya, en découvrant le script, se demande : « C’est autorisé de faire un film comme ça ? » L’acteur troque son accent britannique pour l’accent américain et fait l’unanimité.

N’ayant pas été invité à l’avant-première du film au Festival du film de Sundance, Daniel Kaluuya est à Atlanta quand il voit Get Out pour la première fois.

N’ayant pas été invité à l’avant-première du film au Festival du film de Sundance, Daniel Kaluuya est à Atlanta quand il voit Get Out pour la première fois. Il se rend dans une salle de cinéma au cœur d’un quartier pauvre de la ville. Kaluuya se retrouve au milieu de spectateurs issus pour la majorité de la communauté afro-américaine, celle qui subit le racisme systémique au quotidien. C’est pour eux que Jordan Peele a écrit le script, c’est à eux que Daniel Kaluuya n’a cessé de penser en interprétant le personnage de Chris. L’impact de Get Out à sa sortie est énorme. Le film qui a coûté 4 millions de dollars en a rapporté 33 millions en un week-end, faisant de Get Out l’un des films les plus rentables de tous les temps. Daniel Kaluuya est nommé pour une multitude de prix et le film obtient l’Oscar du meilleur scénario original en 2018.

Des rôles méticuleusement choisis

Après Get Out, le londonien oscille entre films indépendants et grosses productions. Il rejoint l’univers Marvel en jouant dans Black Panther de Ryan Coogler. Black Panther est aux blockbusters ce que Get Out est aux films d’horreur : une œuvre mettant en vedette une personne noire offrant un point de vue différent de celui que l’on a l’habitude de voir au cinéma. De Christopher Reeve dans le rôle de Superman à Michael Kaeton dans le costume de Batman en passant par Tobey McGuire en Spiderman, les acteurs ayant eu des rôles importants dans des films de super-héros étaient tous blancs. « C’est un film sur un super-héros africain. Je n‘avais jamais vu ça de ma vie. 90% du casting a un accent africain. L’enfant à l’intérieur de moi était si heureux que ça existe » explique-t-il à Graham Norton.

Daniel Kaluuya confirme son statut en choisissant intelligemment ses rôles et les réalisateurs prestigieux avec qui il travaille qui sont majoritairement noirs. Après Les Veuves de Steve McQueen, il tient l’un des deux rôles principaux dans Queen and Slim de Melina Matsoukas qui raconte l’histoire d’un couple en fuite après avoir tué accidentellement un policier raciste. Son rôle dans Judas and the Black Messiah en est la suite logique. Le film traite de révolutionnaires afro-américains qui se battaient dans les années 1970 contre des injustices raciales toujours présentes aujourd’hui. « Fred Hampton, Huey P. Newton, Bobby Seale et le Black Panther Party m’ont appris à m’aimer » déclare-t-il aux Oscars. La performance de Kaluuya y est magistrale. Il passe d’une scène à l’autre du calme à la colère, celle d’un homme épuisé de voir sa communauté souffrir. Daniel Kaluuya reçoit pour ce rôle des récompenses plus que méritées qui confirment son ascension hollywoodienne combinée à une dose d’engagement que peu d’acteurs osent afficher.

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