Yamê : “Les jams, c’est l’open mic des musiciens”

Yamê : “Les jams, c’est l’open mic des musiciens”

Tester et expérimenter sans jamais reproduire les mêmes schémas. Cette mentalité pourrait correspondre à l’esprit des jams. Cachés dans certains bars ou clubs triés sur le volet, ces lives voient des musiciens, leurs goûts et leur background se rencontrer pour des sessions d’improvisation uniques et sans artifices.

Si vous êtes un aficionado de ces jams, vous avez peut-être pu y croiser Yamê tant il les a écumés. Il y a puisé son amour de l’expérimentation et du mélange, deux mots qui caractérisent très bien sa musique où le rap, la soul, le jazz et la variété cohabitent avec la double culture franco-camerounaise de l’artiste. Yamê a su rendre accessible la complexité de son mélange d’influences musicales. D’abord sur TikTok où ses pianos/voix sont devenus viraux au point que Timbaland reprenne lui-même l’un d’entre eux, puis sur son dernier projet Elowi, où le morceau Bécane a permis à l’artiste d’atteindre le sommet du top Spotify viral monde, en décembre dernier. C’est donc le jammer le plus célèbre de France qu’on a reçu et interviewé à la fin du mois de janvier pour parler de jam sessions, de rap, de concerts, d’image et d’esthétique.

Comment tu as commencé la musique ?

C’est quand j’habitais au Cameroun. J’ai découvert la musique à travers ma famille, je m’y intéressais beaucoup parce que ça tournait à la maison. Ma mère écoutait pas mal de musique française, mon père beaucoup de musique locale camerounaise en plus de faire son propre son. Il y avait plein d’instruments à la maison, donc j’essayais un peu tous ceux que j’avais le droit de toucher et les autres aussi d’ailleurs (rires). C’étaient surtout les instruments qui étaient dans le studio de mon père que je n’avais pas le droit de toucher. Mais je me souviens qu’à l’extérieur du studio, il y avait un piano, j’ai sauté dessus. La musique commence comme ça pour moi et puis à l’école au Cameroun, je prends aussi des cours de piano : à l’époque, je jouais du piano tout le temps. À ce moment-là, ce n’était pas vraiment une passion mais plutôt un hobby. D’ailleurs, j’étais plus passionné par les jeux vidéo que par le piano par exemple. Je me réveillais la nuit pour aller geeker sur les PC déjà.

Après le Cameroun, tu arrives en France, en ayant perdu ta maman, dans une nouvelle culture, dans un nouveau pays, dans un moment difficile aussi, j’imagine. À cette période, quand tu arrives ici, à quoi tu te raccroches ?

En fait, ça allait parce que je suis né dans le 95, je suis parti au Cameroun de mes 5 à 10 ans et puis je suis revenu. Donc au Cameroun, pour eux j’étais le petit Français. J’avais un accent d’ici et puis quand je suis rentré en France, j’étais le petit Camerounais, surtout que je reviens dans le 17e arrondissement : il n’y a pas beaucoup de noirs dans les écoles.

Au final, en rentrant, il n’y a pas vraiment eu de choc culturel. Il y a énormément de choses qui diffèrent entre la France et le Cameroun, mais il y a aussi beaucoup en commun en termes de culture. D’ailleurs, quand les Camerounais bougent en Europe, ils vont souvent en France. Donc ça allait, juste le froid c’était dur (rires). Mais pour répondre à la question, c’est à ma famille que je me suis raccroché en arrivant. Même si là encore, ça allait. À la base, je suis de nature curieuse et très sociable donc je vivais le retour en France comme une nouvelle aventure : nouvelle école, nouvelle vie, nouvelles personnes… L’excitation du nouveau départ m’a aidé à faire le deuil et à garder l’esprit occupé.

L’aventure de la musique naît à cette période-là ?

En fait, comme mon père fait de la musique, il y a toujours eu des instruments chez moi. Même quand je ne pensais pas à la musique, il fallait qu’il y ait un petit piano à la maison, minimum. Concrètement, c’est quand j’ai eu 18 ans environ que j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la musique. Surtout à l’époque, je prends mon premier appartement étudiant et du coup, je fais ce que je veux. Je sors, je découvre les jams sessions, la musique live. Je découvre qu’il y a des gens qui vont sur scène, qui improvisent. Je découvre le jazz, la soul… Parce qu’à ce moment-là, je n’écoute pas autant de son qu’aujourd’hui. C’est vraiment quand je découvre les jams que je tombe dans le son. Du coup, j’y retourne souvent, je commence à jouer du piano avec d’autres musiciens, à comprendre un peu ce que c’est que la musique, ce que c’est de jouer en rythme et j’intègre les bases. Les jam sessions, il faut imaginer que c’est un peu comme l’Open Mic des musiciens. Tu y vas, tu t’entraînes, tu t’amuses, tu te fais des potes, un réseau.

Tu parles de rap et d’open mic, justement à quel moment le rap entre dans ta vie ? C’est une composante importante de ta musique et ton premier projet Agent 237, on peut le dire, c’est même un projet rap.

Le rap, j’en écoute déjà à l’époque, quand je vis au Cameroun, parce qu’il arrive depuis les États-Unis un peu en même temps que beaucoup d’autres influences américaines d’ailleurs. Donc j’en écoute mais c’est vraiment quand on rentre en France que je me prends le truc. Je découvre le rap français et depuis je n’ai jamais arrêté d’en écouter. Même quand je découvre les jams, je suis à fond dans le rap français. À cette période-là, le rap était présent dans ma vie mais c’était surtout dans mes écouteurs. Je ne rappais jamais, je n’imaginais même pas rapper ou écrire un texte. Je ne faisais qu’écouter. Même en jam, j’étais toujours au piano, je chantais très très rarement. Et puis dans les sessions on ne jouait pas trop de rythmiques pour rapper dessus.

À quel moment tu commences à envisager d’utiliser ta voix ? Parce que là de ce que tu me dis, tu écoutes du rap et tu fais du piano en jam. J’ai l’impression que tu te projetais presque dans un avenir de pianiste.

Mais carrément. Pendant les jams, comme je ne faisais que du piano je me demandais ce que j’allais faire. Je me disais : “Est-ce que je veux devenir pianiste ? Ah vas-y c’est chiant, il faut aller au conservatoire, il faut apprendre plein de trucs… Flemme”. Je n’étais pas trop scolaire et je voyais bien mes limites parce que quand tu vas en jam, tu vois des gars archi-forts. Ça te met une pression, tu te dis “pourquoi moi on va me sélectionner sur un projet et ce type-là, on ne va pas le sélectionner ?”. Donc je n’envisageais pas le rap. Quand j’ai commencé à poser, c’était le confinement. À l’époque, j’arrive un peu au bout de quelque chose. J’ai fait beaucoup de jam sessions, je connais bien, j’ai un peu mes habitudes et je n’apprends plus rien entre guillemets.

Crédits de l'interview
  • Photographie : Moïse Luzolo
  • Assistant photographie : Félix Devaux
  • Direction artistique et stylisme : Iris Gonzales
  • Production : Alice Poireau-Metge, Nicolas Pruvost, Léa Goux-Garcia
  • Set Design : Lucie Morey
  • Assistant Set Design : Hugo Culot
  • Maquillage et Coiffure : Camille Coyere
  • Journaliste : Lucas Désirée
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