Nicolas Winding Refn : un esthète audacieux, de la beauté à la violence

Entre érotisme et noirceur, femmes et hommes, art visuel et art auditif, Nicolas Winding Refn est un cinéaste à suivre. À travers plusieurs films, il nous immerge dans son idéal ironique de beauté sociale, arborant une ambiance des plus pesantes. Féministe ou au contraire misogyne, passionné ou furieux, on retrouve un Refn différent et évoluant à chaque création. Mais qui est-il vraiment ? N’est-il simplement qu’un réalisateur provocateur, indépendant, ou bien même classique ?

Nicolas Winding Refn est né à Copenhague, Danemark en 1970. Bercé dès son plus jeune âge dans le monde de l’audiovisuel avec un père monteur et une mère photographe, il intègre l’American Academy of Dramatic Arts à New York.

En 1996, le réalisateur sort son premier film ; Pusher – il s’agit ici du premier film, s’en suivra deux autres, créant une trilogie Pusher – . Frank, un trafiquant d’héroïne, amoureux d’une prostituée nommée Vic, se retrouve piégé financièrement après une transaction ratée. Au milieu de junkies, de loosers, de traîtres, Refn nous enfonce dans une civilisation malhonnête ultra réaliste. Du haut de ses 26 ans, Refn critique déjà les débordements liés au excès de la société. Le film est stylisé d’une caméra à l’épaule, créant une fiction qui ressemblerait presque à un documentaire. Sont révélés au grand public plusieurs de ses acteurs fétiches comme Mads Mikkelsen ou encore Zlatko Burić, que l’on retrouvera dans Bleeder.

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Bleeder est écrit, produit et réalisé par Refn en 1999. Au départ, c’est un grand succès au Danemark et aux pays frontaliers. Le film a même été présenté a la Mostra de Venise en 1999. Mais la société de production qui s’en occupait – Kamikaze – a immédiatement fait faillite. Bleeder n’a donc pu être distribué à l’étranger. Il y a un an de cela, Refn a racheté les droits. C’est donc pour cela que Bleeder n’est sorti dans les cinémas français que le 26 octobre 2016 ! Influencé  par Reservoir Dogs, NWR nous plonge tout d’abord dans un Copenhague simple et sans violence. Lenny, geek cinéphile incontesté, ne voit que par les films – avec de nombreuses références ; Stanley Kubrick, William Lustig, Tarantino, Wong Kar-wai, Bruce Lee – . Il est d’ailleurs considéré comme l’alter ego du réalisateur, alliant une sorte d’autisme et de génie. Lenny se fascine pour une vendeuse, Léa, et tente de la séduire maladroitement, avec pudeur et gêne. En parallèle Léo et Louise, couple peu aisé, attendent un enfant. Malheureusement Léo transforme sa peur de responsabilité paternelle imminente en violence incontrôlable. Et pour finir, Louis, frère de Louise, protège sa soeur à son propre péril. Ces trois histoires, intimement liées par d’étranges amitiés, se complètent. Entre la violence, la raison, et la tendresse maladroite, le spectateur ne peut que se sentir émotionnellement perturbé. De surcroît, l’ambiance sombre matérialisée par une musique et une caméra décandente – encore une fois caméra a l’épaule – , des transitions rouges, et un décor minimaliste, renforce un sentiment de surréalisme. Refn nous présente encore un vice de la société, et une de ses peurs ; la parentalité. Quelques années plus tard, et quelques films réalisés, NWR revient sur scène et pour de bon.

En 2011 sort Drive. Avec – cette fois-ciun succès international et le Prix de la mise en scène de la 64e édition du Festival de Cannes, le réalisateur s’impose enfin comme un des barons du septième art. Ce projet est majoritairement connu de tous ; le Driver vit à Los Angeles. Il est mécanicien et cascadeur le jour, mais devient chauffeur privé pour criminels la nuit. Sympathisant avec sa nouvelle voisine, celui-ci se retrouve embrigadé dans la mafia. Réagissant de manière sanglante à ce tournant – comme Leo dans Bleeder – le Driver se voit perdre la tête entre tendresse et violence. Il n’y a que très peu de dialogues, le film ne se synthétise que par des correspondances horizontales; la BO, signée Cliff Martinez, Kavinsky, Desire ou encore College, plonge le spectateur dans une atmosphère bien que lourde, mais magnifique. De plus, NWR s’est assuré que la couleur de chaque scène représente l’état d’âme du conducteur. Regroupant les thèmes de la violence, de la fascination d’un homme pour une femme, Refn dévoile enfin au grand public son caractère sombre.

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Difficile est d’oublier le flop en 2013 de Only God Forgives. Après une telle réussite qu’est Drive, NWR décide de faire son propre cinéma. Julian est exilé en Thaïlande avec son frère Billy.  Ils sont tous deux dirigeants d’un club de boxe thaï mais derrière cette façade sportive se cache un trafic de drogue. Peu après l’assassinat de Billy, Crystal, la mère des only-god-forgives-003deux Américains débarque en Thaïlande afin de rapatrier le corps de son fils défunt, et demande à son second fils vengeance. Ce film obtient un accueil partagé, car bien plus sensoriel et esthétique que ses précédents long-métrages. Ce thriller peut être considéré comme une expérimentation visuelle et encore auditive. Arborant des teintes rouges et orangées, tous les plans apportent un aspect pictural époustouflant. De plus le film à été tourné à Bangkok, lieu mythique du mystère. La musique, création de Cliff Martinez, est   robotique ; des accords mineurs d’orgue mixés avec des synthés et des arpèges reflétant la sombritude du contexte. La femme s’adonne à un rôle positif et négatif ; d’un côté muse et charmeuse, de l’autre vicieuse et malfaisante. Image de maternité, elle prend une place importante dans le processus artistique de Refn.

The Neon Demon est le dernier film de NWR, sorti en 2016.  Explorant les tréfonds de l’âme humaine, le cinéaste présente Jessie, adolescente de 16ans s’en allant à Los Angeles afin d’accomplir son rêve : devenir mannequin et modèle. Mais tout devient cauchemardesque lorsque celle-ci se rend compte que la beauté n’est pas qu’un avantage. Entre obsession, quête du beau et désir malsain, les femmes dans ce dernier long-métrage questionnent les idéaux esthétiques, tout en évoluant violemment. A travers une innocence complètement pure, tout ne se résume donc qu’à la noirceur.  Son scénario tient plus ou moins la route, et Refn ne démontre que son ambition parnassienne. Avec des séquences belles à couper le souffle, des néons flashy et une musique de podium, le spectateur ne peut que concevoir encore une fois un projet expérimental.

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Les liens de parenté, la violence, le féminin, et le sang deviennent alors la marque de fabrique du réalisateur.

 

Les années passent, les films du Danois évoluent. Reste-t-il une lueur d’espoir dans le monde de Nicolas  Winding Refn, ou restera t-il enfermé dans un processus artistique obscur ?