INTERVIEW : Caballero & JeanJass “On aime prendre des risques”

Views a rencontré JeanJass et Caballero à l’occasion de l’une des dernières dates de la tournée de leur premier album Double Hélice, sorti en avril 2016. L’occasion de discuter avec eux de leur prochain album, de leur tournée, de leurs projets futurs…

Vous pouvez vous présenter rapidement ? 

JeanJass : Moi c’est JeanJass, je fais du rap et de la prod depuis une dizaine d’année. Je viens de Charleroi, je fais partie d’un groupe qui s’appelle Exodarap, c’est la mot paradoxe à l’envers, et voilà.

Caballero : Moi c’est Caballero donc, rappeur de Bruxelles, je suis né à Barcelone et ça doit faire plus ou moins dix ans que je fais du rap, voilà je représente pas mal de gens comme mes potes Les Corbeaux, Back in the Dayz…

Vous êtes en tournée pour votre album Double Hélice, comment ça se passe jusqu’ici ?

Caballero : Super. Des supers bons retours, à tous les niveaux, que ça soit les scènes, les clips ou le projet…

Vous allez même faire une date à Medellin, c’est quoi cette histoire ?

JeanJass : Ça c’est des plugs. Des plans que seuls nous pouvons trouver. Mais on va rester un peu discret là dessus, tu vas voir y’a des infos qui vont arriver plus tard.

Le succès de Double Hélice et de la tournée, c’est ce qui vous a poussé à faire Double Hélice 2 ou c’est surtout pour le kiff de bosser à nouveau ensemble ?

Ensemble : Les deux.

Caballero : Ça motive en fait, vu qu’il y a eu un succès on se dit que c’est peut être la bonne formule et vu que ça s’est bien passé pour le premier bah on se dit, vas-y on va rekiffer, on va faire la même.

Et concrètement, vous faites comment pour écrire un album à deux ?

Caballero : En soit y’a pas vraiment une formule…

JeanJass : Tu vois, c’est chaque morceau a un peu sa propre recette, mais on a toujours bossé dans les mêmes studios, c’est comme ça qu’on en est arrivé à faire Double Hélice, on commençait par faire un morceau puis un autre morceau mais sinon on choisit les prods, et après on se pose et on cherche, on creuse, on travaille le refrain, et du refrain le thème vient naturellement.

Cover de l'album "Double Hélice" de Caballero & JeanJass
Cover de l’album “Double Hélice” de Caballero & JeanJass

C’est plus du track-by-track ou il y a un esprit plus général ?

JeanJass : Au début, il y a toujours une collecte de prods, et quand tu collectes une dizaine de prods…

Caballero : … Ça te fait un genre de squelette. Tout ce qui est écriture ensuite, un soir on peut se retrouver les deux à écrire en même temps, une autre fois on trouve juste le refrain ensuite on rentre chez nous et on écrit les couplets, un jour on écrit un couplet à deux parce qu’il y a du passe-passe dedans et le deuxième couplet… Je crois qu’on a fait toutes les formules possibles et imaginables.

“Si dans 5 ans on a une vie comme DJ Khaled, évidemment que moi aussi je vais snapper sur mon jet-ski”

Vous allez suivre le même modèle pour Double Hélice 2 du coup ?

Caballero : En soit, ça veut juste dire qu’on trouve à chaque fois une alchimie et peu importe la technique. C’est selon l’ambiance, selon le truc, on arrive à faire les choses, on essaie plus ou moins de recréer la même ambiance pour essayer de recréer les mêmes genre de délire, en mieux.

On a pas mal senti l’egotrip dans Double Hélice. Ça va donner quoi dans 5 ans quand vous aurez encore plus percé ?

JeanJass : Beaucoup plus de conneries.

Caballero : J’espère, beaucoup plus de conneries.

JeanJass : Imagine si dans 5 ans on a une vie comme DJ Khaled, évidemment que moi aussi je vais snapper sur mon jet-ski parce que je serai perdu dans la baie de Miami, parce que c’est con mais ça intéresse les gens.

Mais il y a pas ça en Belgique, à part la mer du Nord…

JeanJass : Bien sûr qu’il y a du jet-ski !

Caballero : Ouais il y a la mer du Nord quoi…

C’est moins sexy que Miami quand même.

JeanJass : C’est moins sexy mais bon… La mer du Nord quand il y a du soleil tu peux feinter, tu peux feinter.

Caballero : Nous on le rendra sexy.

JeanJass : Pour répondre plus sérieusement à ta question, tu vois l’egotrip on en faisait déjà il y a des années, c’est un truc qu’on kiffe faire tu vois, donc je vois pas pourquoi ça changerait. Si dans 5 ans j’ai un gosse, peut être que ça me donnera envie d’écrire un morceau sur ce genre de truc. Franchement, l’écriture c’est en fonction de l’ambiance, c’est quotidien et très spontané, je me dis pas « ah ouais il faut que je fasse ce truc là, ce thème en particulier ».

C’est vrai que c’est très éclectique ce que vous faites en général au niveau des thèmes. Comme par exemple le dernier morceau que vous avez sorti avec Lomepal au final ça n’a pas grand chose à voir avec l’ambiance de Double Hélice…

Caballero : Non, c’est des tests.

JeanJass : On s’amuse.

Ça va être quelle ambiance pour Double Hélice 2 ?

Caballero : Si tu veux, c’est un peu le 2.0 quoi, reprendre vraiment ce que les gens nous on dit préférer, tout en testant de nouveaux trucs parce qu’on va pas s’arrêter là non plus, donc tu peux t’attendre à ce genre de truc en mieux quoi. On veut vraiment découper ce qui dépasse et le rendre plus beau.

Prendre ce qui a marché et le rendre encore mieux ?

JeanJass : C’est l’idée.

Caballero : Oui mais pas seulement, parce que sinon ce serait un peu facile même pour nous dans la recherche artistique, on a envie aussi de tester des nouveaux trucs tout le temps.

JeanJass : On aime bien prendre des risques. Tu vois par exemple à l’époque, quand Caba a sorti Mérité, c’était une prise de risque. Personne ou presque ne rappait sur ce genre de tempo en France. On aime bien tester, ça fait partie de ce qu’on aime faire.

Caballero : On est au labo, on test, on fait des expériences.

En parlant de labo, vous avez lancé un KissKissBankBank pour financer la moitié de votre propre studio, c’est quoi l’objectif en montant ça ?

JeanJass : C’est vraiment d’avoir le vaisseau-mère idéal pour répondre à nos besoins, mais pas forcément qu’aux notre. Avec Seize qui est juste là, on est ingés-son tous les deux et on bosse avec un tas de gens, tu vois par exemple c’est moi qui enregistre Lomepal, presque tout ce qu’il a fait c’est moi qui l’ai enregistré, donc là ça va profiter à pas mal de gens. Il y a des gens comme La Smala qui finiront sans doute par enregistrer là bas aussi. Le but c’est vraiment d’avoir une espèce de QG, un endroit avec du matériel ultra-professionnel et le but c’est aussi toujours d’avancer, d’aller plus loin. D’avoir un studio parfait.

L’objectif c’est aussi de développer la scène culturelle sur Bruxelles ?

Caballero : Bah ouais bien sûr ca compte ! Évidemment si t’as pleins d’artistes qui passent au final parce qu’ils sont intéressés…

JeanJass : C’est un échange en fait !

Caballero : Du coup forcément on va un peu aider au développement culturel. Ça va de paire quoi. Si tu permets à des artistes qui n’ont pas de studio de faire de la musique, tu contribues à ça.

Ça va le faire vous pensez le KissKissBankBank ?

JeanJass : On a regardé ce matin on était presque à 80%. Il reste un peu moins de 15 jours… Tel qu’on nous l’a expliqué tu as beaucoup au début, ensuite un petit creux et la dernière semaine tu as plein de gens qui se pressent. Selon les estimations, on espère atteindre l’objectif.

(NDLR : Ils ont depuis largement dépassé le plafond de leur KissKissBankBank)

Au fond, vous faites du rap français ou du rap belge ?

Ensemble : On fait du rap francophone !

C’est quoi pour vous la principale différence entre la scène belge et la scène française ?

JeanJass : C’est comme si tu demandais la différence entre le rock américain et le rock britannique ou la différence entre la house de Miami et la house de Chicago tu vois, en soit, on sait pas. Pour nous qui sommes acteurs du truc, c’est encore plus difficile.

Caballero : Peut être que toi t’y vois pas tellement de différence, et c’est peut être qu’il n’y en a pas. C’est vrai, ça peut être ça aussi hein !

JeanJass : Regarde au final Di-Meh, qui est là en concert avec nous ce soir c’est pareil. Si tu le connais pas, tu vas voir son show, tu vas peut être absolument pas te rendre compte qu’il est Suisse. Franchement si nous on s’entend bien avec des gens comme Lomepal, comme avec Di-Meh, c’est peut être qu’on est forgé dans le même moule en fait.

Caballero : Après tu peux dire du vocabulaire, des expressions ou des accents… Mais après y’a plein de trucs qui nous rapprochent aussi. Et je pense qu’il y a plus de choses qui nous rapprochent que de choses qui nous divisent.

JeanJass : (Rires) C’est beau ce que tu dis…

Caballero, tu as sorti il y a pas longtemps un morceau avec Romeo Elvis, “Bruxelles Arrive”, qui a cartonné sur internet. C’est justement pour parler de cette scène belge qui arrive et qui fracasse tout ?

Caballero : Oui c’est pour dire exactement ce que tu viens de décrire, prévenir un peu même si en soit on peut dire qu’on s’est quand même déjà bien installés, les belges. On aurait pu sortir ce son il y a 1 an, là en soit on est déjà installés que ça soit avec la sortie de Damso, celles d’Hamza, avec nous aussi en 2016, la sortie de Romeo aussi… On a prouvé qu’on était arrivé.

JeanJass : Avant tout ça il y avait déjà La Smala qui avait déjà ouvert des portes à fond, qui avait sorti 2 projets qui avaient bien fonctionné.

La scène belge aujourd’hui, vous la voyez en plein progrès ?

Caballero : Totalement ! Je pense qu’il faut être aveugle pour pas s’en rendre compte. On entend plus que jamais en tous cas ce qu’il se passe de notre côté. Avant les gens ne mettaient peut être pas tellement les yeux sur nous.

Cette année il y a particulièrement Damso et Hamza qui ont bien fonctionné, ça a du être une bonne vitrine aussi au niveau du grand public…

JeanJass : Oui tout à fait. En plus ce qui est bien, c’est que personne se tire dans les pieds tu vois, Romeo il fait vraiment son truc à lui, nous je crois qu’on a notre délire, Hamza et Damso ils sont dans un style très particulier aussi. Damso par exemple, je l’ai rencontré qu’une seule fois, mais je sais qu’il a beaucoup de respect pour ce qu’on fait et de mon côté j’en ai aussi énormément pour sa musique, et il y a vraiment aucun point de conflit avec qui que ce soit. Il y a que de l’entraide. Je passe un peu de temps avec Krisy, l’ingé-son de Damso, on s’échange des trucs, on s’échange des drums, il y a toujours un échange et franchement, depuis que je fais ça, en 10 ans j’ai jamais senti une mauvaise atmosphère, au contraire il y a beaucoup de camaraderie chez nous. Il n’y a aucune raison pour qu’on se tire dans les pattes.

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Vous êtes des grands fans de rap américain. C’est qui les mecs les plus chauds aux États-Unis en ce moment ?

Caballero : Pour moi c’est Drake. Dans les chiffres aussi il y a pas photo.

JeanJass : Ceux qui font avancer le truc c’est Kendrick et TDE plus généralement (Top Dawg Entertainement, label de Kendrick qui regroupe notamment SZA, Isaiah Rashad…). T’as Drake, t’as A$AP et toute la scène du sud.

Caballero : Ouais, toute la scène du Sud à partir d’Atlanta…

JeanJass : Moi en ce moment je suis fan de 2Chainz, j’adore ce type, j’adore ses clips, il me fait vraiment rigoler ce mec. Il y a du bon partout.

Caballero : Il y a aussi 21 Savage… Lil Uzi Vert, Action Bronson aussi.

En parlant de Action Bronson, Caballero. T’as une grosse barbe, tu kiffes la bonne bouffe et les cigares, t’as un petit flow nonchalant, est-ce que tu es le Action Bronson de la scène francophone ?

JeanJass : (Rires) T’as oublié de dire qu’il avait aussi un autre point commun…

Caballero : Ouais, il y a quand même un bide qui est naissant mais je suis pas à son niveau. Mais c’est un honneur franchement, c’est une personne qui est super talentueuse, qui a une aura incroyable.

JeanJass : Il a trop de style ce type, c’est la définition même du cool. Action, il est cool. Tout est cool chez lui. Tout ce qu’il fait est cool.

Caballero : Il pue le charisme donc ça me dérange pas d’être le Action Bronson européen. Par contre c’est grâce à lui, enfin si on peut dire grâce à lui, c’est le premier que j’ai vu fumer des extraits donc de la max ou du BHO, enfin des concentrés, des huiles que tu fumes avec une petite pipe spéciale.

Même lui s’est effondré dans une vidéo après avoir fumé ça.

Caballero : C’est possible…

JeanJass : C’est un être humain.

Caballero : En tous cas, grâce à lui j’ai découvert ça et depuis, je suis super heureux dans la vie quoi. Je suis tout à fait content.

Pour finir. JeanJass, tu viens de Charleroi et t’es un grand fan de foot. Tu préfères que Double Hélice 2 fasse Disque d’Or ou que Charleroi gagne la Ligue des Champions ?

JeanJass : C’est ma ville mais je suis pas un fanatique de l’équipe, je suis un fan de foot en général. Mais vu que Charleroi c’est ma ville je suis à fond avec eux tu vois. Mais je préfère faire Disque d’Or.

Caballero : J’allais le tuer…

 

Vous pouvez retrouver Caballero & JeanJass sur tous les réseaux sociaux.

Entretien par Corentin Saguez et Léo Devaux / Photos par Léo Devaux