“More Life” de Drake : tout ce que vous ignoriez de l’album

Évoquée pour la première fois lors du 32ème épisode de OVO Sound Radio, More Life se devait d’être “la playlist de nos vies” selon Drake. Finalement sortie le samedi 18 mars, alors qu’elle était initialement prévue pour le mois de décembre, cette playlist n’a laissée personne indifférent.

More Life est le projet avec le plus de morceaux dans la carrière de Drake avec 22 titres, contre 20 dans Views et Take Care, 17 dans If You’re Reading This It’s Too Late, 16 dans Nothing Was The Same et 15 dans Thank Me Later et 7 dans So Far Gone. Le titre de cette playlist est un clin d’œil au morceau More Life de Vybz Kartel, un artiste qui a beaucoup inspiré Drake.

Une playlist éclectique

Dans “Free Smoke”, le premier titre du projet, Drake présente More Life en rappelant sa domination du rap et se sert de ce titre comme d’une démonstration de force. Le sentiment général du morceau est une invitation pour ses concurrents à se mettre au niveau et le détrôner si ils le peuvent.

On peut alors penser que le projet dégagera une certaine agressivité, à l’image de ce premier morceau. C’est au final tout l’inverse : Drake enchaine sur des titres à l’ambiance très différente, quasi paradoxale à celle de “Free Smoke”. Le projet rentre dans ce mood nouveau dès le troisième titre “Passionfruit”. On y retrouve l’amour de Drake pour les morceaux romantiques aux couleurs estivales et à l’ambiance caribéenne. L’artiste de Toronto évoque sa difficulté à maintenir une relation de longue durée et son manque de confiance envers la gente féminine. C’est le retour de Drake dans un morceau semblable à “Hotline Bling”, “Controlla” ou encore “One Dance”, un peu de zumba aux forts accents hip-hop. Nul doute que “PassionFruit” est destiné à devenir le single majeur de ce projet.

Drake place à nouveau ses relations amoureuses au centre de l’attention avec les morceaux “Get It Together” et “Teenage Fever”. À l’origine c’est Jennifer Lopez qui devait accompagner Drake sur “Get It Together”, c’est au final la très talentueuse Jorja Smith qui vient embellir le morceau de sa délicieuse voix. Quant à J-Lo, à défaut d’être présente sur “Get It Together” elle est probablement la personne à qui Drake fait référence dans “Teenage Fever”, d’autant que leur différence d’âge fait que Drake devait très probablement fantasmer sur elle pendant son adolescence. Une belle manière pour Drake dire qu’il a finit par séduire celle qui le faisait fantasmer des années auparavant. Il évoque aussi sa relation avec Rihanna et les conflits qu’elle a entrainée.

@jorjasmith_

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Drizzy & Jorja Smith

L’un des thèmes qui revient régulièrement dans ce projet est la place de Drake dans le rap et donc plus globalement son succès en tant qu’artiste. Dans “Gyalchester”, “Portland” “Sacrifices” et “Glow” on retrouve une version de Drake beaucoup plus narcissique, fier de sa réussite, qui tiens particulièrement à assouvir sa volonté de domination du rap. On en ressort avec le sentiment d’un Drake parfois paradoxale entre sa volonté de domination de ses rivaux et ses tracas amoureux évoqués avec fragilité.

Drake, toujours dans les sous-entendus

More Life est un concentré culturel grâce à de nombreuses références placées tout au long du projet, mais c’est aussi un projet qui se démarque par des attaques et des références très explicites. On peut en compter au moins sept de manière quasi certaine.

Dennis Graham : c’est le père de Drake, qui est lui aussi musicien même s’il n’est bien évidemment pas aussi connu que son fils. C’est lui que l’on retrouve sur la cover de la playlist, et ce n’est pas la première fois que Drake montre son père à son public, il était présent dans le clip de Worst Behavior.

Jennifer Lopez : dans Free Smoke, la phrase “I drunk text J-Lo/Old number, so it bounce back” signifie qu’il se passait clairement quelque chose entre les deux, mais elle a changé de numéro sans en informer Drake, ce qui est un message particulièrement explicite de rupture. Mais les références à J-Lo ne se limitent pas à ça, on peut noter le sample de sa chanson de 1998 “If You Had My Love” ainsi qu’une référence direct dans “Teenage Fever” que nous évoquions plus haut.

– Jay Z : la querelle entre Drake, Jay Z et Kanye dure depuis quelques années déjà et continue encore dans More Life. Dès le premier morceau, “Free Smoke”, Drake fait référence à Light Up (ancien featuring de lui et Jay Z, qui est dans l’album Thank Me Later de Drake, sorti en 2009). Dans ce featuring, Jay Z a donné quelques conseils à Drake pour survivre dans le rap game : “Drake, here’s how they gon’ come at you / With silly rap feuds, trying to distract you/ In disguise, in the forme of a favor / The Barzini meet, watch for the traitors”, et ces lignes seraient elles-mêmes une référence à un autre morceau de Jay Z qui date de 2001 (“Heart Of The City”) où Jay Z conseille aux personnes qui lui veulent du mal de simplement l’ignorer lui, ainsi que son succès. Les pics lancés à Jay Z dans “Free Smoke” montrent que Drake n’a pas pris compte des deux conseils de Jigga, et a choisi de participer aux “sales disputes du rap game” comme on a déjà pu le remarquer avec Meek Mill pendant l’année 2015 par exemple.

Tory Lanez : Drake avait déjà fait quelques allusions à Tory Lanez dans “Summer Sixteen” l’année dernière, surtout à travers cette phrase : “All you boys in the new Toronto want to be me a little / Oh it’s your time now, yeah, that’s what everybody say / Say you seeing ‘bout it when you see me, man, y’all never home anyway”. Drake a d’ailleurs copié le flow que Tory avait dans B.L.O.W. avec la phrase “You was never gang, gang, gang, gang … Six, six, six, six, six soon as I’m back in the city they throw a parade”. Tory Lanez vient aussi de Toronto, et une de ses mixtapes se nomme même “The New Toronto”.

Drake continue cette querelle dans “Do Not Disturb”, où Drake parle principalement de sa manière de supporter la pression due à son statut de superstar depuis la sortie de Views, c’est une sorte de “behind the scenes”. Mais il y a pourtant quelques messages subliminaux adressés à Tory Lanez : “If we do a song it’s like takin’ my kids to work with me / You overnight celebrity, you one day star / Swear I Told You that I’m in this bitch for eternity / I am a reflection of all of your insecurities / Behind closed doors, a lot of 6 God worshipping / Done talk now, ’cause there’s other shit that’s concernin’ me” ou alors à propos de l’ancienne petite amie de Tory, Leanne Sealey : “Remember when I bought Sealey the fake Chanel wallet / She knew that shit was a fraud but she never told me about it / Nowadays when we catchin’ up we just laugh about it / Can’t describe what my life is like when she asks about it”.

https://twitter.com/PutMeInnCoach/status/843248998857265152

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Meek Mill : il y a 10 mois de cela, Meek Mill a remixé “All The Way Up” et en a profité pour dénigrer à nouveau Drake, et relancer leur confit qui a commencé en 2015 avec Quentin Miller. Drake se devait de répondre, et il a réparti ses pics un peu partout dans More Life. On peut en retrouver dans Free Smoke : “How you let the kid fightin’ / Ghost-writin’ rumors turn you to a ghost? / Oh, you niggas got jokes” mais cette ligne laisse planer le doute car il pourrait tout aussi bien s’attaquer à Kid Cudi en faisait référence à son morceau “GHOST!”. Mais Drake ne s’est pas contenté de si peu, il en rajoute une couche dans Lose You : “All you did was write the book on garbage ass Rollies / Ego stroking, picture posting / Claiming that you’d do it for motivational purposes only, but you just had to show me / See I know because I study you closely, I know when somebody lying”. Ici, Drake nous explique qu’il suit son rival de bien plus près qu’on ne le pense. Ce qui expliquerait comment Drake a réussi à donner à Meek Mill un statut de “perdant” dans leur “bataille”.

Dans Can’t Have Everything, Drake nous dit clairement qu’il sait qu’il a “gagné” à travers cette ligne : “Tried to serve me a cheesesteak / I gave them back a clean plate”, qui sert à narguer une fois de plus Meek Mill. De plus, quand Drake dit “Tell your big homie I’m all for going there again” plus loin dans le morceau en faisant sans doute allusion à Rick Ross d’autant plus que ce dernier a sorti son album Rather You Than Me un jour après la sortie More Life. Album dans lequel le patron du label de Meek Mill dit avoir eu une conversation avec Drake pour régler la “folie” : “Had a phone call with Drake so we could fix the madness”. Pourtant, Rick Ross et Drake ont toujours eux de bons rapports et avaient même prévu la sortie d’une mixtape notée YOLO mais qui n’aura jamais vu le jour. Même si Rick Ross ne s’est jamais prononcé sur les querelles entre le rappeur de Toronto et celui de Philadelphie, la fait qu’il soit en contact avec Meek a généré quelques petites tensions avec Drake.

Nicki Minaj : Après une longue période de froid, Drake et Nicki Minaj se sont enfin réconciliés. Nicki était d’ailleurs même venue sur scène lors du premier concert de Drake à Bercy. Dans Ice Melts, Drake fait référence à Nicki : “Look, I want you to myself / But I know you juste left someone else / I know you did, he did a number on you” et cette personne que Nicki aurait quitté est bien évidemment Meek Mill.

Ces quelques lignes font d’ailleurs écho à celles de Drake dans Only (de l’album The Pinkprint, 2014) : “I never fucked Nicki, cause she got a mn / But when that’s over, then I’m first in line”. Est-ce un moyen de rabaisser Meek Mill ou un réel attachement envers Nicki ? Drake ferait-il d’une pierre deux coups en récupérant une femme qu’il apprécie beaucoup tout en montrant sa supériorité à Meek Mill ? Quoi qu’il en soit, Drake et Nicki semblent heureux de se retrouver.

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L’Angleterre à l’honneur

L’un des atouts de More Life est son format. En effet, étant officiellement une playlist, cela sous entend un vaste panel d’artistes, de genres et d’émotions différentes. Drake justifie ce choix à Nineteen85 en expliquant que même s’il est au sommet, il a encore beaucoup d’idées nouvelles et ne veut pas s’enfermer dans un seul style. Cette playlist serait donc un moyen de faire quelque chose de nouveau car il est très au courant de ce qui se fait en ce moment, et qu’il savait que More Life serait l’occasion de présenter de la nouvelle musique et des nouveaux artistes.

“More Life is interesting because this is him right on the peak of his biggest project yet [with Views], doing his biggest tour and still having so many good ideas that he just wants to put out without making it a big ordeal. That’s why he’s trying to call it a playlist because he has a bunch of people in a space, hanging out…. He’s so aware of what everybody else is doing musically that he likes to introduce new music and new artists to the rest of the world.”

Ça se traduit par la présence de nombreux artistes anglais et notamment issus de la grime tel que Sketpa (qui en est l’un des artistes majeurs) et Giggs. La présence de Sampha et Jorja Smith amène de l’étoffe au projet de part leur style aux antipodes des poids lourd du rap qu’a invité Drake. Cette présence en masse de la scène UK confirme le soin porté par Drake à ses collaborations ainsi que sa volonté de se diversifier à travers des courants musicaux qui ne sont pas les siens.

Cette présence de la scène anglaise est au final ce qui va diversifier More Life du reste de la discographie du canadien et plus globalement des albums de rap qui vont sortir outre-Atlantique cette année.

La conclusion, c’est Drake qui nous l’offre avec le morceau “Do Not Disturb” et la phase “Takin’ summer off, ’cause they tell me I need recovery/ Maybe gettin’ back to my regular life will humble me/ I’ll be back in 2018 to give you the summary/ More Life”. On comprend que Drake sera de retour en 2018 avec plus d’humilité. Pour le retour, c’est une évidence, pour l’humilité, on est en droit d’en douter.