Comment sont fabriqués les plus grands tubes de l’été

L’été bat déjà son plein et comme toujours, la chaleur et le soleil ont droit à leur bande-originale. Voici la recette suivie par les artistes et les producteurs pour la confectionner.

Comme chaque année, l’été est la saison propice aux hits qui suintent le soleil et la bonne humeur. Mais en se penchant de plus près sur les morceaux qui font danser la planète entière pendant une poignée de mois, un schéma répétitif saute aux yeux. Une construction musicale précise et presque infaillible, parfaite pour façonner un titre calibré pour les longues soirées d’été, sur le fond comme sur la forme.

Sur la forme

Une composante primordiale d’un tube de l’été est la bonne humeur que ce dernier dégage. Saison considérée comme celle du lâcher prise et de l’amusement, l’été doit avoir des sonorités qui correspondent à ce qu’il représente dans l’imaginaire collectif. Pour cela, les producteurs favoriseront très largement l’utilisation d’accords majeurs au détriment des accords mineurs. Ces premiers sont en effet globalement plus “joyeux” que les seconds cités, qui servent davantage à créer des mélodies mélancoliques et introspectives. Difficile en effet de trouver la trace un tube de l’été construit intégralement sur une progression d’accords mineurs. Outre la nécessité de s’appuyer sur des accords majeurs, n’importe quel tube de l’été qui se respecte doit briller de par sa simplicité. Aller à l’essentiel pour gagner en efficacité est l’un des objectifs principaux des artistes cherchant à faire danser la planète dès le mois de juin. Le schéma Intro-couplet-refrain-couplet-pont-refrain-refrain sera alors grandement favorisé, tout comme l’utilisation d’une mélodie “qui rentre dans la tête.” La simplicité et l’efficacité d’un tube de l’été doivent lui permettre d’immédiatement parler à l’affect de l’auditeur.

Le hook apparaît alors comme le pilier d’un bon hit estival, en étant souvent accompagné par une répétition poussée jusqu’à l’extrême. Les “I’m the one yeah” de Justin Bieber, “Gucci Gang, Gucci Gang” de Lil Pump, “Sit down, be humble” de Kendrick Lamar ou encore “Kiki, do you love me?” de Drake sur “In My Feelings” sont tous des exemples de ce procédé imparable pour pénétrer dans l’inconscient du public. Cette musicalité nécessairement enjouée s’accompagnera toujours d’un beat savamment travaillé. Il n’y a qu’à se remémorer le rythme imparable de “One Dance” de Drake pour s’en convaincre. Stephan Moccio, un collaborateur régulier de The Weeknd, explique que le bon rythme d’un tube de l’été doit être celui qui correspond au fonctionnement du corps humain : “On sait que 60 BPM marche, on sait que 64 BPM marche aussi. Nos coeurs battent à certains rythmes bien distincts.” 

La tropicalité du morceau apparaît également comme un point très important pour lui permettre de devenir un tube de l’été. Les ambiances caribéennes, les sonorités latino ou encore les rythmes de musique africaine sont de plus en plus vogue dans les morceaux hip-hop calibrés pour l’été. Basé sur le “I Like It Like That” de Pete Rodriguez en 1967, “I Like It” de Cardi B en est sûrement l’exemple le plus récent et percutant. La présence en featuring de l’icone mondiale du reggaeton Bad Bunny sur le tube de la rappeuse new-yorkaise vient bien confirmer cette tendance. Dans nos contrées, l’afro-pop de Vegedream et son “Ramenez la Coupe à la Maison” avait fait danser les Bleus et leurs fans tout au long de l’été 2018. Ces différentes sonorités tropicales, du point de vue d’un auditeur occidental, seront toujours irrémédiablement associées au soleil, à l’évasion et aux vacances dans l’inconscient collectif. Elles sont donc primordiales pour façonner un vrai tube de l’été.

Sur le fond

Comme sur le plan de la musicalité, les paroles d’un tube de l’été doivent être simplifiées à l’extrême, dans le style comme dans les thèmes. Le romantisme, le désir ou encore le goût de la fête sont en général les sujets qui marchent le mieux pour quiconque souhaite créer un hit estival. Childish Gambino l’avait prouvé l’an dernier avec les deux morceaux de son Summer Pack, en offrant de véritables odes à la musique de l’été, à tel point qu’ils pourraient presque sonner parodiques. Que l’artiste opte pour une romance sous fond de coucher de soleil ou un récit de soirée interminable, l’optimisme reste toujours le maître mot du tube de l’été. Une étude récente démontrait en effet que les termes les plus utilisés dans les morceaux ayant dominé le Billboard Hot 100 en juillet/août au cours des dernières années étaient : “love”, “baby” et “feel.” Et comme expliqué plus haut, la répétition d’un hook ou d’une punchline efficace sera primordiale pour imprimer le morceau dans l’esprit de son auditeur.

Un succès commercial passant toujours pas une diffusion massive en radio, les vulgarités et autres insultes sont bien souvent à prescrire pour éviter la censure à grands coups de “bip.” Cette tendance tend néanmoins à s’estomper progressivement, du fait de l’impact toujours plus impressionnant du hip-hop dans la musique mainstream et du succès phénoménal du rap dans les charts. Les rappeurs produisant de plus en plus de tubes de l’été, un honneur auparavant réservé aux popstars, il n’est pas rare de les voir apparaître en tant qu’artiste principal ou en featuring sur les morceaux les plus prisés de la saison. Le casting hallucinant de “I’m The One” réunissait par exemple Quavo, Chance The Rapper, Lil Wayne aux côtés de DJ Khaled et Justin Bieber, pour un morceau résolument pop, mais portés par les couplets de grands noms du rap US. Les guests sont eux aussi des incontournables pour réussir à cartonner dans les charts une fois arrivés aux beaux jours.

Enfin, le timing de sortie apparaît comme le dernier élément à analyser pour prévoir les futurs tubes de l’été. Un morceau qui cartonnera au plus chaud de l’été devra en effet sortir bien avant la période estivale. “One Dance” de Drake était sorti le 5 avril 2016, “I’m The One” de DJ Khaled le 28 avril 2017 et “I Like It” de Cardi B est sorti le 25 mai dernier. Avant d’inonder les ondes radiophoniques et les playlists du monde entier, un potentiel tube a en effet besoin de temps pour arriver à la consécration estivale. Le timing de sortie est donc un point crucial pour assurer un succès, le morceau ne devant pas sortir trop tôt dans l’année ni trop près du coeur de l’été.

Une méthode quasi-scientifique

Selon les analystes de l’application Shazam, la recette pour créer le parfait tube ensoleillé est la suivante : “Un tempo qui réunit à la fois une grande énergie et une ambiance chill, une mélodie avec un petit quelque chose en plus et des paroles motivantes sans en faire trop, qui révèlent une légère vulnérabilité.” Du côté de Spotify, un algorithme a même été créé par les développeurs de la plateforme de streaming pour identifier plusieurs semaines auparavant les morceaux qui marcheront le mieux une fois l’été venu. Cette algorithme de “Successful Summer Hit” correspond à l’équation suivante : Tempo + (Energie x 1.48) + (Potentiel dansant x 1.17) + (Acoustique x 0.17) + (Atmosphère optimiste x 1.14). Par ce biais, Spotify avait par exemple prévu le succès de “Despacito” bien avant l’engouement mondial suscité par le morceau de Luis Fonsi.

Un tube de l’été est rarement un coup de chance. Il est imaginé, construit, enregistré pour rencontrer le succès grâce à différents paramètres et autres règles à respecter. Le morceau qui rappellera ses vacances à quelqu’un est certainement beaucoup plus artificiel qu’un titre classique, mais il jouira toujours d’un capital sympathie indéniable dans l’inconscient collectif. A jamais associé à des souvenirs agréables et à un certain moment de vie pour son auditeur, le tube de l’été est définitivement un exercice de style à part dans l’industrie musicale.