Burberry fait table rase et peau neuve. Après avoir déblayé ses réseaux sociaux, la Maison a dévoilé la première expression créative de son nouveau directeur artistique, Daniel Lee. Une campagne aux airs d’amuse-gueule, qui promet d’embrasser son héritage.
Capturées par le photographe anglais Tyrone Lebon, les premières images de l’ère Daniel Lee débordent de symboles very British. Des roses, emblème de l’Angleterre. Un renard urbain, connu pour courir les rues londoniennes. Des cygnes, qu’on peut voir caresser la Tamise. Des averses, un parapluie. Le Trafalgar Square, l’Albert Bridge. Puis un casting quasi exclusivement britannique – Skepta, Raheem Sterling, Lennon Gallagher, Liberty Ross, John Glacier, Shygirl, Vanessa Redgrave et Jun Ji-hyun. Lee lui-même est originaire de Bradford, dans le Yorkshire de l’Ouest.
Dans le même souffle, la campagne révèle un logo et un chevalier équestre rafraîchis, empruntés aux archives Burberry. Le premier retrouve ses lignes empattées d’avant Riccardo Tisci. Le second, lui, fait partie des emblèmes de la Maison, comme le trench, le tartan et l’écharpe en cachemire. Introduit pour la première fois en 1901, il se réinvente en plus lisible et épuré. Avec son inscription latine « Prorsum », qui signifie « en avant », le sigle incarne pleinement la nouvelle approche de Burberry. Innover, en prenant bien appui sur ses racines.
Il y a quelques mois, Jonathan Akeroyd, PDG tout neuf de Burberry, annonçait placer l’identité historique de la Maison au cœur de son repositionnement. À la tête de Versace, déjà, Akeroyd avait opéré une stratégie similaire. Main dans la main avec Donatella, il avait revendiqué le glamour nineties, les motifs baroques, les dorures ou le cuir.
Daniel Lee a été choisi, entre autres, pour son habileté à assimiler l’ADN d’une Maison. À réconcilier le passé et le présent, la tradition et l’avant-gardisme. Chez Bottega Veneta, dont il a orchestré la renaissance, le créateur avait notamment remis au goût du jour le tissage intrecciato, savoir-faire signature du label.
Comme un être vivant, une marque a « des ancêtres, une histoire, des racines culturelles et géographiques. Elle est ancrée, non inventée », posent Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer dans l’ouvrage « Luxe oblige ». En restant fidèles à leur patrimoine, composant majeur de leur imaginaire symbolique, les griffes clarifient leur message et offrent des repères rassurants. Plus particulièrement dans un contexte de massification et de déracinement. On favorise une proximité culturelle avec les consommateurs locaux, et affective auprès d’un public global, par adhérence à une identité et des valeurs.
Sous la direction de Daniel Lee, Burberry met, là, en scène des pièces iconiques de sa collection Héritage. Des produits refuges, authentiques et réconfortants. Un vocabulaire stylistique autour duquel le designer bâtira son esthétique.
Depuis la pandémie de Covid-19 et les prises de conscience environnementales, on veut consommer moins et mieux. Retrouver la valeur du temps, de l’exigence et de l’attachement aux vêtements. Privilégier des incontournables, qui traverseront les saisons, plutôt que des pièces périssables, collant aux tendances du moment. En réponse à l’évolution des envies et des attentes, le luxe semble renouer avec l’intemporel. Sous l’influence streetwear de Riccardo Tisci, le langage de Burberry flirtait avec le confus, le brouillon. Comme la Maison anglaise, après des années de subversion créative, Gucci et Balenciaga, les deux locomotives du groupe Kering, choisissent elles-aussi de reconnecter avec leur essence. Dans une interview post-controverse auprès de Vogue, Demna confie ainsi vouloir « revenir aux racines de Balenciaga, qui sont de faire des vêtements de qualité, pas de l’image ou du buzz ».
Contraintes de se réinventer pour s’adapter au renouvellement générationnel de leur clientèle, certaines marques en ont parfois perdu leur âme. L’identité visuelle en est aussi l’une des manifestations. Nuée de logos Sans Serif majuscules et gras, nets, minimalistes et contemporains, mais surtout aseptisés, neutres, impersonnels. Dans un univers où l’Helvetica est roi, tout se ressemble. L’histoire et les empreintes distinctives sont sacrifiées sur l’autel de la modernité. Balmain s’allège copieusement. Balenciaga s’inspire de « la clarté des supports de signalisation installés dans les transports publics ». Saint Laurent abandonne son Yves et ses trois initiales entrelacées.
Pour Burberry, qui avait elle-aussi cédé au sobre et au simplifié, faire renaître son lettrage Serif signifie retrouver son caractère et son esprit d’origine.
L’enjeu du luxe d’aujourd’hui consiste à célébrer tout à la fois ses valeurs et les traduire dans le monde actuel. Savoir qui il est, pour savoir où il va.