Comment le Paris Saint-Germain est devenu le club de football le plus branché au monde

En moins d'une décennie, le PSG est devenu une marque à l'internationale qui fascine autant qu'elle génère de l'argent.

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Paris a rendez-vous avec l’histoire. Ce dimanche 23 août 2020, le PSG affronte le Bayern Munich en finale de la Ligue des Champions. Une rencontre en forme d’apothéose pour le projet initié par le Qatar en 2011. Si Paris n’est plus qu’à une marche du toit de l’Europe, après une décennie de galères continentales, de remontadas invraisemblables et de défaites crève-coeur, le club de la capitale n’a toutefois pas attendu neuf ans pour briller sur la scène internationale. Le Barça, Chelsea, Manchester City ou encore le Real Madrid ont beau avoir longtemps mis à mal les rêves de grandeur du PSG, le club dirigé par Nasser Al-Khelaïfi ne s’est pas fait prier pour enchaîner les triomphes en dehors des terrains. En moins de 10 ans, le Paris Saint-Germain a en effet su devenir une marque globale, rimant avec hype et sophistication, embrassant parfaitement l’identité d’une ville unique. Car si le PSG a l’occasion de prendre le pouvoir en Europe ce dimanche, son aura imprègne déjà une grande partie du monde.

Parler d’un “avant” et d’un “après” dans le football relève bien souvent du poncif. Pourtant, difficile de ne pas employer ces termes au moment d’évoquer la transformation entamée par le PSG à partir du 30 juin 2011. C’est à cette date que le club de la capitale passe officiellement sous pavillon quatari et entame donc sa mue. Depuis dix ans, Paris végétait. Après avoir brillé de mille feux lors des années 90, le Paris Saint-Germain décline progressivement dans les années 2000 et voit son image entachée par des guerres intestines entre ses supporters et des résultats catastrophiques sur le terrain. Si Qatar Sports Investment n’arrive pas sur un champ de ruine, tout reste à faire pour construire une grande équipe, et surtout, pour faire briller Paris à l’international. La puissance du Golfe voit en effet dans le PSG un potentiel inexploité. Pire, Paris ressemble à une anomalie : la ville la plus visitée au monde ne dispose pas d’un club de foot (re)connu à travers le globe.

Lorsque le Qatar rachète le PSG, le club écoule quelques 80 000 maillots par an. En 2020, ce chiffre flirte avec le million. En débarquant dans la capitale, QSI va afficher deux ambitions : soulever la Ligue des Champions et faire du Paris Saint-Germain une marque globale, à l’instar des mastodontes marketing que sont le FC Barcelone, Manchester United ou le Real Madrid. Trois clubs de référence en terme de rayonnement international, que le PSG va donc tout faire pour concurrencer. Le club veut devenir une franchise sportive à la renommée mondiale, capable d’écouler des centaines de maillots en banlieue parisienne comme dans les quartiers chics de Pékin ou de Los Angeles. Car dans le foot du XXIème siècle, ce n’est plus le supporter historique qui rapporte de l’argent à son club, mais bien le consommateur étranger, notamment asiatique ou américain.

Pour internationaliser sa fanbase, le Paris Saint-Germain doit avant tout passer par le terrain. Le nerf de la guerre du foot business n’est autre que les joueurs. Si Pastore rejoint l’aventure dès 2011, il faudra attendre l’année suivante pour voir débarquer la première méga-star de ce PSG new look : Zlatan Ibrahimovic pose ses valises à Paris. Le club commence enfin à rêver plus grand. Le suédois est présenté en grande pompe devant la Tour Eiffel, un monument central du projet qatari. En 2013, les équipes marketing du club dévoilent en effet un nouveau logo, qui fait la part belle à l’inscription “PARIS” et à la Dame de Fer, au détriment du “Saint-Germain.” L’idée directrice est claire : le monde entier connaît la ville et son monument emblématique, aucun étranger n’a entendu parler de la ville du 78. Ces premières révolutions identitaires sont amorcées par Jean-Claude Blanc, véritable génie du sport business nommé par Nasser Al-Khelaïfi au poste de directeur exécutif du PSG en 2011. Dès sa nomination, le savoyard souhaite parler à un public qui n’est pas fan du Paris Saint-Germain, qui n’est même pas forcément intéressé par le foot. Pour Blanc, le PSG doit séduire à l’étranger et dépasser les frontières de son sport.

Pour cela, Paris n’hésite donc pas à s’affranchir de son passé pour poser de nouvelles bases. Quand Zlatan déclare qu’il n’y avait “rien à Paris avant lui”, aucune voix ne s’élève au sein du club pour le reprendre. Quand un David Beckham en pré-retraite rejoint le club pour 6 mois, les ventes de maillot explosent en Asie et le PSG s’immisce sur ce continent en forme d’eldorado financier. Paris se pare progressivement de strass et de paillettes, les stars présentes sur le terrain attirant celles en tribunes. Le Parc des Princes devient le centre névralgique du soft power parisien, le stade de la Porte de Saint-Cloud affichant complet à chaque rencontre et accueillant surtout le gratin du showbiz mondial dans sa célèbre corbeille. Stars du divertissement, de la politique et grands patrons se battent pour avoir le droit d’accéder à ce carré de 155 places, devenu en quelques années l’endroit le plus en vue et le plus exclusif de la capitale. Avec sa corbeille, le PSG affirme son ADN glamour et sa nouvelle puissance. Leonardo DiCaprio, JAY-Z, Beyoncé, Rihanna ou encore Kendall Jenner côtoient les PDG du CAC 40 et divers figures politiques, comme Nicolas Sarkozy et Anne Hidalgo, qui entourent régulièrement Nasser Al-Khelaïfi.

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Le Parc des Princes (et sa boutique) devient une étape incontournable pour les touristes de passage dans la capitale, stars comme anonymes. Car à l’étranger, le PSG étend de plus en plus son influence. La tunique parisienne est massivement adoptée par des rappeurs, des mannequins et des stars de la NBA. Peu soucieux de respecter l’identité historique du maillot Hechter, le Paris Saint-Germain va alors accompagner la montée fulgurante de la tendance foot dans la mode. Une évidence pour la capitale mondiale de cette industrie. Le PSG développe son ADN lifestyle à vitesse grand V, notamment via des partenariats avec le regretté concept-store colette et des collaborations avec des marques pointues. Le club devient hype, s’associe à des labels comme Afterhomework, Commune de Paris ou encore Koché, qui dévoile en pleine Fashion Week une collection qui acte l’union entre le PSG et la haute-couture. Parallèlement à ces partenariats haut-de-gamme, le PSG enchaîne les collab’ grand public avec un groupe comme les Rolling Stones ou des marques comme Levi’s, Hugo Boss et Hello Kitty. Les équipes marketing du Paris Saint-Germain jouent sur plusieurs tableaux, de la mode à la musique, en passant par l’art, des domaines tous aussi importants les uns que les autres dans la construction de la marque PSG. Et ça fonctionne.

Le 8 mars 2017, Paris se rend au Camp Nou pour affronter FC Barcelone en 8ème de finale retour de la Ligue des Champions, après avoir remporté le match aller 4-0 dans un Parc des Princes en ébullition. La suite est connue de tous. Le PSG prend une claque historique (6-1), démocratise les remontadas en LDC et devient la source de moquerie de la planète foot. Pour le Qatar, le camouflé est terrible. Le PSG a beau être devenu une force commerciale de premier ordre, le sportif ne suit pas encore sur la scène européenne. L’été 2017 doit acter la deuxième phase du plan QSI. Paris va alors dépenser 400 millions d’euros pour s’attacher les services de Neymar et de Kylian Mbappé, signant ainsi les deux plus gros transferts de l’histoire du foot. Le feuilleton Neymar tient en haleine les fans pendant de longues semaines, jusqu’à la présentation pharaonique du brésilien devant des fans en transe. Paris tient enfin son icône mondiale, dont la résonance dépasse de très loin le cadre du foot. Une star planétaire, suivie par des centaines de millions de personnes et égérie de dizaines de grandes marques. Non content de s’offrir l’un des trois footballeurs les plus médiatisés au monde, le PSG sécurise aussi cet été là Kylian Mbappé, appelé à emboîter le pas de Neymar en terme de renommée.

Pour une grande partie de la nouvelle génération, de moins en moins imprégnée de culture foot au sens propre du terme, les joueurs sont plus importants que les clubs. Plus qu’un club, c’est un joueur que l’on suit. Preuve en est, le PSG signe en 2017 un maillot extérieur jaune Brésil, un cadeau non dissimulé à Neymar et à l’héritage auriverde du club. Le jersey away cartonnera à l’international, dépassant largement les ventes de la tenue domicile. Pourtant, le meilleur reste à venir. En septembre 2018, le Paris Saint-Germain devient le premier club de foot de l’histoire à s’associer à Jordan Brand. Teasée en grande pompe, avec l’aide des concerts de Travis Scott au Cabaret Vert et de Beyoncé au Stade de France, cette collaboration se retrouve sold-out en quelques secondes. Le PSG se retrouve ici associé à une marque mythique, incarnée par ce qui est sans doute le plus grand sportif de tous les temps. “Je pense que c’est très important que nous puissions réussir à toucher plus de fans parce que la marque Jordan, c’est l’Amérique du Nord, l’Asie, la Chine… C’est énorme” expliquait à l’époque Nasser Al-Khelaïfi. “Cette collaboration va nous aider à toucher des fans qui ne s’intéressent pas ou n’aiment pas forcément le foot. Avec notre ligne ‘lifestyle’, on va pouvoir par exemple toucher plus de gens : les enfants, la jeunesse, les femmes. C’est l’un de nos objectifs avec ce partenariat : attirer plus de fans.” En quelques mots, le président du PSG résume l’offensive engagée par son club depuis plusieurs années.

Suivront une collaboration avec BAPE, un nouveau défilé salué de la part de Koché, un maillot floqué en mandarin à l’occasion du Nouvel An chinois, des tournées de pré-saison aux quatre coins du monde, une ouverture de boutique à Séoul, une gamme d’objets #PSGLimited… La marque PSG parvient désormais à couvrir les besoins de tous les types de consommateurs à travers le monde. La croissance folle de la marque Paris Saint-Germain va jusqu’à intéresser les grands pontes de l’économie mondiale, le magazine Forbes en tête. L’an dernier, la célèbre revue américaine révélait que le PSG se classait au second rang mondial des clubs de ayant le plus amélioré leur valorisation en 10 ans. Plus récemment, c’est la prestigieuse Harvard Business School qui a rendu publique son étude sur le développement du club de la capitale au cours de la dernière décennie. En voici les principaux enseignements :

  • Entre la saison 2010-2011 et la saison 2018-2019, les recettes du PSG ont été multipliées par 6,7, passant de 95 millions d’euros à 637 millions d’euros
  • En huit ans, les recettes commerciales (sponsoring, merchandising, partenariats) du club parisien ont été multipliées par 12 et sont ainsi passées de 26 millions d’euros à 366 millions d’euros.
  • Entre 2011 et 2020, le PSG est passé de 500 000 à 81 millions de followers sur les réseaux sociaux.

En plus de donner le tournis, ces chiffres prouvent que Paris est en passe de réussir son pari, du moins en dehors des terrains. Réagissant à la parution de l’étude d’Harvard, le président Al-Khelaïfi a réaffirmé les ambitions de grandeur de son club : “Le Paris Saint-Germain va poursuivre son projet de devenir l’une des trois plus grandes marques sportives de la planète à tous points de vue : recettes, puissance de la marque, impact sociétal et, surtout, réussite sportive.” Considéré par Brand Finance comme le “club avec la plus forte croissance économique en Europe”, Paris ne semble pas rassasié. Au début de l’été, le club de la capitale a en effet annoncé la signature d’un partenariat de 10 ans avec Fanatics, le leader mondial du merchandising sportif. L’entreprise qui travaille déjà avec la NBA, la NFL, le Tour de France et Manchester United (entre autres) aura ainsi pour objectif de tripler le chiffre d’affaires du PSG dans le e-commerce au cours des 3 prochaines années. Selon les données révélées par CNBC, le PSG possède actuellement 5000 produits sous licence. En s’alliant avec Fanatics, le club ambitionne de proposer plus de 10 000 produits estampillés Paris Saint-Germain.

C’est un fait incontestable, le PSG est désormais un mastodonte du football mondial. Outre ses succès marketing répétés au fil des ans, Paris s’apprête à disputer sa première finale de Ligue des Champions. Le secteur sportif s’est enfin montré à la hauteur du travail de fond réalisé hors-terrain, afin de faire fructifier la marque PSG. Un travail qui paraîtra toutefois bien dérisoire aux yeux des fans réunis devant leurs écrans ce dimanche sur les coups de 21 heures. Il n’y a plus que 90 minutes, au maximum 120, qui séparent les parisiens d’un sacre historique. Une défaite ne marquera pas évidemment pas la fin de la croissance du PSG. Une victoire, à l’inverse, prouvera au monde entier que le Paris Saint-Germain n’est pas qu’une simple force de vente. C’est au terme d’une saison rocambolesque, marquée par les sifflets inauguraux contre Neymar, un huitième de finale dans un Parc vide, une pandémie mondiale, une qualification signée Choupo-Moting et une nuit de fête dans un hôtel lisboète que Paris a rendez-vous avec l’histoire. Rien d’illogique pour un club qui n’a jamais rien fait, et qui continuera de ne rien faire comme les autres.

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