Views a rencontré Luke Wood, PDG de Beats by Dre, leader mondial dans le domaine des casques audio. L’occasion de parler de son entreprise, de sport et surtout, de musique.
Confortablement installé sur le canapé d’une suite d’un très chic hôtel parisien, Luke Wood nous reçoit avec un grand sourire. Tout juste rentré d’une promenade dans les rues ensoleillées de la capitale, le CEO de Beats by Dre, Stan Smith aux pieds, respire la bonne humeur et nous met immédiatement à l’aise. Vétéran de la musique malgré son jeune âge, Luke Wood nage dans le milieu depuis plus de 20 ans, tout d’abord via son groupe de rock Sammy dans les années 90, puis en travaillant chez Interscope aux côtés de l’un des deux fondateurs de Beats, Jimmy Iovine. Grand acteur de la vente de la marque à Apple pour 3 milliards de dollars en 2014, Luke Wood est aussi habile en affaires qu’il est cultivé sur le plan musical. A peine a-t-il eu le temps de descendre un verre d’Evian qu’il se fait une joie de répondre à nos premières questions.
Views : Selon vous, sur quoi est bâti le succès de Beats ?
Luke Wood : Beats est construit sur une passion fondamentale, primaire même, pour la musique et pour le son. Dr. Dre et Jimmy Iovine essayaient de résoudre deux problèmes. Le premier était l’écroulement de l’industrie du disque. Peu importe comment on partageait les parts entre les artistes, les managers, les labels, les producteurs… Le fait est que personne n’était bien payé. C’était il y a longtemps maintenant, mais il faut se rappeler que début 2000, l’industrie du disque représentait 35 milliards d’euros. Sept ou huit ans plus tard, elle n’en valait plus “que” 15 milliards. Dans n’importe quel secteur, si on retire un tel capital, tout le système s’écroule. La réflexion qu’ils ont eu était la suivante : “Comment peut-on redresser notre industrie ?” La musique a une valeur intrinsèque, les gens aiment écouter des morceaux et c’est important dans leur vie. L’autre problème majeur était le son. Le concept de qualité audio, si tu mets de côté ce petit groupe de geek du son, dont je fais partie avec beaucoup de mes amis, ce n’était pas du tout quelque chose qui intéressait le grand public.
Tout part donc de la montée téléchargement illégal et de la dématérialisation de la musique dans les années 2000 ?
Les premiers lecteurs MP3, puis les iPods ont rendu ça pratique de stocker de la musique dans un petit objet et d’aller chercher des morceaux sur internet. Je ne suis pas nostalgique des vinyles, des cassettes, des compilations, des CD… Je suis nostalgique de l’idée de découvrir une oeuvre musicale et de découvrir sa valeur dans une histoire globale, quand elle devient partie intégrante de votre vie. Une grande partie de cette expérience est lié au son. Si le son n’est pas ce qu’il devrait être, l’histoire que la musique raconte ne sera pas ce qu’elle devrait être. Je travaille avec Jimmy Iovine et Dr. Dre depuis 2003. On a dédié nos vies entières à l’audio. J’ai passé trois heures dans un studio d’enregistrement hier… (Il hésite) C’était comme retourner à la maison. Tu sais ce sentiment qu’on a à Noël quand on rentre chez ses parents ? Je le ressens quand je pénètre dans un studio d’enregistrement, avec toutes ces lumières, tous ces boutons. Tout ce que je vois c’est des opportunités et de la magie à créer. Tout ce que j’entends c’est les choses que l’on peut faire. Les produits Beats essaient de reproduire le son qu’on entend en studio car c’est le vrai son. Bien sûr, le marketing est tout aussi important pour nous, car si on ne se fait pas remarquer, les gens ne découvriront pas nos produits. S’ils ne nous découvrent pas, ils n’entendront pas une bonne qualité audio et ils n’apprendront pas. Aussi passionné qu’on était en studio avec Dre et Jimmy à enregistrer des albums, on était tout aussi passionné pour les promouvoir et créer de l’engouement autour d’eux. C’est le coeur de l’ADN de Beats.
Comment votre marque imagine, crée, pense ses produits ?
C’est une idée globale pour nous. Tout repose sur l’expérience produit. Ça commence évidemment par la qualité elle-même, la qualité audio mais aussi la qualité de confection de l’objet, la sensation qu’on a en le portant. Est-ce qu’il est agréable à utiliser ? Combien de temps dure-t-il ? Est-ce qu’on peut le faire tomber ? On veut créer un produit haut-de-gamme et facile à utiliser pour le public. Il faut penser à absolument tout, de la couleur des coussinets jusqu’au packaging du produit fini. C’est un savoir-faire qui est très lié à notre expérience dans l’industrie musicale. Quand j’étais en studio en train de finaliser un album, je commençais à penser à la cover, à la lumière à utiliser pendant la tournée, au merchandising, aux clips à tourner… En gros, à penser à toute l’expérience autour de la musique. La musique qui compte dans une vie est basée sur une idée forte. Cette idée se forme sur la somme de toutes ces petites décisions. A la fin de cette interview, je vais appeler mon bureau à Los Angeles et on va se mettre à bosser. Si tu savais le nombre d’heures qu’on passe sur les LED qu’on met sur nos casques, pour obtenir la lumière parfaite de jour comme de nuit. Tous ces petits détails représentent des milliers d’heures de boulot.
Tout ce travail a-t-il amené les produits Beats à devenir un objet culturel à part entière ?
Je porte un regard post-marxiste sur la culture. Je vois tout comme un objet culturel, à l’exception des besoins primaires qui nous permettent de continuer à vivre : boire, manger, dormir, se reproduire. En dehors de ça, tout le reste peut être considéré comme de la culture. Toute la culture sert à montrer notre singularité en tant que personne et aussi notre appartenance à un groupe social. Bien sûr, il y a des formes élevées de culture comme la peinture ou l’opéra et à côté la culture de masse. Mais plus je m’intéresse à ces concepts, que ce soit les sneakers qu’on porte, les voitures qu’on conduit, les emojis qu’on envoie, tout ça fait partie de la culture. Beats a un rôle important car en tant que bien culturel, la marque est porteuse de beaucoup de sens. On veut jouer sur le plan de la musique, de l’émotion, de la différentiation. Mais on veut aussi véhiculer des valeurs de groupe, d’un groupe qui réunit les fanatiques de musique. C’est une grande fierté de voir que Beats a réussi à réunir toutes ces personnes dans une même communauté.
Cette communauté a d’abord été soudée autour de l’un des deux fondateurs de la marque, Dr. Dre. Dans quelle mesure sa personnalité et son savoir-faire ont-ils influencé le succès de Beats ?
Dre c’est Michael Jordan. Michael Jordan a changé le basketball pour toujours. Il y a un avant et un après Jordan. Dre a fait la même chose parce qu’il a changé la façon de faire la musique pour toujours. Il y a d’abord eu le hip-hop dans les années 70, qui passaient dans le quartier de Jamaica dans le Queens. Puis plus tard, il y a la naissance des MC et des rappeurs. La plupart de ces gars utilisaient des 808’s, des breakbeats, des choses assez simples sur le plan technique. Dre est arrivé et a dit : “Le hip-hop peut être une symphonie. Le hip-hop peut tout être.” L’inspiration peut venir de Parliament, de Jimi Hendrix, de NWA, d’absolument tout les genres. Bien sûr il y a les 808’s et les breakbeats, les 909’s, mais il peut aussi y avoir des trompettes, des basses langoureuses, des instruments acoustiques. Il a renversé la table en rendant le hip-hop mélodique et musical. Le son du hip-hop était changé à tout jamais. Il a challengé tout le monde et tout le game a dû lui répondre. Il n’a quasiment jamais associé son aura à d’autres produits. Il est juste resté en studio à produire et enregistrer des projets. Est arrivé cette opportunité de se lancer dans le marché de l’audio, il en a discuté avec Jimmy Iovine et ils ont créé Beats. Dre ne voulait pas créer de merchandising, Dre ne voulait pas créer sa marque de fringues. C’est un producteur. Il a fait ce qu’il y avait de plus en accord avec sa personnalité.
Pourtant avant lui, de nombreux grands noms ont lancé leurs propres marques.
Le vrai courage de Dre est d’avoir dit non à tout le monde. JAY-Z cartonnait avec Rockawear, Diddy avec Sean Jones, 50 Cent faisait même de l’eau énergétique avec Vitamin Water ! Le constat global est que beaucoup de stars du hip-hop faisait un business qui n’avait rien à voir avec la musique. Dre nous a dit : “Ce n’est pas qui je suis.” Il savait qui il était : Un homme de son.
Au cours des 10 dernières années, de nouveaux styles de productions ont émergé, comme le Cloud Rap, des productions plus atmosphériques… Pensez-vous que la popularité des casques audio aient un rapport avec ces évolutions ? De nos jours, beaucoup de morceaux semblent faits pour être écoutés au casque et non via des hauts-parleurs.
(Il réfléchit longuement) C’est une excellente question. Les gens me parlent tout le temps de la façon dont on retranscrit les basses, car nos casques capturent les fréquences entre 80htz et 120htz et font résonner les 808’s. Vous me parlez du delay et du reverb, surtout dans la trap non ? Je pense que vous avez absolument raison et j’ai déjà pensé à ça ! La première fois que ça m’a effleuré l’esprit c’est quand j’ai entendu les débuts d’A$AP Rocky. Il a ces prod’ avec des triple delays incroyables, c’est tellement planant que c’est vraiment quelque chose à écouter au casque. Jamais sa musique n’aura la même résonance dans une voiture ou au travers d’une enceinte. Il pense à ces sonorités uniques grâce à l’expérience casque. Je ne peux pas dire que Beats est responsable de ça, mais on peut avancer sans danger que la prolifération des casques audio depuis une dizaine d’années a permis aux artistes de créer de plus en plus de productions de ce style.
Outre les cultures urbaines, l’autre pilier de Beats est le sport. Comment est-ce que votre marque et le monde du sport sont devenus indissociables ?
Tout commence avec LeBron James. LeBron et son manager ont rencontré Jimmy Iovine pour bosser sur la musique d’un documentaire qui lui était consacré. Pendant qu’on travaillait dessus, LeBron se préparait à partir au J.O de Pékin en 2008. A cette époque là, on sortait juste notre tout premier casque audio. On est dans le bureau de Jimmy et LeBron lui demande “Tu peux m’en donner 12 pour toute la Team USA ?” Ça nous semblait être une bonne idée et surtout une idée peu couteuse. Quand ils sont descendus de l’avion à Pékin, LeBron et tout le Team USA avait nos casques vissés sur le crâne. Ce n’était pas du tout une opération promotionnelle, les joueurs portaient juste les casques parce qu’ils les avaient portés dans l’avion ! Les images sont passées sur toutes les TV américaines. Le buzz était lancé.
Tout part donc de 12 casques offerts gratuitement ?
Oui, sans aucun doute. Cette expérience inattendue a été le début de notre relation avec les athlètes du monde entier pour comprendre comment ils se servaient de la musique. On savait que le hip-hop était très important dans les vestiaires de NBA, de NFL et de foot. Mais on avait jamais pensé à l’importance de la musique dans la performance sportive. On la voit comme un plaisir, mais pas comme un moyen de préparer un exploit sur le terrain. Plus on discutait avec des athlètes, des footballeurs américains, des joueurs de foot en Europe, en Amérique du Sud, des stars de la NBA, des joueurs de tennis, on entendait toujours la même chose : “J’ai besoin de me concentrer.” Dans certains sports, les athlètes ont besoin de spécifiquement visualiser ce qu’ils vont faire, comment se placer, et nos casques leur permettent de bloquer toutes les nuisances extérieures. La musique les fait monter en puissance, mais elle leur permet surtout de se retrouver seul avec eux-mêmes.
On peut donc dire que la musique est un équipement comme un autre pour les plus grand sportifs au monde ?
Exactement ! Les casques font partie intégrante de leurs matériels, au même titre que les crampons d’un footballeur ou les gants d’un boxeur. La musique est vitale pour leur préparation. Quand on a recueilli tous ses témoignages, on a commencé à raconter cette histoire au public car elle était puissante. Je cours très souvent et la musique m’accompagne nuit et jour. Si je n’ai pas mes écouteurs PowerBeats, je ne vais même pas courir, ça serait de la torture.
Malgré ses liens évidents avec le sport, Beats a été banni des Jeux Olympiques et de la Coupe du Monde de football. Comment avez-vous réagi suite à cette éviction ?
On a été très surpris car on sait à quel point nos produits comptent pour de nombreux athlètes. Certains sportifs utilisent les casques de nos concurrents, d’autres utilisent les nôtres. Le fait est qu’ils avaient déjà ces produits, il était dans leur sac. Selon moi, cette décision était un peu non-égalitaire. Disons que vous êtes un coureur de fond et que vous allez vous élancer pour battre le record du monde du 10 000 mètres. Vous êtes assis pendant une heure à attendre le début de la course et vous allez probablement vouloir écouter de la musique pour être concentré et entrer dans la course. Vous pouvez utiliser Beats, vous pouvez utiliser les produits de nos compétiteurs, ça ne m’importe pas. Je serai plus content si c’est un casque Beats mais ça ne compte pas (rires). J’étais surpris car cette décision est purement motivée par des conflits économiques. De notre côté, on voit simplement les casques comme un moyen d’écouter du son, un équipement à part entière pour les athlètes.
A l’occasion de la dernière Coupe du Monde, Beats a frappé fort avec la campagne Made Defiant et des collections de casques pour les sélections nationales majeures. Les footballeurs sont-ils vos meilleurs ambassadeurs ? Après tout, c’est le sport le plus universel au monde.
Je ne pense pas qu’une discipline ou une ligue en particulier prime sur les autres. Tout tourne autour des athlètes et de leurs personnalités. J’ai un exemple qui illustre bien ça. On travaille avec le boxeur Anthony Joshua et pour lui, la musique est extrêmement importante. Un jour, il m’invite à l’O2 Arena de Londres où il défendait sa ceinture de champion du monde poids lourd. Il met son adversaire K.O. Vingt minutes après qu’il ait mis l’autre au sol, il est assis tranquille dans les vestiaires avec nous. La boxe est quand même très intense, surtout en poids lourd. Il va sur le ring, risque sa vie et met son adversaire au sol. Et vingt minutes après le combat, dans son vestiaire et alors qu’on lui enlève ses gants, la seule chose dont il souhaite me parler c’est les nouveaux artistes grime qu’il écoute en ce moment. Les autres lui parlaient de son combat, de sa victoire, mais Anthony Joshua voulait juste parler de Skepta avec moi. Personnellement, si je me bats contre un champion poids lourd, vingt minutes après le combat je suis assis dans la douche en train de pleurer (Il éclate de rire). Serena Williams fonctionne exactement comme Anthony Joshua. Dix minutes après la fin de son match elle va commencer à parler de sa playlist du moment. Pareil pour LeBron James. Neymar est aussi complètement obsédé par la musique. Tous ces sportifs pratiquent différentes disciplines, mais ils ont tous un point commun : Une passion sincère pour la musique. Dès que vous parlez de ce sujet avec eux, ils se sentent comme des poissons dans l’eau.
Pendant la Coupe du Monde, l’enceinte Beats de Presnel Kimpembe est quasiment devenu un meme sur les réseaux sociaux. On l’a vu partout, pendant toute la compétition. Vous vous attendiez à ça ?
Absolument pas, tout était vrai, ce n’était en rien du marketing. Il l’a depuis des années, ce n’est pas comme si on lui avait donné pour qu’il la montre pendant la Coupe du Monde. C’est intéressant de voir comment les enceintes sont différentes des casques. J’adore les enceintes (Il se lève et va chercher une Pill One d’un bleu ciel de toute beauté). Je ne peux pas la donner car elle est unique au monde, j’ai créé la couleur moi-même sur l’ordinateur. C’est important d’avoir un certain équilibre dans sa gamme de produits audio, car les casques sont synonymes d’une expérience d’écoute solitaire. Les enceintes portables sont tout l’inverse, elles sont synonymes de communauté, de partage et d’amusement en groupe.
Cela voudrait-il dire que Beats est en train de changer de stratégie pour s’adapter aux nouvelles façons d’écouter de la musique ?
Nous voulons être présents partout où le son est présent. On vient de fêter nos 10 ans, on est toujours une entreprise très jeune, en plein développement. Même en tant que marque d’Apple, Beats est très jeune, cela fait quatre ans qu’il nous ont racheté. On fait donc toujours des paris stratégiques sur le long-terme dès qu’on identifie une opportunité à saisir. En tant qu’entreprise d’audio, on sait que le son est important dans une multitude d’environnements. On crée certes des casques, mais on fabrique aussi des systèmes sons pour des voitures de chez Chrysler ou encore Volkswagen. Il y a tellement d’environnements où on peut écouter de la musique. J’espère que Beats sera toujours leader de son secteur dans 100 ans, donc on a largement le temps de se servir des innovations à venir. Avec le temps, Beats deviendra synonyme du son.
Beats a déjà collaboré avec Balmain, notamment via un casque désigné par Olivier Rousteing. Il y a-t-il d’autres marques avec lesquelles vous souhaiteriez travailler à l’avenir ?
On a déjà collaboré avec Undefeated, Undercover, Fendi, Alexander Wang… Pour faire simple, on veut travailler avec des gens avec qui on s’entend bien, dont on aime le travail et avec des valeurs que l’on partage. Tout repose sur le principe de communauté. Ce qui compte vraiment, c’est les personnalités uniques qui dirigent ses marques. On avait cette opportunité pour travailler avec Stéphane Ashpool en juin, autour de cette comédie musicale organisée par Beats et Pigalle. Stéphane avait cette idée géniale de faire un album réunissant tous les artistes qui étaient hype en ce moment à Paris. Du coup, je l’ai encouragé à se servir de Beats et de nos ressources pour donner vie à ce projet. Tout part d’une simple idée. On était assis en studio tous les deux, il jouait de la musique avec des amis à lui. Ce truc lui vient en tête et il me dit “Il faut qu’on le fasse.” On ne veut pas s’accaparer l’image d’autres marques et on ne veut pas que des marques s’accaparent la notre. On a aucun intérêt à avoir une relation strictement commerciale avec quelqu’un. Rien de magique ne se produira dans ces conditions là car tout le monde fera le strict minimum pour juste respecter le contrat. On veut travailler sur des projets qui nous font rester au bureau jusqu’à minuit car on les trouve passionnants.
Vous avez eu une carrière de musicien, avant de travailler de nombreuses années chez Interscope. Vous connaissez l’industrie musicale sur le bout des doigts. Selon vous, à quoi ressemblera-t-elle dans dix ans ?
Je pense que les artistes ont une infinité d’histoires à raconter. La musique sera toujours vitale pour l’être humain. Tant que les gens continueront de faire de la musique et d’en écouter, il y aura une industrie autour. Les plateformes de distributions, la rémunération, les modes de consommations, tout ça finira par encore évoluer, bien évidemment. Je suis dans ce milieu fascinant depuis 25 ans et je peux vous assurer qu’il faut des compétences très variées pour organiser une tournée, négocier un contrat avec un label, se faire payer des droits d’auteur quand on est utilisé dans un film, savoir combien de t-shirts il faut prévoir pour une tournée… Toutes ces compétences n’ont rien à voir avec le fait d’écrire un morceau. Comme pour Beats, l’industrie musicale est avant tout une histoire de partenariat entre plusieurs individus animés par la même passion.
Et comment imaginez-vous le futur de Beats ? Quels sont les prochains territoires que la marque souhaite conquérir ?
Je pense que le monde devient de plus en plus un marché global. Au sein de ce marché global, il y a les préférences locales, influencées par l’éducation, l’expérience de vie, donc on doit continuer à contextualiser l’histoire que l’on raconte au public. La jeunesse d’aujourd’hui représente l’avenir. Quand j’avait 20 ans, partir étudier à Paris aurait été très exotique pour moi. Pour la génération qui nous lit, le monde est globalisé. Si demain, vous avez une opportunité de job à Rio, vous partez à Rio. Après vous partez en Chine, puis à Los Angeles puis retour à Paris. La vie peut fonctionner comme ça maintenant. La musique a toujours eu un temps d’avance sur certains autres arts car quand un morceau sort, il est disponible partout dans le monde. Tout le monde peut l’écouter, n’importe où. Ce n’était pas quelque chose d’habituel et la musique était en avance là dessus. La musique continuera de résonner à travers le globe pour des siècles et des siècles.
C’est une perspective rassurante pour une entreprise qui vend des casques et des enceintes !
C’est vrai et c’est pour ça que l’on veut continuer de créer les meilleurs produits possibles, en apportant de vrais innovations. Notre graal sera toujours de proposer une expérience sonore se rapprochant le plus possible de ce que l’on entend en studio. J’ai un studio d’enregistrement et la musique qu’on entend dedans est ce à quoi la musique doit ressembler. Par delà tout ce que Beats fait, le sport, le marketing, les collaborations, on essaie avant tout de capturer cet instant unique.
Pensez-vous que le grand public va être de plus en plus exigeant concernant la qualité de ce qu’il entend au quotidien ?
C’est certain. C’est comme pour tout dans la vie, on devient vite accro à la qualité. Quand vous regardez un match de foot diffusé il y a six ans, la qualité de l’image risque de ne pas vous plaire et vous allez directement partir au bar le plus proche pour profiter d’une image ultra HD. Les gens commencent à réaliser à quel point l’émotion que l’on ressent est différente lorsque l’on entend un son retranscrit à la perfection. C’est comme pour la nourriture, une fois que vous avez essayé la gastronomie française, le retour aux Etats-Unis est extrêmement compliqué.
Propos recueillis par Julien Perocheau