Comment la marque française Fattoyz a brisé les barrières entre mode et médecine

Créé à Toulouse en 2009 par un couple, Gwen et Jhon, Fattoyz est une marque à part dans le monde du streetwear français, aussi bien pour ses produits que son histoire.

Résolument inspirée par les cultures urbaines, la griffe Fattoyz a aussi su adopter des codes de la haute-couture au fil des années pour retranscrire ce qui constitue le socle de la marque : le vécu personnel hors du commun d’un couple de passionnés. À la suite d’un grave accident de la route, Gwen a en effet été amputée d’une jambe. Si cet évènement est évidemment tragique, le couple a décidé de l’utiliser comme une source de motivation et de créativité. Pour preuve, leur prochaine capsule “Bionic Monster”, qui sortira le 31 octobre, comprendra les toutes premières prothèses de jambes stylisées et designées, pensées pour réunir la médecine et la mode sur un objet qui doit faire oublier l’handicap. Une création totalement unique en son genre, qui symbolise bien la singularité de la marque sudiste dans le paysage du streetwear mondial.

Au sujet de cette création singulière et innovante, Gwen nous explique : “À la base on ne se rendait pas compte que c’était véritablement nouveau. C’est en cherchant des équivalents que j’ai compris. Quand j’étais à l’hôpital, j’ai voulu chercher du positif dans cette expérience car c’est dans ma nature, c’est de là qu’est née cette idée“, avant d’ajouter : “Au final, c’est pour moi un moyen de mélanger deux éléments de ma vie que sont la mode et le handicap et donc d’une certaine façon d’exorciser ce combat et d’aider d’autres gens dans le même cas.” Car si cela peut se transformer en une aide précieuse pour de nombreuses personnes amputées, il faut comprendre qu’en France, une personne dans le besoin de se faire greffer une prothèse n’a qu’une seule option de modèle, ce qui ne permet pas vraiment de mettre en avant sa personnalité ou simplement de se démarquer. De plus, comme l’explique Jhon, ces prothèses génériques et quelque peu déshumanisantes sont difficiles à accepter, d’autant plus pour une femme : “Déjà pour un homme c’est quelque chose qui est difficile, mais je pense que pour une femme c’est encore plus compliqué parce que les prothèses traditionnelles sont destructives vis-à-vis du besoin d’affirmer sa féminité chez une femme. Ça a un coté très cyborg.

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C’est ainsi que Fattoyz s’est lancé dans un ambitieux projet, unique en son genre, qui pourrait véritablement servir de précédent dans le lien entre mode et santé : “Notre objectif ici c’est de normaliser le handicap, le transformer en une force.” Avant-même son lancement, la capsule “Bionic Monster” a déjà largement été saluée et le couple nous a confié avoir reçu beaucoup de messages de personnes les remerciant pour cette initiative capable de changer des vies. Une étape de plus pour une marque qui va fêter ses 10 ans : “On s’est lancé en 2009 alors que l’on avait que 17 ans et qu’on était un tout jeune couple. C’était avant tout un besoin de créer, de s’exprimer à travers la créativité, de développer une façon penser et de transmettre notre univers” explique Gwen. Car si l’histoire de Fattoyz débute, comme beaucoup de marques, par un bouillonnement créatif nécessitant d’être exploré et étant inspiré par de nombreux domaines : “le skate, la street-culture, la musique ou encore le jazz.” La marque a par ailleurs pour particularité d’être l’oeuvre d’un couple, ce qui n’est pas anodin non plus : “C’est un plus parce qu’on est soudé, si l’un ne va pas bien, l’autre va l’aider. Mais il ne faut pas se mentir, c’est aussi à double tranchant puisqu’il y a toujours des difficultés. D’autant quand deux grosses personnalités se font face” explique Jhon, avant que Gwen ne précise : “La marque c’est aussi notre enfant d’une certaine façon, puisqu’on l’a créé très rapidement après s’être mis en couple.

Assez volatile dans son style, la marque offre une proposition avant-gardiste et futuriste, aussi bien via des matériaux peu communs, des coupes originales ou des imprimés excentriques. Certaines pièces vont même plus loin, puisque l’on y retrouve des caméras intégrées capables de surveiller ou encore d’alerter, créant ainsi une forme de vêtement 2.0 en accord avec les nouvelles technologies. Pour autant, le couple ne se dit pas particulièrement inspiré par d’autres marques urbaines, même à leurs débuts, mais plutôt par des créateurs à la personnalité remarquable : “Si je devais citer une inspiration, je dirais Donatella Versace, plus pour son histoire et sa personnalité que pour les pièces de la marque à proprement parlé. On aime s’inspirer de l’histoire des gens” explique Gwen. Et l’exemple de la directrice artistique de Versace n’est pas anodin puisque la marque aime mélanger des codes de deux univers qui tendent à se rapprocher ces dernières années, le streetwear et la haute-couture : “On vient d’en bas, donc pour nous mélanger des éléments de la culture street à ceux de la culture du luxe c’est une espèce d’évolution, c’est aussi l’occasion de s’ouvrir à des univers qui nous sont fermés de base ainsi que d’exprimer une envie de classe et de raffinement” confesse la jeune femme. Ce à quoi son compagnon ajoute : “En mélangeant ces codes, l’objectif final reste que la marque soit unique et que chaque création ne ressemble à aucune autre. La street-culture est déjà particulièrement riche, si on y ajoute des éléments du luxe, ça l’est encore plus. Le résultat en devient donc vraiment intéressant.

Laylow en Fattoyz / Photo : TBMA

Lorsque l’on se plonge dans l’histoire de Fattoyz, l’un des éléments les plus importants de la marque est son lien avec le rap français. La griffe a en effet été adoubée par de nombreux rappeurs : Nekfeu, S-Pri Noir, Sneazzy, Jok’Air et surtout Laylow. Des artistes que le duo considère comme de parfaits ambassadeurs : “Ce sont des vitrines, les rappeurs l’ont toujours été, mais aujourd’hui ça l’est encore plus, notamment avec les réseaux sociaux. Il n’y qu’à voir aux États-Unis comment rap et mode cohabitent pour comprendre à quel point les deux univers sont liés et collaborent ensemble.” Et forcément, parmi ces différents artistes, l’un d’entre eux est tout particulièrement prépondérant dans l’histoire de Fattoyz : le toulousain Laylow. Entre eux, les liens se sont tissés tout naturellement, bien aidé par un rapprochement géographique : “Les choses ont démarré dès la création de Fattoyz, lui se lançait dans le rap, nous dans la mode, et vu qu’on est de la même ville on s’est rapidement côtoyé au sein de la même équipe. Des circonstances qui poussent évidemment à collaborer, mais plus que tout on peut dire qu’on a évolué et grandi ensemble.

Lorsque l’on interroge Gwen et Jhon sur ce qu’ils tirent de l’experience Fattoyz, à l’approche de son 10ème anniversaire, ils nous expliquent instinctivement : “On en tire beaucoup de choses !” avant d’expliciter : “Du positif comme du négatif, notamment de ne jamais lâcher, de continuer à créer et à grandir avec la marque tant ça nous a appris à entreprendre et à gérer une structure. Plus qu’une marque, c’est le reflet de notre vie et de ce que l’on a entrepris à deux.” Et si cette riche aventure devait se résumer en une phrase, ce serait tout simplement avec leur slogan de toujours : “Play Or Die“. Pour conclure cet entretien, le couple évoque l’avenir de Fattoyz, qu’ils imaginent à moyen et long-terme à travers le prisme de l’évolution technique, de la médecine et de l’internationalisation : “On est captivé par le futur, donc on s’imagine forcément dans des villes comme Tokyo ou même aux États-Unis, tout en continuant de se développer, de se créer une place dans le médical et d’être en quelque sorte le symbole d’une fusion entre la mode et le handicap.

Vous pouvez retrouver l’actualité de Fattoyz sur son compte Instagram ainsi que retrouver leurs produits sur leur shop en ligne.