Franco-américaine à la musique douce-amère, Lolo Zouaï sort aujourd’hui son premier album High Highs to Low Lows. Un disque sur lequel la jeune femme émerveille, de par sa maturité artistique et son univers ambivalent, qui fait le lien entre les paillettes de la vie aux US et un profond attachement à ses racines hexagonales. Lolo Zouaï a accepté de répondre à nos questions et de poser pour notre objectif, au coeur de la capitale, par une magnifique journée de printemps. Rencontre avec la nouvelle grande dame du RnB.
Quelles sont tes attentes pour ce premier album ?
J’espère juste qu’il va permettre aux gens de mieux me connaître, qu’il va plaire à mon public et qu’il me fera découvrir à encore plus de gens ! Je veux aussi pouvoir le jouer partout à travers le monde, faire une grande et belle tournée.
Même si ta carrière est encore jeune, tu as déjà sorti beaucoup de singles, d’EP… Quand est-ce que tu as décidé de te lancer dans cet album ?
Je voulais faire un album depuis que j’ai commencé à chanter. Le truc, c’est que je ne voulais pas le sortir trop tôt, même si j’avais plein de chansons dans le coffre-fort. Il y a environ cinq mois, on s’est dit qu’il était temps de se mettre à 100% sur un long-format et de le sortir avant l’été.
La plupart des titres de ce projet viennent donc de ton coffre-fort ou tu les as enregistré spécialement pour l’occasion ?
En cinq mois, j’ai écrit environ… 3 morceaux ! Le reste vient de ce mystérieux coffre-fort (rires).
Il est coutume de dire qu’un premier album est toujours un moment spécial et un peu effrayant pour un artiste. C’est ce que tu as ressenti ?
Je ne ressens pas vraiment de peur pour le moment. Je suis davantage excitée par la perspective de n’avoir aucune idée de ce qu’il va se passer. Je n’ai pas d’attentes très élevées, je ne m’attends pas à faire numéro 1 du Billboard. Après, ce serait cool si ça arrivait !
Si tu devais résumer l’atmosphère de ton album, sa vibe, comment qualifierais-tu ce projet ?
C’est une question difficile car les morceaux vont vraiment des “High Highs” aux “Low Lows.” On peut danser sur certains titres, pleurer sur d’autres, c’est vraiment un pot-pourri d’émotions… On peut dire que c’est mélancolique ? Il y aussi un soupçon d’amertume, c’est sûr. J’ai une idée. On va inverser les rôles, c’est toujours moi qui répond aux questions ! Comment est-ce que toi tu qualifierais mon album ?
Je dirai qu’il a une vraie ambiance de fin d’été. Il te fait repenser à tous ces bons moments, à quel point tu t’es amusé, aux personnes que tu a rencontrées, aux histoires d’amour que tu as vécues. Après toutes ces expériences, tu cèdes forcément à la mélancolie.
Ça lui correspond bien. Je pense que ce n’est pas un album linéaire. Il raconte une histoire, plusieurs histoires même. Il y a différentes émotions, ce n’est pas un projet qui s’intéresse à un seul sentiment.
En écoutant les différents titres, en lisant les paroles, on ressent un vrai message “girl power.” C’est quelque chose que tu souhaitais transmettre aux auditeurs ?
C’est un aspect musical qui colle à ma personnalité, c’est pour ça je ne réalise pas forcément qu’un morceau puisse être considéré comme féministe ou particulièrement adressé aux filles de mon public. C’est simplement mon attitude, je suis une personne très indépendante et entreprenante. Quand j’écris une chanson, je mets tout ce que j’ai dedans et c’est une sensation très spéciale, très agréable. Les femmes fortes sont assurément l’un de mes thèmes de prédilection.
On ressent un mélange très intéressant entre une ambiance marquée par l’imagerie de l’Americana et par ton goût pour le vintage, qui s’associe à une sensibilité très française. Comment parviens-tu à créer ça ?
C’est une très bonne observation, j’aime beaucoup cette question ! (rires) J’adore l’univers de l’automobile, les compétitions de NASCAR, la sensation de vitesse… J’aime romantiser des choses qui ne le sont pas du tout. C’est mon côté Americana. Je parle de ma vie aux États-Unis, de mes étés à Las Vegas, des plages de Californie. J’ai grandi là-bas, donc je fais appel à mes souvenirs. Je veux créer une oeuvre intemporelle sur le plan thématique. L’aspect français, on le retrouve sur des titres comme “Beaucoup” et “Here to Stay.” Les mélodies que j’aime sont habituellement issues de la musique classique. Je ne sais absolument pas d’où ça vient, mais j’ai une oreille pour le classique et c’est quelque chose qui me plaît. Maintenant que j’y pense, quand j’étais petite, ma soeur jouait souvent du piano à la maison. C’est sûrement ce qui m’a donné cette sensibilité.
Tu viens d’évoquer ton amour pour les voitures et les courses automobiles. D’où te vient cette passion ? Tes outfits, ton merch et même tes titres de chansons en parlent.
J’essaie toujours de comprendre pourquoi ça me fascine. La seule explication rationnelle que j’ai à te fournir est la suivante : ma famille est originaire de la Sarthe et quand j’étais plus jeune on allait tous les ans aux 24 Heures du Mans. J’adorais ces moments, je trouvais ça génial, ces voitures qui filaient à toute allure sous mes yeux. C’est quelque chose qui m’a accompagné tout ma vie. Sur le plan du style, je suis une inconditionnelle des friperies et on trouve toujours des pièces de merch automobile dans ce genre de shop. J’adore les énormes vestes avec d’énormes logos !
À propos de tes racines françaises, ton album se conclue sur “Beaucoup”, une ballade chantée intégralement en français. Pourquoi as-tu décidé d’écrire 100% en français pour une fois ?
C’est un titre qui s’est en quelque sorte écrit tout seul, c’était tout à fait naturel. Je voulais créer une ambiance à la Françoise Hardy.
Ça sonne totalement comme du Françoise Hardy !
C’est mon artiste préférée au monde. Bon, j’aime aussi beaucoup Serge Gainsbourg. Sur “Beaucoup”, je suis seulement accompagnée par une guitare. Et il n’y a rien de plus classique et d’intemporel qu’une guitare. Je voulais faire cette chanson car on arrêtait pas de me répéter : “Fais une chanson en français !” et je me suis dit “M*rde, c’est une bonne idée.” C’était important pour moi d’écrire quelque chose que ma famille pouvait comprendre et qui pouvait être joué éternellement, qui ne s’inscrit pas dans une époque. Un intemporel.
On ne retrouve pas de featurings sur ton album. Pourquoi ce choix ?
Je voulais sortir quelque chose qui me corresponde à 100%. Sur High Highs to Low Lows, ce n’est que moi et mon producteur Stelios. Les featurings viendront, les artistes vont écouter mon projet et me demanderont de bosser avec eux ! Je déteste demander à quelqu’un de poser sur mes sons car je veux que ce soit une démarche naturelle. Je trouvais ça intéressant de créer un album sans featuring, surtout dans une époque où tout le monde passe son temps à en faire.
Il y aurait des collaborations dont tu rêves ?
Je veux travailler avec The Weeknd, il est beaucoup trop fort, je l’adore. J’aimerai aussi beaucoup créer quelque chose avec Stromae, il a tellement de talent, que ce soit en tant qu’interprète, auteur ou producteur.
Bonne chance pour le convaincre de revenir !
(Rires) Je sais, je sais, ce n’est pas gagné. Ce serait aussi magique de faire un morceau avec Françoise Hardy, pas forcément un titre inédit, même un petit duo sur scène avec elle m’irait très bien. Je ne me fixe pas de limites par rapport à ça. Il y a tellement de gens avec qui j’aimerai collaborer, mais ça dépend du feeling que j’ai avec la personne et du bon-sens d’une association musicale entre nos univers.
Tu parlais à l’instant de Stelios ton producteur. C’est lui qui a produit l’intégralité de ton album. Comment est-ce que vous travaillez ensemble ?
On a une relation très forte. On se connaît très bien, chacun sait comment l’autre travaille. On commence souvent par trouver un beat ensemble, ensuite, pendant qu’il le module pour moi, j’enregistre des trucs. Je balance des phrases, je freestyle, des lyrics au hasard pour m’approprier la mélodie. Après ça, on se pose et on écrit à deux. Nous sommes très modernes ! Une fois toutes ces étapes passées, on ajoute des ad-libs, des effets vocaux, toutes les décorations et les ornements. J’adore cette façon de travailler.
Tu attaches également beaucoup d’importance au style, que ce soit au niveau de ta direction artistique, de tes outfits, de tes clips… D’où te vient cette passion pour l’esthétique visuelle ?
Quand j’étais plus petite, je décorais ma chambre en permanence. Je voulais peindre un mur en vert, l’autre en bleu, c’était n’importe quoi. Ce n’était pas si joli maintenant que j’y repense ! L’image est toujours un concept qui m’a intéressé, j’ai même voulu devenir photographe quand j’étais ado. J’ai grandi à San Francisco, c’est une ville visuellement très éclectique, très colorée. Sur le plan de la vidéo, j’ai commencé à tourner avec au format VHS au lycée et j’adorais le rendu que ça donnait. C’était l’époque de Tumblr et du tout début d’Instagram, j’ai commencé la curation de contenus visuels très tôt. Je n’ai pas peur de prendre de risques et je travaille avec des gens qui sont excellents dans ce qu’ils font, qui sont créatifs et qui ont une vraie vision. Le clip de “Ride” le démontre bien je pense.
C’est un visuel dont tu es fière ?
On l’a tourné en Californie, avec Grant Spanier, un très bon réalisateur. Il voulait instaurer une ambiance surréaliste et je voulais proposer quelque chose qu’on a pas l’habitude de voir. Je voulais avoir une atmosphère très cinématographique. Pourquoi pas après tout ? J’ai l’impression que mes morceaux sont assez cinématographiques !
C’est un domaine que tu aimerais explorer dans le futur ? Jouer, réaliser, produire ?
Jouer ? Totalement. On m’a déjà proposé de jouer dans des court-métrages, c’est quelque chose qui me tient vraiment à coeur. En ce moment, je suis concentré à fond sur la musique, mais je pense que le cinéma peut être une expérience vraiment fun. Je veux aussi produire des morceaux pour d’autres artistes, mon dieu, il y a trop de chose à faire !
À 23 ans, tu as déjà vécu dans beaucoup d’endroits. Tu as grandi à San Francisco, maintenant tu vis à New York, tu connais aussi très bien Paris. Entre ces trois villes, laquelle t’inspire le plus ?
(Elle hésite) Pour écrire… Je dirai San Francisco, même si je n’y suis jamais en ce moment. J’avais appelé mon EP Ocean Beach car c’est un endroit de la ville où j’aimais aller pour écrire des morceaux. Il y a vraiment quelque chose de beau dans l’air de cette ville. Après, je suis aussi très inspirée quand je suis à New York, c’est là où j’ai écrit la grande majorité de mon album. J’ai vécu six mois à Paris et j’ai été inspirée ici aussi. La ville est magnifique et la vie y est dure. C’est un peu comme à New York, tout va très vite.
À quoi peut-on s’attendre de ta part pour les prochains mois ?
Je pars en tournée aux États-Unis, 22 villes réparties dans tout le pays. Je reviens en Europe pour faire quelques festivals, notamment Dour et We Love Green, ma seule date en France. Et à l’automne, attendez-vous à me revoir sur le vieux continent pour une autre tournée.
Tu as des attentes particulières par rapport à tout ça ?
Je veux simplement rester positive et heureuse, en accueillant à bras ouvert tout ce qui vient. La musique est une aventure géniale, mais c’est facile de se laisser emporter, de devenir anxieux. Faire de la musique son métier est une vraie bénédiction.
C’est difficile parfois ? De gérer la célébrité, les sollicitations, en étant encore jeune ?
Pas pour moi. Certains se laissent piéger par les à côtés, par les tentations, mais je ne place rien au-dessus de la musique. Je sais que c’est ce pourquoi je me réveille chaque matin, que c’est ce que je veux faire chaque jour. Du lundi au vendredi, c’est direction studio. Hier j’ai fait une petite soirée, on s’est bien amusé, mais ça m’a fait réaliser que je ne pouvais plus sortir autant qu’avant. Et c’est une bonne chose ! Il faut grandir à un moment (rires).
Le premier album de Lolo Zouaï est à découvrir ci-dessous, ainsi que son nouveau clip pour le titre “Ride.”