“Up-cycling”, “slow fashion” ou encore “mode éthique” sont des termes de plus en plus employés au fur et à mesure que les consciences des consommateurs et des acteurs du monde de la mode s’éveillent. En effet, la mode est aujourd’hui la deuxième industrie la plus polluante au monde après l’industrie pétrolière. Il semble donc nécessaire de repenser la production et la consommation et textile et habillement.
Le fléau de la “fast fashion”
Tout le monde semble être conscient de l’impact de l’industrie de la mode sur la planète. Et pourtant, les marques de vêtements aux plus gros chiffres d’affaires sont celles qui affectent le plus l’environnement et qui produisent dans les pays les plus pauvres du globe, où la main d’oeuvre est (très) peu coûteuse. Nike, H&M et Zara sont les marques les plus vendues au monde. Il est vrai que derrière ces enseignes, d’apparence irréprochables, se cachent une réalité inquiétante, qu’il est difficile de soupçonner face aux derniers produits tendance qu’ils offrent aux consommateurs. Néanmoins, l’industrie du textile et les grandes enseignes sont de plus en plus critiquées, notamment depuis l’arrivée de nombreux compétiteurs de la “fast fashion.”
En définition, la fast fashion est le fait, pour les marques de vêtements, de renouveler le plus rapidement possible leurs collections, en proposant les dernières pièces tendance à bas coût. Ce mode de fonctionnement tend à créer un véritable besoin chez le consommateur, celui de rester à la mode et donc de renouveler sa garde robe au maximum. Le client ne portera donc que quelques fois ses vêtements, qui seront rapidement passés de mode. Du moins c’est ce que la fast fashion veut faire croire. Selon Brut, entre 2000 et 2014, la production mondiale de vêtements a doublé, et chaque année, le nombre de vêtements achetés par les consommateurs augmente de 60%. La fast fashion est un fléau pour la planète, mais aussi pour les travailleurs employés par les géants de l’industrie textile.
Des dégâts environnementaux et humains
Revenons tout d’abord sur l’industrie textile en général. Pour obtenir 1kg de coton il faut 20 000 litres d’eau. Cela équivaut à remplir 110 fois une baignoire. Et puisqu’un jean nécessite 11 000 litres d’eau pour être produit, le nombre de baignoire remplies pour produire celui-ci est alarmant. Pour transformer les matières premières en vêtements, il faut utiliser de 2 000 à 8 000 produits chimiques. C’est sur le continent asiatique que l’impact de l’industrie du textile est le plus visible. En effet, 70% de la production mondiale de coton se concentre sur ce continent (Chine, Inde, Pakistan, Ouzbékistan, Turquie). Et 70% des cours d’eau en Chine sont bleus et pollués par les multiples agents toxiques échappés des teintures et lavages de masse faits dans les usines de vêtements. La production de vêtements a par ailleurs détruit la faune et la flore de ces cours d’eau, tandis que l’eau en elle-même celle-ci finira par être bue et intégrée dans la chaîne alimentaire des habitants de ses régions. En addition à ce constat dramatique, l’industrie du textile représente 16% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Son impact est dangereux pour l’environnement, tout comme pour les populations locales.
En effet, les vêtements achetés chez les marques de fast fashion sont fabriqués à de lourds dépens, bien souvent oubliés au vu des prix bas auxquels les consommateurs occidentaux ne peuvent résister. Si les tarifs retrouvés chez les leaders de la fast fashion battent toute compétition, c’est parce que les personnes qui fabriquent, tissent, cousent et teignent ses pièces reçoivent moins d’1% du prix final du t-shirt. Fair Wear Foundation a partagé un schéma découpant le prix d’un tee-shirt, révélant qu’un tee-shirt coûtant 29€ rapportait seulement 0,6% au travailleur, soit 0,18€. Selon TheGoodGoods, la moyenne d’âge des travailleurs dans les usines textile en Asie est de 8 ans et que 17 millions d’enfants sont concernés par le travail dans l’industrie du textile. Les employés d’usines de masse passent ainsi leurs journées et leurs nuits dans des hangars insalubres pour totaliser 93 heures de travail hebdomadaire. Il aura fallu que 1150 personnes perdent la vie en 2016 au Rana Plaza, un atelier de production insalubres appartenant à un géant de la fast fashion, pour lever le voile sur cette industrie destructrice. Mais aussi, et surtout, pour permettre aux consommateurs de réaliser que l’image des enseignes les plus connues dans le monde n’est pas si lisse que ça.
Des alternatives à la fast fashion existent
Agir mieux pour la planète et faire les bons choix en tant que consommateurs ou designers est toutefois possible. De plus, devenir éco-responsable et agir pour la protection de l’environnement est désormais considéré comme un mode de vie tendance. Et cette tendance s’étend progressivement dans le monde du streetwear. De nombreuses marques sont aujourd’hui connues pour leur mode éthique, telles que Patagonia, qui, depuis 1993, utilise des bouteilles recyclées pour produire ses vêtements à l’image de ces polaires, shorts, et vestes. Il est également possible de rapporter un vêtement Patagonia irréparable à l’un de leurs magasins pour que celui-ci soit recyclé et puisse produire une nouvelle pièce. Puisque produire un jean équivaut à utiliser 11 000 litres d’eau, la marque vintage RE/DONE se concentre de son côté sur cette matière, en créant des pièces uniquement faites en denim recyclé.
Tous leurs vêtements sont ainsi produits à Los Angeles, en utilisant des méthodes permettant la conservation et la réutilisation d’eau, en s’assurant de ne pas utiliser de produits chimiques. Les coûts des vêtements de RE/DONE sont élevés, mais ils offrent des pièces uniques, produites en quantités limités, nécessitant de longues heures de travail. Acheter un jean RE/DONE assure un produit de qualité capable de durer des années et peut donc être considéré comme un réel investissement. La marque de streetwear Noah est elle aussi impliquée dans une démarche éco-responsable, cette fois-ci du côté de sa production, et des travailleurs qui confectionnent ses pièces. “Nos vêtements sont faits dans des pays et usines ou la tradition, l’expertise et la dignité humaine sont à la base de notre activité. Nous donnons une partie de nos profits à des causes auxquelles nous croyons. Nous parlons de problèmes que nous pensons importants, et nous essayons de donner une voix aux personnes et associations qui comptent pour nous” explique le porte-parole du label.
L’appropriation du streetwear par les marques de luxe est également un mouvement inscrit dans la mode, ce qui n’est d’ailleurs plus un secret pour personne. Et la chasse aux pièces uniques de couturiers, pièces portant une réelle histoire, est lancée depuis un petit moment, notamment grâce aux friperies qui connaissent un grand succès depuis le début de la décennie. C’est pourquoi aujourd’hui, nombreux sont les individus qui vont chiner aux quatre coins du monde pour dénicher des pièces rares, à prix dérisoires, pour ensuite les revendre sur des plateformes créées à cet effet. D’ailleurs le nombre de plateformes, de site ou de comptes Instagram dédiés à revendre des vêtements d’occasion est plus que conséquent. Il est maintenant possible de vendre et acheter des vêtements à des particuliers sur Vinted ou Depop, de retrouver des friperies en ligne sur Asos Marketplace, ou bien de passer par de plus grandes plateformes telles que Ebay ou encore Vestiaire Collective qui offrent un large choix de vêtements, mais aussi de décorations et d’ameublements d’occasion à petits prix, en impactant la planète à moindre coût.
Beaucoup de personnes ont tiré un avantage d’Instagram et du nombre d’heures passées dessus par certains, en proposant les pièces uniques qu’ils ont déniché, tels que Nothing Special ou des influenceurs qui revendent ce qu’ils ont pu recevoir ou acheter durant leur carrière. Ces particuliers vous permettent donc de gagner un temps précieux en n’ayant plus à passer des heures à chercher sur les marketplaces, à l’image de The Clothes Watchers, un nouveau concept de curation d’articles de mode. Ce site sélectionne directement pour les adeptes de vêtements, sneakers et accessoires vintages, rares, de luxe, ou encore des basiques, à des prix très intéressants venant tout droit des plateformes citées ci-dessus.
À côté de cela, la nouvelle génération de créateurs est plus touchée par l’impact environnemental de la production de vêtements, à l’image de Marine Serre, grande gagnante du prix LVMH en 2017, qui créée des pièces issues de tissus recyclés. Sa collection Printemps 2019 présentée lors de la Fashion Week de Paris était d’ailleurs réalisée à 50% de tissus recyclés. Marine Serre avait notamment déclaré lors d’une interview “Pourquoi aller acheter du tissu en Chine alors qu’il en existe tant à réutiliser ?” C’est une dynamique dans laquelle beaucoup de créateurs sont, ou désirent suivre par la suite. Espérons qu’ils soient le plus nombreux possible. L’avenir de la planète en dépend.