La Chine à la conquête du football mondial

Cela ne vous aura pas échappé, les clubs chinois sont une nouvelle fois en train d’agiter le marché des transferts. En offrant des ponts d’or à des joueurs encore au sommet de leurs formes, la Chine est-elle en train de redéfinir la carte du football mondial ?

« Le marché chinois est une menace pour toutes les équipes dans le monde ». Voilà les mots prononcés par Antonio Conte quelques jours avant le départ d’Oscar vers le Shanghai ISPG, pour la somme de 71 millions d’euros. Le meneur de jeu brésilien touchera là-bas 24 millions par saison, faisant de lui l’un des joueurs les mieux payés au monde. A seulement 25 ans, Oscar a choisi de quitter le Vieux Continent pour aller toucher le pactole de l’Empire du Milieu. Encore plus récemment, Alex Witsel a refusé les avances de la Juventus, l’un des plus grands clubs d’Europe, pour signer au Tianjin Quanjian où il touchera 18 millions d’euros par saison. Et bien sûr, comment ne pas évoquer le cas de Carlos Tevez, qui quitte son amour de Boca Junior pour aller toucher 40 millions d’euros par an au Shanghai Shenua, faisant de lui le joueur le mieux payé au monde.

Un eldorado financier sans égal

Le Golfe, la MLS et plus récemment l’Inde ont été choisis comme lieux de pré-retraites par de nombreux grands noms du ballon rond. Un dernier contrat juteux avant de raccrocher les crampons, a priori rien d’illogique. Mais ce qui est différent ici, c’est que des joueurs dans la force de l’âge, capables d’évoluer au plus haut niveau européen, choisissent d’aller s’exiler en Chinese Super League. Un championnat dont le niveau global est très mauvais, pour ne pas dire catastrophique. Heureusement, peu de joueurs partis découvrir la Chine avancent le traditionnel argument du « challenge sportif intéressant ». A l’image d’Alex Witsel, les joueurs évoquent souvent une offre simplement impossible à refuser. Alors que la Premier League semblait régner sur l’économie du foot, la Chinese Super League est en train de chambouler l’ordre établi. Tout en proposant un défi sportif proche du néant.

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Au delà des noms évoqués plus haut, la liste des joueurs de renom ayant rejoint le championnat chinois depuis moins d’un an est impressionnante, jugez plutôt : Hulk, Pellé, Cissé, Lavezzi, Ramires, Gervinho, Fredy Guarin, Alex Teixeira ou encore Jackson Martinez. Des joueurs habitués du haut niveau européen, qui retrouvent en Chine des coachs qui nous sont très familiers comme Manuel Pellegrini, Sven-Göran Erikson ou Luiz Felipe Scolari. Un casting d’étoiles au milieu de joueurs locaux très loin d’être au niveau sur les plans techniques et tactiques. La Chine est passée du recrutement de joueurs en fin de carrière au recrutement de joueurs avec de belles années devant eux. Une nouvelle étape avant d’attaquer la chasse aux jeunes pépites ? Ce serait tout sauf une surprise.

Le football comme outil politique

Cela n’aura échappé à personne, la Chine aime faire l’étalage de sa puissance. Qui a oublié le gigantisme des JO de Pékin en 2008 ? De part son statut de sport le plus populaire au monde, le football est un excellent moyen de faire rayonner une nation à l’international. Mais en l’état actuel des choses, la Chine en est encore très loin. De nombreux observateurs s’accordent à dire que la surenchère économique engagée par les clubs chinois est une réponse aux directives de Pékin, qui souhaitent à terme accueillir et remporter la Coupe du Monde. Il n’y a qu’à voir les photos de la monstrueuse académie du Guanzhou Evergrande (vainqueur des 6 derniers championnats) pour s’en rendre compte. Ouverte il y a mois d’un an, la Evergrande Football School donne le tournis : 2500 jeunes, 120 coachs (dont de nombreux anciens membres du staff du Real Madrid), 50 terrains d’entraînement et une sculpture de la Coupe du Monde de 15m de haut. Le ton est donné.

Le Poudlard du foot ?

Il est désormais de notoriété publique que le président Xi Jinping, lui-même fan de foot, veut se servir du ballon rond comme un instrument de soft power. C’est lui qui a fait comprendre aux plus puissants industriels du pays qu’investir dans le football était nécessaire, dans le but de créer des clubs aux budgets illimités pour attirer des grands noms. Mais la Chine ne gagnera pas une Coupe du Monde avec des stars sud-américaines et européennes. C’est pourquoi vingt-mille nouvelles académies ouvriront leurs portes d’ici cinq ans. L’éducation balle au pied ne fera pas tout, il faut également instaurer une culture foot dans un pays où les sports individuels sont rois. Des consortiums investissent dans de nombreux clubs partout en Europe (Lyon, les deux Milan, Atletico Madrid…) et PPTV, géant chinois du streaming en ligne, vient de racheter les droits de diffusion de la Premier League dans le pays pour 800 millions d’euros. La Chine est bel et bien partie à la conquête de la planète foot.

Vers un nouvel ordre mondial ?

L’essor footballistique de la Chine a beau être rapide, elle est encore loin d’apparaître comme un rival crédible du football européen. Comme évoqué plus haut, le niveau de la Chinese Super League laisse à désirer. L’engagement physique compensant le manque criant de technique chez les locaux, certains joueurs perdent gros sur le plan physique, à l’image de la terrible blessure subie par Demba Ba il y a de cela quelques mois. La tendance actuelle montre également que de nombreux joueurs ne parviennent pas à s’acclimater à l’environnement et à la culture asiatique malgré les millions.

Hulk en rouge, belle ironie

Mais qu’en sera-t-il dans quelques années ? Si le développement des clubs chinois va plus loin que l’alignement de stars et s’étend à la supervision et au recrutement de jeunes pépites, assistera-t-on à l’émergence d’une nouvelle catégorie de joueurs ? Des espoirs payés des millions à un très jeune âge et dominant les adversaires aisément en Chine auront-ils l’envie d’aller tout risquer sur le vieux continent ? Rien n’est moins sûr. L’avènement de la puissance chinoise marque peut être la fin d’une certaine idée du football, une idée romantique où l’amour du jeu et du club primait sur tout le reste. A moins que cette idée ne soit déjà morte depuis longtemps.