Avec son deuxième album, 6LACK signe un coup de maître.
Révélé aux yeux du monde grâce à un premier projet parfaitement maîtrisé, 6LACK a immédiatement séduit la critique et le public. Avec son univers vaporeux et mélancolique, le natif d’Atlanta avait impressionné sur FREE 6LACK. Le chanteur de 26 ans était donc attendu avec East Atlanta Love Letter. Parviendra-t-il à passer le test du “sophomore album” ? Le jeune père a-t-il quelque chose de plus à offrir sur le plan artistique ? Inutile de faire durer le suspens. Paru vendredi dernier, le second projet de 6LACK est une immense réussite. Les promesses entrevues sur FREE 6LACK sont plus qu’assumées, le crooner ayant réussi à peaufiner son style et ses ambiances pour offrir au monde un projet dense, riche et chargé en émotions.
Comme son nom ne l’indique pas, la lettre d’amour rédigée par 6LACK n’est absolument pas destinée au quartier d’Atlanta qui l’a vu grandir. Loin des thématiques souvent terre-à-terre de la trap issue de la capitale de l’état de Géorgie, 6LACK s’interroge sur les divers facettes d’une relation amoureuse. La joie, le désir, le déchirement, la peine, le regret ou encore la perte sont tour à tour évoqués par le principal intéressé, confirmant au passage ses très belles prédispositions de paroliers. Souvent comparé à tort à The Weeknd, le natif d’Atlanta s’éloigne de la luxure glacée du chanteur canadien pour proposer un recueil de morceaux intimistes et délicats. L’amour est donc la clé de voûte de cet album, comme 6LACK en avait récemment parlé à ses fans. Le chanteur avait en effet demandé à ses followers Instagram de répondre en vidéo à des questions tel que “Comment savez-vous que vous êtes amoureux ?” ou encore “Quelle est la chose la plus folle que vous ayez fait par amour ?”
En explorant les zones grises d’une relation, ces instants d’entre-deux, emplis de questionnements existentiels, 6LACK écrit des lettres d’amour sur des moments qui semblent sur le point de s’envoler pour de bon. Ironiquement, East Atlanta Love Letter sonne davantage comme une expérience de rupture enregistré aux heures les plus sombre de la nuit qu’à un échange épistolaire enflammé. Car plus que par ses textes à fleur de peau, 6LACK brille de par l’ambiance hypnotique qu’il parvient à créer avec sa musique teintée de nostalgie et emplies de tonalités mineures. Le grain de voix légèrement éraillé, les mélodies au piano et les productions lo-fi qui sont ici utilisées confèrent une rare beauté sonore à ce projet, qui, sans révolutionner le genre, permet d’installer 6LACK dans les hautes sphères du RnB mondial.
Conçu avec une véritable ligne directrice, à la fois sur le fond et sur la forme, East Atlanta Love Letter brille de par sa cohérence et est fait pour être écouté d’une traite. L’album de 6LACK fonctionne de par lui même, comme une oeuvre globale. Le piano est logiquement un élément central des créations du chanteur d’Atlanta, tout comme son utilisation incessante de beats plus langoureux les uns que les autres. Ces derniers gagneraient parfois à être mis en retrait, voire carrément supprimés, comme sur le titre éponyme de l’album, qui pourrait être encore plus fort émotionnellement avec un simple piano-voix. Quoi qu’il en soit, second projet de la carrière de 6LACK est un chef d’oeuvre nocturne, qui scintillera de mille feux une fois le soleil couché. Assez indescriptible tant elle résonnera différemment chez chacun, l’atmosphère éthérée que produit 6LACK sur des titres comme “Nonchalant”, “Scripture” ou encore “East Atlanta Love Letter” ressemble à s’y méprendre à la marque des grands.
La musique que nous joue 6LACK est avant tout une histoire de textures sonores et de jeu entre ces dernières. Qu’il fonde ensemble deux morceaux comme sur la fin de “Unfair” et l’ouverture de “Loaded Gun” ou qu’il hume avec le brio d’un Kid Cudi sur “Pretty Little Fears”, le chanteur fait l’étalage de sa sensibilité artistique et de son habileté pour façonner des sonorités nébuleuses, qui semblent flotter dans l’air avec grâce. Ce signe évident de maturité est par ailleurs renforcé par l’utilisation très intelligente que fait 6LACK de ses featurings. Ils sont quatre sur East Atlanta Love Letter : Future, J. Cole, Offset et Khalid. De grands noms de l’industrie, qui s’adaptent parfaitement à l’ambiance de ce projet. Mention spéciale pour la performance pleine de grâce de Future sur le titre éponyme, ainsi qu’au couplet stylistiquement parfait de J. Cole sur “Pretty Little Fears.”
Avec cette lettre d’amour douce-amère, 6LACK permet de mettre en lumière la foisonnante richesse de la scène musicale d’Atlanta. À priori artistiquement très éloigné de la trap de Migos, le chanteur convoque ici Offset et ses ad-libs sur le diablement efficace “Balenciaga Challenge.” Son association avec les soyeuses nappes synthétiques de Future fait plus de sens et est l’un des grands temps forts de l’album. Malgré ses invités de choix, tous issus de courants musicaux très différents, 6LACK réussit à conserver une totale cohérence au sein de son projet, dont il demeure toujours le seul maître à bord. Si East Atlanta Love Letter se classe d’ores-et-déjà comme l’un des meilleurs albums de 2018, réaffirmant le talent fou de son interprète, il est avant tout une déclaration d’amour comme il est bien trop rare d’en entendre.
East Atlanta Love Letter est à (re)découvrir ci-dessous.
A lire aussi, le portrait de J.I.D, signé par J. Cole et dont l’avenir semble plein de promesses.