Infatigable travailleur au milieu de terrain, leader charismatique et symbole de l’âge d’or de la Serie A, Pavel Nedved a marqué une génération de fans. Retour sur la carrière parfaite de la Furie Tchèque.
Succéder à Zidane n’est pas une tâche aisée. Acheté à la Lazio Rome pour 41 millions d’Euro à l’été 2001, Pavel Nedved n’a jamais eu la technique insolente du numéro 10 des Bleus. Cela ne l’aura pas empêché d’inscrire son nom au panthéon du football et de devenir une légende pour les supporters de la Vieille Dame. Stratège à la grinta inégalable, capable de lire le jeu et de faire la passe parfaite après avoir galopé pendant des kilomètres, la « Furia Ceca » était un joueur d’exception.
Pour comprendre Nedved, il faut remonter dans le temps jusqu’à sa jeunesse à Cheb, petite ville perdue au milieu de la Tchécoslovaquie. Fils d’ouvrier, Pavel passe ses journées à jouer au foot. La crinière blonde est déjà là, le talent aussi. Il gravit les échelons des catégories jeunes et est repéré à l’adolescence par le Dukla Prague, un club dirigé par l’armée communiste.
Nedved rejoint ce club de la capitale faute de mieux, les footballeurs tchécoslovaques n’ayant pas le droit de jouer pour un club étranger avant leur 32 ans ! On dit souvent que l’histoire ne tient pas à grand chose ; cela va se vérifier pour Nedved. Le régime tchécoslovaque s’effondre en 1989 lors de la Révolution de Velours, ouvrant alors les portes de l’Occident à des millions de citoyens.
Débarrassé de ses obligations militaires, Nedved reste tout de même au pays et s’engage avec le Sparta Prague en 1992. Il y jouera trois ans, gagnera trois championnats, une coupe nationale, ainsi que des premières convocations en équipe nationale. Il participera notamment au fantastique Euro 96 de la sélection tchèque, qui s’inclinera en finale face à l’Allemagne. La hargne impétueuse du milieu de terrain impressionne toute l’Europe.
Son volume de jeu est phénoménal, sa vision du jeu est limpide et sa justesse technique lui permet de marquer depuis n’importe quelle position. Devenu trop grand pour le Sparta Prague, Nedved quitte sa terre natale pour l’Italie, sa terre d’adoption. Nedved rejoint la Lazio Rome et s’impose rapidement comme l’un des meilleurs milieux de terrain du Calcio, évoluant au sein d’une superbe équipe laziale. Le tchèque joue notamment aux côtés de Nesta, Crespo, Veron, Christian Vieri ou encore Roberto Mancini durant ses 5 années romaines.
La Furia Ceca s’épanouit dans ce qui est alors le championnat le plus relevé au monde. Un championnat qui faisait rêver des milliers d’adolescents scotchés devant les images de l’Equipe du Dimanche. Pavel Nedved, déjà dur sur l’homme lorsqu’il évoluait au Sparta, muscle encore plus son jeu pour s’adapter aux intenses joutes physiques de la Serie A. Sa combativité de tout les instants ainsi que son sens tactique aiguisé lui permettent de briller dans la ville éternelle pendant cinq saisons riches en trophées : Serie A 2000, Coupe d’Italie 1998 et 2000, Coupe des Coupes 1999 et Supercoupe de l’UEFA 1999.
Il rejoint la Juventus à l’été 2001, en même temps que les parmesans Thuram et Buffon. Zinedine Zidane parti rejoindre le projet Galactique au Real Madrid, c’est Nedved qui se retrouve dépositaire du jeu turinois. Replacé dans l’axe du milieu de terrain par Marcello Lippi alors qu’il évoluait ailier gauche à la Lazio, le tchèque est champion d’Italie dès sa première saison à Turin. Après des débuts compliqués, Nedved conquiert les tifosis grâce à sa détermination et son implication de tous les instants.
Leader technique et mental de l’équipe, l’Ange Blond livre son chef d’œuvre lors de la saison 2002-2003, à l’issue de laquelle il sera sacré Ballon d’Or. Il conduira la Juventus à un nouveau titre en Serie A, tout en emmenant les turinois en finale de Ligue des Champions face au Milan AC. Une finale que Nedved ne disputera pas, suspendu pour un carton jaune de trop reçu en demi-finale face au Real Madrid. La plus grande désillusion de la carrière de Nedved. L’issue de cette si ennuyeuse finale de Ligue des Champions aurait-elle été différente avec le tchèque sur le terrain ? Nous ne le saurons jamais.
Décisif à de nombreuses reprises lors de cette campagne européenne, notamment en inscrivant un but crucial au Camp Nou en quart de finale, Nedved remportera le Ballon d’Or 2003 devant Henry et Maldini. Il était le poumon d’une équipe qui comptait dans ses rangs Alessandro Del Piero, David Trezeguet et Antonio Conte. Ses exploits individuels n’ont d’égal que son goût pour la besogne au milieu de terrain. Travailleur de l’extrême, le tchèque se décrit en ces termes : “Je ne suis pas beau à voir jouer. Je cours, je me bats, mais je ne suis pas élégant comme peuvent l’être Raùl, Zidane, Figo ou Beckham”.
Les histoires parfaites ne peuvent durer infiniment, voilà que le scandale du Calciopoli survient à l’été 2006. La Juventus est rétrogradée en Serie B et les stars quittent le navire turinois. Ibrahimovic, Cannavaro, Thuram, Vieira ou encore Zambrotta font parties de l’exode. Mais d’autres feront le choix du coeur. Gianluigi Buffon, Alessandro Del Piero, David Trezeguet, Mauro Camoranesi et Pavel Nedved suivent la Vieille Dame au purgatoire. Emmenés par Didier Deschamps, les Bianconeri remontent immédiatement en Serie A. Le fait d’accepter d’évoluer en deuxième division est perçu comme un geste d’immense classe par les fans. Nedved a pourtant un avis différent.
“Nous étions cinq à rester. Nous avions des offres venant de partout, mais nous avons décidé de rester. On est alors devenu des dieux aux yeux des fans. Pour moi c’était juste normal. Le club traversait une période difficile et on lui a simplement rendu quelque chose en retour (…) Quelquefois vous ne devez pas penser aux risques pour votre carrière mais vous devez écouter votre coeur. J’ai toujours été comblé à la Juventus et je n’ai jamais manqué de rien. C’était notre devoir de rester en Serie B”
La Furia Ceca prendra finalement sa retraite en 2009, à 36 ans. Désormais vice-président de la Juventus, Pavel Nedved est toujours acclamé au Juventus Stadium. Dès que sa crinière blonde fait son apparition en tribune ou aux abords de la pelouse, le stade se soulève. Et lorsqu’on lui demande d’expliquer sa superbe carrière, Nedved n’a qu’un mot à la bouche : le travail, encore et encore. Véritable stakhanoviste, le natif de Cheb était l’un des milieux de terrains les plus complets de l’histoire du football. Difficile aujourd’hui de lui trouver un héritier.